L. 452.  >
À Hugues II de Salins,
le 20 novembre 1656

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 20 novembre 1656

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(Consulté le 16/04/2024)

 

De Paris, ce 20e de novembre 1656.

Monsieur, [a][1]

Puisque vous l’avez ainsi voulu, j’ai reçu votre beau présent, savoir votre feuillette de vin, [1][2] par votre voiturier qui est arrivé à notre porte comme je sortais de céans ; il s’est fort bien acquitté de sa commission, m’a rendu votre lettre et le tonneau de vin apparemment bien conditionné ; iacet in cella nostra vinaria[2] quand il se sera bien reposé, nous en goûterons et boirons à votre santé, à celle de mademoiselle votre femme, Louise de Bonamour [3] (que voilà un beau nom ! si elle est aussi bonne que son nom me plaît, vous êtes un mâle heureux, a Domino datur uxor prudens[3][4] toutes les affaires vont bien quand ce Grand Maître-là s’en mêle), et à celle de Messieurs vos père et frère, auxquels tous je baise les mains de toute mon affection. Je vous remercie donc derechef de votre vin, du souvenir que vous avez de moi, comme aussi de toute la dépense que vous avez faite pour me le faire rendre céans, tant en voiture qu’en entrée. [4] Je ferai ce que je pourrai de mon côté pour reconnaître un tel présent, et vous récompenser de tant de libéralités et tant de bienfaits faits de si bonne sorte ; et ce sera toujours de très bon cœur et du plus franc qu’il me sera possible.

Le livre de Præadamitis [5] a été imprimé trois fois : primo in‑4o, en Hollande, il est fort rare, les libraires le vendent une pistole quand ils en ont ; deuxièmement in‑12, et le vendent un écu ; et en Allemagne pour la troisième fois, j’en ai vu un in‑4o[5] Je n’en ai encore nul pour moi, mais je crois qu’il y en a un in‑12 en chemin dans un paquet qui me vient d’Utrecht ; sinon, j’en manderai deux, un pour vous et un pour moi. L’auteur est un gentilhomme gascon, nommé La Peyrère, [6] huguenot [7] par provision et en apparence ; mais quelques-uns le soupçonnent juif[8] au moins a-t-il bien du judaïsme dans la tête ; même il a fait par ci-devant un livre Du Rappel des juifs et est vrai que eiusmodi recutitorum genti maxime favet[6] Il est en prison dans la citadelle d’Anvers. [9] Les Espagnols l’auraient déjà secoué, [7] n’eût été qu’il est porté du prince de Condé ; [10] mais on dit qu’ils ne le lairront jamais aller qu’il ne se dédise et ne renonce à son livre. Lisez au commencement du Genèse, chap. 4, ce que dit Caïn à Dieu qui l’avait maudit pour avoir tué son frère Abel ; et de là vous pourrez tirer une forte conjecture qu’Adam n’a pas été le premier homme du monde, mais seulement dans la Palestine, etc. [8][11] Je vous ai par ci-devant écrit et répondu à vos doutes. J’oubliais à vous dire, touchant les Préadamites, qu’il y a sept réponses déjà contre lui, cinq d’Allemagne et deux d’ici. J’apprends que le livre des Préadamites a été imprimé à Bâle [12] in‑8o. Cette opinion ébranle l’autorité de la Sainte Écriture, mais il n’importe encore pour les moines [13] pourvu que le purgatoire [14] leur demeure. Aussi les huguenots s’en trémoussent, sed viderint ipsi ; [9] cela importe fort peu aux médecins qui sont un tiers parti. Je vous ai mandé par ma dernière la mort de trois des nôtres, savoir MM. Moreau, [15] Guillemeau [16] et Le Clerc. Notre Saint-Père le pape [17] a la pierre [18] et a dessein de se faire tailler proximo vere novo ; [10] mais la peste est forte à Rome et à Gênes. [19][20] On ne sait où est le cardinal de Retz, [21] plusieurs croient qu’il est ici caché dans Paris ou quelque part alentour. On dit que le roi de Suède [22] est fort humilié et que le roi de Pologne [23] se remet. [24] M. le comte d’Harcourt [25] nous a quittés et a pris le parti de l’empereur. [26] On commence à Lyon une nouvelle édition de toutes les œuvres de M. Gassendi, [27] il y aura six volumes in‑fo. Vive, vale et me ama, cum tuis. [11] Cromwell [28] a attrapé une partie de la flotte d’Espagne, le reste a été coulé à fond ; les Espagnols en ont plus besoin que jamais pour la campagne prochaine. Saluto uxorem, patrem et fratrem. Tuus aere et libra[12] G.P.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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