L. 56.  >
À Antoine Blampignon,
le 26 avril 1641

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Antoine Blampignon, le 26 avril 1641

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0056

(Consulté le 25/04/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Je me trouve bien empêché de vous dire mon avis en la controverse que m’avez fait l’honneur de m’envoyer pour en être l’arbitre, [2] vu que mes meilleurs et plus intimes amis sont engagés dans la querelle, et que je ne sais pas s’ils voudront bien croire que je sois encore leur ami après que j’aurai prononcé en cette affaire que me proposez, comme je dois, et sans aucun respect de l’amitié et du service que je leur ai voué, et de tant d’obligations que je leur ai. C’est pourquoi je vous dirais volontiers ce qu’un certain sage, fort retenu et modéré, choisi pour arbitre par ses amis, leur répondit :

Messieurs, prenez-moi pour votre ami et votre serviteur, mais non pas pour votre juge.

Ce qui me semble être pris du bon comique, in quadam amicorum controversia : [3][4]

Paululum negoti mihi obstat : Simus et Crito,
Vicini nostri hic ambigunt de finibus ;
Me cepere arbitrum : ibo at dicam, ut dixeram
Operam daturum me, hodie consilium vero non daturum
[1]

Néanmoins, quand je considère que tous six, [2] qui êtes dans l’intérêt de la cause, désirez cela de moi et que mon avis, comme le demandez, pourra vous mettre en paix et hors de contestation, je vous dirai librement ce qui se doit faire en cette matière, selon l’ordre que nous observons de deçà. Votre arrêt du Grand Conseil ordonne deux anciens médecins, selon l’ordre du tableau, et vous n’êtes en tout que six, desquels six il y a toujours un syndic. Sur cela, je voudrais, tant en l’explication de l’arrêt que selon l’usage que nous avons ici en notre Faculté, que des deux anciens requis par l’arrêt celui qui est syndic soit le premier, isque perpetuo primus, quamdiu durabit illius magistratus : tunc enim habet rationem Decani, qui caput est et lingua facultatis ; caput quidem, sed aristocraticum, ut pote qui non solus, et præses, sed ex majorum et seniorum, imo potius ex ipsarum legum consilio et arbitrio rem vestram administret : non vero monarchicum ; opus enim est periculosæ plenum aleæ, uni soli ex propria privataque libidine omnia miscenti rem publicam committere[3] Nos libertés de l’Église gallicane nous permettent de dire : Concilium est supra Papam ; [4] combien que les canonistes d’Italie pleno ore intonent Papam esse supra concilium ; [5] mais ce n’est pas la raison qui les fait parler, c’est seulement leur profit et celui de leur maître. Et hæc de capite. Est autem lingua Facultatis[6] en tant que c’est à lui à parler, à répondre, à dire l’avis de sa Compagnie. Bref, il est in vestro Ordine quod est Cancellarius in regno[7] qui, partout où il se trouve, a seul le droit de parler, mais ce qu’il parle a auparavant été arrêté au Conseil ; à propos de quoi un grand personnage, Nicolaus Borbonius, Baralbulanus, et prope popularis vester[8][5] a fait autrefois un beau distique sur le portrait du chancelier de Sillery : [6]

Ora coronabit laurus victricia Regis,
Sed Regni Facies ista loquentis erit
[9]

Donc le syndic sera le premier des deux anciens. Le second sera pris à l’ordre du tableau, mais je ne sais pas comment vous entendez cette antiquité. Dans votre ville où vous n’êtes que six, et quand vous seriez davantage, vous la devrez régler usque ad sex annos ; [10] c’est-à-dire que nul dorénavant, in vestro ordine[11] ne sera réputé ancien qui n’ait exercé six ans durant la médecine dans votre ville de Troyes : en sorte que je ne compte pas les six années du jour qu’il passe docteur à Montpellier ou ailleurs, mais seulement du jour qu’il a été reçu en votre ville, en votre Compagnie, et qu’il est immatriculé en votre registre et qu’il a été, vobis annuentibus et consentientibus[12] admis collègue, à faire part en votre Collège ; de sorte que les deux ans du syndic étant expirés, lorsqu’il en faut créer un autre, vous devez le prendre du premier nombre, c’est-à-dire de ceux qui font la médecine dans Troyes, ex vestro consensu, ante sex annos ; [13] car s’il n’y a pas six ans passés tout entiers, nemo debet censeri idoneus ad munus gerendum ; [14] et ainsi faisant, les jeunes, attendant le terme des six ans passés, apprendront les droits et les coutumes de votre Compagnie pour se mieux acquitter de leurs charges, quando ætatis beneficio ad ea pervenerint[15] C’est aussi chez le syndic que se doivent faire vos assemblées, s’il est commodément logé, si vous n’avez en ville, ex communi consensu[16] un lieu destiné à cela. Il me semble, Monsieur, que voilà ce qu’avez désiré de moi. J’ai grand regret que je n’aie moyen de m’expliquer mieux. Je crois pourtant que je n’y offense personne, vu que si les jeunes ne sont bientôt admis aux charges de la Compagnie, ils sont en état d’y parvenir bientôt, vu que six ans sont bientôt écoulés, [17] avant qu’ils puissent le plus souvent être instruits de tout ce qui peut arriver de controverses en votre Compagnie, tant pour la tenir en ses règles que pour s’opposer à un tas de nouveautés et de chicanes que la malignité des hommes va inventant tous les jours. Je doute néanmoins fort si vous trouverez bon tout ce que dessus, combien qu’il soit, autant qu’il m’a été possible, < conforme > à la règle et au niveau de notre Faculté, laquelle conserve ses règles mieux qu’aucune de cette grande ville, et que jamais nous n’avons eu procès ni arrêt pour l’observation de nos statuts. [7] Je vous prie donc en particulier, et tous Messieurs vos confrères en général, de prendre en bonne part mon avis, que je n’ai écrit que parce que vous l’avez ainsi désiré de moi, neque aliter ausus fuissem.

Non nostrum inter vos tantas componere lites[18][8]

Je vous honore tous entièrement, et les uns et les autres, et suis à tous en général, et à vous en particulier, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Patin.

De Paris, ce 26e d’avril 1641.

Eodem ipso die, quo ante annos tres et octoginta, obiit Scholæ nostræ lumen, et Medicorum totius Europæ doctissimus Ioannes Fernelius, nimirum 26 april. 1558[19][9]


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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