L. 436.  >
À Hugues II de Salins,
le 3 mars 1656

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 3 mars 1656

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0436

(Consulté le 28/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Ce 29e de février. J’ai reçu votre dernière aujourd’hui, des mains de M. de La Place qui m’a trouvé comme je composais une leçon de ileo et colico dolore ; [1][2][3] et voilà que je quitte ce travail pour vous répondre. Premièrement, je vous supplie de faire mes recommandations à mademoiselle votre femme, à monsieur votre père et à monsieur votre frère aîné, et de les assurer de mes très humbles services.

Pour vos questions, voilà que j’y réponds. Revera nullum datur in natura medicamentum hæmagogum, id est quod elective trahat sanguinem, ut rheum dictum est purgare bilem[2][4][5][6] dans les termes de l’École ; mais bien y a-t-il des remèdes qui ouvrent le chemin au sang, et par lequel il s’écoule ; et voilà ce qu’entend M. Riolan le père. [7] Igitur per medicamenta hæmagoga sunt intelligenda menses moventia, et uterum reserantia, ut depleatur et liberatur ab iis quæ in eius cavitate continentur : qualia sunt syrupus de artemisia, borax, crocus, trochisci de myrrha, saphenæ sectio, balneum, valida purgantia, ut syrupi de rosis solutivus, vel de florib. mali persicæ, cum sena, rheo, diapruno solut., diaphœnico, hiera diacolocynthidos, elaterio, et aliis acrioribus[3][8][9][10][11][12][13][14][15][16] qui valent tout autrement mieux que la décoction apéritive de Rabelais, [4][17][18][19] quia nupturienti sanguini viam faciunt, meatus aperiendo[5]

Phthisis a cerebro in pulmones raro conspicitur[6][20] et tenez pour certain que tous ces topiques [21] ne servent presque de rien car, en ce cas, il faut avoir recours à de petites saignées, [22] à une fréquente et douce purgation[23] et à un grand régime de vivre. [24] Tous ces emplâtres de tant de façons sentent l’Arabie [25] et l’intérêt de l’apothicaire, [26] et même l’ignorance de la cause de la maladie, quod apud Gal. solemne est Empiricis, qui sunt πολυφαρμακοι. [7][27] Nec in tali phthisi vellem inurere pyroticum suturæ coronali[8][28][29] il n’y servirait de rien, mais ferait force mal au malade. L’emplâtre de thapsie [30] de Galien, [31] et plutôt dans Galien que de Galien, n’y fera pas grande chose. [9] Multa retulit Galenus remedia quæ non probat ; ea dumtaxat refert ut improbet, vel ut ostendat inanem veterum Medicorum πολυφαρμακιαν, quam passim reprehendit[10]

Si in hydrope ascite supra modum tumeat umbilicus, ipse poterit acu perforari ; sin minus, erit pungendum abdomen [11][32] à deux doigts de l’ombilic, vers la rate [33] et le côté gauche. Iugularis externa tuto aperitur in morbis cerebri a multo sanguine, aphonia, apoplexia, lethargo ; in dolorib. inveteratis capitis et in phrenitide[12][34][35][36] il faut ouvrir l’artère. J’ai fait ouvrir la jugulaire quatre fois cette année cum prospero successu[13] j’entends la jugulaire externe car l’interne est cachée sous le mastoïde, sed maxime peritus ad hoc requiritur chirurgus[14][37] Quand une femme est morte, on ne saurait manquer de l’enterrer et elle n’est plus bonne qu’à cela ; sed ubi nondum constat de morte[15] il la faut garder quelque temps, mais trois jours sont beaucoup, et trop. La scarification des jambes aux hydropiques [38][39] (elle se fait ici souvent, mais ce doit être au commencement, et nondum provecto morbo[16] ab ascite [17] est fort bonne et est dans les anciens ; mais il en faut bien prendre son temps car si le mal est incurable de soi, la gangrène [40] s’y mettra, et vous en serez accusé ; il vaut donc mieux ne leur rien faire, idcirco deserendi, et fato suo relinquendi[18]

Les signes d’une hydropisie formée sont le foie squirreux, [19][41][42] ou la rate, [43] le corps exténué, adaucta febris, gravior dyspnœa, frequens tussis, lingua sicca et scabra, sitis inexhausta, prostrata appetentia, urinæ paucæ, quarum sedimentum sit rubrum, etc. [20]

Votre chirurgien est venu céans, mais il ne m’a point trouvé. J’ai délivré à M. de La Place ce que j’avais apprêté pour lui afin de vous être envoyé, savoir quelques thèses [44] et le livre de M. Perreau [45] contre l’antimoine, [46] avec les deux derniers livres de M. Guillemeau [47] contre Courtaud [48] de Montpellier [49] et un petit traité de M. Merlet [50] en latin, contra stibium. Pour son livre en français, je ne vous l’envoie point car il parle de le faire réimprimer, augmenté et enrichi de la moitié ; la première édition était trop sèche, secundæ cogitationes erunt meliores[21] Vous lui rendrez un écu qu’il m’a donné. En attendant que la seconde édition de M. Merlet nous vienne, vous trouverez dans M. Perreau de quoi assouvir votre soif : il y a là-dedans bien de très bonnes choses contre l’antimoine, lisez-le d’un bout à l’autre.

Notre bonhomme M. Riolan [51] se porte fort bien, Dieu merci. N’avez-vous pas lu son livre tout entier qu’il fit l’an passé, adversus Pecquetum et Pecquetianos [52] qui sont Mentel [53] et Mersenne ? [22][54]

Mme de Guise, [55] fort âgée, mourut ici la semaine passée. Elle a laissé à son fils [56] qui lui restait unique tout ce qu’elle ne lui pouvait ôter et a laissé à Mlle de Guise, [57] sa fille, tout ce qu’elle lui pouvait donner. [23]

Nous avons ici perdu un de nos anciens collègues nommé M. Le Soubz, [58] âgé de 67 ans. Il avait négligé son métier et était si peu employé que je crois qu’il n’y a personne qui perd ni qui gagne à sa mort. Nous en avons deux autres qui ingrediuntur viam universæ carnis[24] qui sont MM. Allain [59] et Cousin, [60] tous deux malades de paralysie et d’hydropisie depuis six mois.

On tient ici la Pologne prise et perdue par le roi de Suède, [61] et croit-on que si de grandes forces ne lui sont opposées, il entrera très fort en Allemagne le mois de mai prochain. [62]

Pour nous, on dit que nous porterons la grande guerre en Italie par terre, et Cromwell [63] par mer ; que nous en avons ainsi fait l’accord avec lui ; de quoi le pape [64] est en grosse colère contre nous, laquelle éclatera bientôt si nous ne l’amendons. Quelques-uns disent ici que le pape menace le Mazarin, et les jésuites ; ce qui n’est pas vrai, semble-t-il. [25] Les pauvres jansénistes sont fort houspillés en Sorbonne [65] par les molinistes, [66] cordeliers [67] et alia dæmonia[26] M. de Sainte-Beuve [68] a reçu défense du roi de plus enseigner, il a promis d’obéir. Je vous baise les mains de toute mon affection, et à Mlle Louise de Bonamour, [27][69] et suis de pur et bon amour, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce vendredi 3e de mars 1656.

Les marchands ne veulent pas ici recevoir les nouveaux lis, c’est la nouvelle monnaie ; [28][70] cela empêchera l’exécution de l’édit et par conséquent, il le faudra révoquer. Notre ambassadeur, M. de Bordeaux, [71] maître des requêtes, fils de l’intendant des finances, [72] qui a fait notre paix d’Angleterre, était ici depuis trois mois ; il a reçu commandement de s’y en retourner vite, il y a quelque chose qui presse. Le roi et le Mazarin sont allés à Saint-Germain-en-Laye [73] pour en revenir la semaine qui vient. On parle ici d’un nouveau jubilé [74] pour la mi-carême, pour la paix générale et pour l’extirpation des hérésies ; nous la demandons d’un côté et nous l’empêchons de l’autre. Sicque nolumus et volumus[29]

Il y a ici un livre nouveau in‑4o du P. Yves de Paris, [75] capucin[76] intitulé Le Nouvel agent de Dieu dans le monde ; mais ce n’est que du galimatias et de la crème fouettée, selon la coutume de ce père qui ne fait que badiner avec sa plume : opus est hominis otio et literis infeliciter abutentis[30][77]

Je viens d’apprendre que M. Chicot, [78] médecin par quartier, fait imprimer un petit in‑4o, lequel contiendra divers traités de purgandi Ratione, de Rheumatismo, de Variolis et morbillis, etc., [31][79] et que l’impression en sera achevée dans 15 jours. C’est un homme que je n’ai jamais vu, mais j’ai toujours ouï parler de lui comme d’un homme d’esprit ; joint que voilà des chapitres bien choisis et des matières illustres. Je souhaite fort que pour le bien du public, il y ait réussi.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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