L. 381.  >
À Charles Spon,
le 4 décembre 1654

Codes couleur
Citer cette lettre
Imprimer cette lettre
Imprimer cette lettre avec ses notes

×
  [1] [2] Appel de note
  [a] [b] Sources de la lettre
  [1] [2] Entrée d'index
  Gouverneur Entrée de glossaire
×
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 4 décembre 1654

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0381

(Consulté le 18/04/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Ce 3e de décembre. Je vous envoyai ma dernière le mardi 1er de décembre. Depuis ce temps-là, je vous dirai que M. Gassendi [2] est un peu dégagé : il respire plus facilement et, Dieu merci, a moins de fièvre ; si cet allègement lui continue deux ou trois jours encore, j’ai grande espérance de sa guérison. On se moque ici de l’ambition des jésuites : [3] ils avaient traité avec la reine d’Angleterre [4] de prendre son troisième fils [5] pensionnaire chez eux (c’est le duc de Gloucester) ; ils lui donnaient un jésuite anglais pour son directeur ; on lui avait fait apprêter un corps de logis tout exprès, d’où on avait fait déloger tous ceux qui l’occupaient ; il changeait de religion [6] et se faisait catholique romain (c’est beaucoup pour un prince). Le roi d’Angleterre, [7] son frère aîné, en ayant eu le vent, en a écrit si rudement à la reine sa mère, ne voulant consentir qu’on le mette dans les jésuites ni qu’il change de religion, qu’enfin on en est demeuré là et qu’il n’en sera rien. Voilà les carabins du P. Ignace [8] frustrés de leur attente en ce point. [1][9]

Les jésuites de la rue Saint-Jacques, [10][11] après avoir marchandé depuis plusieurs années le Collège du Mans, [12] lequel tient à leur maison, l’ont enfin acheté de l’évêque du Mans [13][14] afin d’agrandir leur logement. Cela a mis la puce à l’oreille à ceux de l’Université, lesquels s’en remuent tout de bon et ont fait leur opposition au sceau, prétendant que c’est un fief d’Église qui ne se peut vendre. [2] Ces maîtres passefins ne manquent jamais de faire leurs affaires durant les minorités des rois et dans la fortune des favoris à qui, en récompense, ils rendent des services à divers titres, en qualité d’espions, maquereaux politiques, etc.

M. Musnier [15] de Gênes [16] m’a écrit que mon ballot est parti de Marseille pour être rendu à M. Huguetan, [17] à Lyon, dès le 18e d’octobre. S’il est arrivé à Lyon, je vous supplie de rendre au dit M. Huguetan l’argent qu’il aura déboursé pour moi, pour le port du dit ballot depuis Marseille jusqu’à Lyon ; et après, d’aviser avec lui par quelle voie vous me l’enverrez, ou par le coche de Lyon, ou par la commodité de quelque balle de livres que l’on peut envoyer de deçà. Si c’est par le coche, je vous prie d’en payer le port si vous le trouvez à propos, afin qu’il me soit ici rendu franc de port ; et mettez tout cela sur mes parties que je vous ferai rendre argent comptant par le correspondant de M. Moreau, [18] mon voisin, qui est encore à Lyon ; sinon, si vous le trouvez plus à propos, je le paierai de deçà. Utrumvis feceris mihi perinde erit, hoc est gratissimum[3]

Ce 3e de décembre[4] Je vous prie aussi de dire à M. Huguetan que je le prie de penser à ce que je lui ai écrit la dernière fois touchant le livre de M. Gassendi, et de lui communiquer pareillement ce que je vous écrivis il n’y a que trois jours touchant les conditions requises pour avoir la copie de M. Gassendi, lequel a été aujourd’hui visité par le sieur Jean-Baptiste Morin, [19] professeur du roi < en > mathématiques, et avec lequel il s’est réconcilié, et ont juré amitié ensemble aujourd’hui avant midi. [5] Ledit M. Gassendi se porte mieux. Il a été saigné six fois des deux bras, et non pas au pied, pour son inflammation de poumon. [20] Je lui ai ordonné pour demain matin un petit apozème [21] purgatif [22] de deux drachmes de séné, [23] dans lequel on dissoudra demi-once de bonne casse [24] mondée, [6] sans aucun sirop [25] pro prima illa vice[7] La fièvre est fort diminuée, il respire tout autrement mieux et plus facilement, et bene se habet ad ea quæ offeruntur[8] J’espère qu’il nous demeurera pour ce coup.

M. Gassendi ne peut se résoudre à promettre sa copie à M. Barbier, [26] d’autant qu’il veut plusieurs assurances de lui quæ non apparent[9] comme que son ouvrage sera très correct, qu’il ne vendra rien que les sept volumes ne soient achevés. Il doute que M. Barbier soit assez riche pour entreprendre un ouvrage de si longue haleine, joint qu’il n’a plus M. de Barancy, [10][27] qui lui était bien nécessaire. Outre plus, il lui en faut un grand nombre d’exemplaires pour tant d’amis qu’il a, etc. Quand il sera guéri et qu’il aura sa copie prête à donner à imprimer, il produira plusieurs conditions, auxquelles mêmes peut-être que M. Barbier ni d’autres ne voudront condescendre, ni rien entreprendre là-dessus.

Au reste, je viens tout présentement de chez M. Gassendi qui est, Dieu merci, sauvé. Son petit remède a fait merveilles : il a fait quatre selles toutes de glaires ; [28] il est sans fièvre, sans douleur, sans difficulté de respirer, et ne demande plus qu’à s’entretenir avec ses amis. Cette lettre vous sera rendue par l’ordre de M. Borde, [29] libraire de Lyon. Je me recommande à vos bonnes grâces et suis de toute mon affection, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce vendredi 4e de décembre 1654, à quatre heures après midi.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.
Une réalisation
de la BIU Santé