L. 118.  >
À Charles Spon,
le 20 janvier 1645

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 20 janvier 1645

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0118

(Consulté le 28/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Après vous avoir souhaité une longue santé en cette nouvelle année, je vous dirai, sur ce que vous souhaitez de savoir, que M. Cousinot, [2] premier médecin du roi, est en bonne santé et en fort bon état pour sa charge. Je souhaite qu’il y soit fort longtemps et je ne pense pas qu’il perde sa place qu’avec la vie. Je lui parlerai de vous la première fois que je l’entretiendrai. M. Vautier [3] est bien loin de son compte, mais quand il serait en ce zénith de la fortune, où il ne viendra apparemment jamais, il ne nous pourrait faire aucun tort. Nous sommes au-dessus du vent et des tempêtes. [1]

Il est vrai, comme on vous l’a dit, qu’il y a ici un Anglais, fils d’un Français, qui médite de faire faire des carrosses [4] qui iront et reviendront en un même jour de Paris à Fontainebleau, sans chevaux, par des ressorts admirables. [2] On dit que cette nouvelle machine se prépare dans le Temple. [3][5][6] Si ce dessein réussit, cela épargnera bien du foin et de l’avoine qui sont dans une extrême cherté. Pour votre collègue qui a entrepris de faire mourir de faim les scieurs d’ais par sa nouvelle machine, [4] je ne sais point son nom et je serais bien d’avis que les scieurs d’ais ne le sussent pas aussi. Mais à propos de collègue, que fait votre M. Meyssonnier ? [7] Est-il grandement catholique ? Renversera-t-il le parti de la prétendue Réformation ? [8] Le pauvre homme n’avait que faire de se hâter à ce changement, on le connaissait déjà assez bien ; qui en eût douté n’eût eu qu’à lire ses écrits qui seront toujours le portrait de son esprit.

Je vous ai obligation du livre du sieur Potier [9] dont vous m’avez fait présent, mais je doute fort si le public en aura à M. Huguetan [10] d’imprimer de tels livres, qui serviront plutôt à faire des charlatans [11] que de grands docteurs. [5] Ce livre est plein de mauvais remèdes, de vanteries, de faussetés, et plût à Dieu qu’on n’eût jamais rien imprimé de telle sorte. Il est trop de chimistes [12] et de malheureux empiriques, [13] mais il est fort peu de gens qui s’étudient à bien entendre les Épidémies d’Hippocrate. [14] J’ai ouï dire à M. Moreau, [15] qui est angevin comme ce Potier, que c’était un grand charlatan et un grand fourbe qui se mêlait de notre métier ; qu’il ne montait sur le théâtre que pour mieux débiter ses denrées ; [6] qu’il était sorti du royaume et avait pris le chemin d’Italie. Aussi fait-il dans son ouvrage l’aristarque et le censeur des médecins. [7] À l’ouïr dire, il n’y a que lui seul qui soit savant et entendu. Ce qui me fait soupçonner tout son fait, c’est qu’il parle trop souvent de son diaphorétique, [16] de son opium [17] ou laudanum, [8][18] et qu’il blâme trop souvent les autres remèdes dont le public reçoit tous les jours du soulagement. Son livre est une perpétuelle censure de la médecine commune. Il n’y aura néanmoins que les sots qui l’admireront et les honnêtes gens n’en feront jamais leur profit. Ce livre deviendra ridicule ou il rendra ridicule tout le métier dont nous nous mêlons vous et moi.

Le 22e de décembre dernier est ici mort un commis de M. de Fieubet, [19] trésorier de l’Épargne, [9][20] nommé Jean-Baptiste Lambert, [21] fils d’un procureur des comptes, petit-fils d’un médecin de Paris, et neveu de M. Guillemeau, [22] notre collègue. [10] J’ai été son médecin depuis huit ans, il m’a laissé par testament, dans son codicille, [11] la somme de 3 000 livres et un autre article qui vaudra plus que cela. Il avait le rein droit tout consumé et purulent, dans le follicule duquel il y avait 16 pierres qui pesaient quatre onces ; [12][23] le poumon était aussi gangrené. [24] Il est mort tout sec, sans aucune violence, ayant eu beaucoup de temps à donner ordre à ses affaires. Il était riche de trois millions, il avait gagné ce grand bien : 1o dans les partis, étant commis de M. de Bullion ; [25] 2o pour avoir été commis de l’Épargne pendant 18 ans ; 3o par son grand ménage, n’ayant eu maison faite que depuis Pâques dernier. J’étais fort en ses bonnes grâces, mais j’ai toujours méprisé la fortune dont il me voulait faire part. Je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 20e de janvier 1645.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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