L. 289.  >
À Claude II Belin,
le 15 juin 1652

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 15 juin 1652

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0289

(Consulté le 29/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Gardez-vous bien de croire que vos lettres ne m’aient toutes été très agréables. Si je vous ai ce carême dernier écrit quelque chose touchant votre barbier, [1][2] c’est que son fils [3] me faisait pitié, et qui me disait que son père était tout prêt de faire un accord ; ce qui fût heureusement arrivé en cette saison-là, mais vous et votre Compagnie [4] ne l’ayant pas trouvé bon, j’ai aussitôt été de votre avis, duquel je ne m’étais point écarté. Ce n’est point à faire aux barbiers à faire les maîtres. Medicina est architectonica ; [2] et à l’égard de ces gens-là, nous devons dire après Dieu Gloriam meam alteri non dabo[3][5] Je crois que vous avez fort bien fait de ne lui rien accorder, combien que ceux qui proposent la paix n’aient pas mauvaise grâce : Speciosi pedes evangelizantium pacem[4] Quelque chose qui arrive, je vous y servirai de tout mon cœur, tenez-vous en assuré, et Messieurs vos collègues aussi, et ne cherchez plus d’excuses envers moi pour votre pénultième puisque n’ai point d’autre dessein que le vôtre ad artis quam profitemur dignitatem et gloriam[5]

Pour nouvelles de nos Écoles, trois de nos compagnons sont morts depuis cinq semaines : le jeune Gamare, [6] qui seul restait de ce nom, d’une inflammation de poumon ;[7] le vieux Le Conte, [8] presque octogénaire et innocent ; [6][9] et M. Bréguet, [10] qui était médecin du duc d’Enghien. [11] Il avait quitté Bordeaux pour venir ici donner ordre à quelques affaires domestiques à cause de la mort de sa belle-mère, il tomba malade à Orléans [12] et est mort là auprès, d’une fièvre continue [13] maligne, âgé de 38 ans, et laisse huit enfants vivants. S’il n’eût eu l’ambition de la cour, adhuc viveret ; [7] c’est folie de penser à vivre longtemps et avoir beaucoup de passion déréglée, ambition, avarice, vengeance, etc. Bene qui latuit bene vixit ; [8][14] jamais Martial [15] n’a dit plus vrai pour le lieu de notre mort :

Nullo fata loco possis excludere, cum mors
Venerit, in medio Tibure Sardinia est
[9]

Nous avons ici deux livres nouveaux de notre métier : l’un est Io. Riolani Opuscula Anatomica nova ; [16] l’autre est un in‑4o de bonne grosseur contre l’antimoine [17][18] et l’abus de ceux qui s’en servent. Nous avons aussi tout fraîchement, les beaux panégyriques de M. Ogier [19] le prédicateur in‑4o, ce sont des sermons en l’honneur de quelques saints. [10]

Nous sommes ici in bello non bello[11] car on ne se bat point : d’un côté le duc de Lorraine, [20] de l’autre côté le maréchal de Turenne ; [21] à Étampes, [22] l’armée des princes, et qui pis est, à Melun, [23] […] [12][24] qui ne s’en va point ; et utinam numquam abeat[13] fût-il bien assommé, le mâtin, comme il mérite ! On a fait ici les plus belles processions [25] du monde avec toute sorte de dévotion, et néanmoins ce vilain Cometa caudatus [14] ne s’évanouit point ; puisse-t-il bientôt fondre au soleil puisqu’il ne peut être chassé. Les députés du Parlement sont à Melun, on attend leur retour et la réponse qu’on leur fera. On a mandé M. de Châteauneuf [26] à la cour, qui a dit qu’il n’irait point que le Mazarin ne fût hors du royaume. On dit bien toujours qu’il s’en ira, sed non ego credulus illis : credat Iudæus Apella, non ego[15]

On parle toujours de la paix, mais on ne la fait point : on dit que l’on va joindre ensemble les deux armées de Lorraine et des princes, et que, lorsque toutes les forces seront ramassées, ils entreprendront. Si le roi [27] sort de Melun, on dit qu’il ira à Sens [28] ou à Troyes ; [29] d’autres disent à Lyon. Est infatuatum consilium Achitophelis et induratum cor Pharaonis[16][30][31] ils ne savent ce qu’ils font ni ce qu’ils feront. On a ici fait de grandes processions pour la paix, mais elle ne vient point, ni ne sais quand elle viendra. Je pense que les grands n’en veulent point, ils font durer la guerre ut agnoscantur flagella Dei[17] Je vous baise très humblement les mains, à Messieurs vos confrères, à MM. Camusat et Allen, et à nos autres amis, et suis de tout mon cœur, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce samedi 15e de juin 1652.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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