L. 909.  >
À André Falconet,
le 29 avril 1667

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 29 avril 1667

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0909

(Consulté le 29/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Ce 22e d’avril. Le roi [2] a été au Parlement où il a fait passer une ample déclaration pour plusieurs édits et entre autres, pour le Code, [1][3][4] pour son Domaine, [5] etc., dont vous aurez le détail ci-après. Nous avons perdu un de nos jeunes docteurs, Jacques Boujonnier, [6] dont le frère aîné [7] mourut il n’y a que deux ans. Ce petit dernier n’avait que 28 ans, mais il était bien savant < et > eût été l’honneur de sa famille, il en avait l’obligation aux soins de son père. [8] Le roi est en son camp de Houilles [9] où il fait sa revue. Il est aujourd’hui venu céans un fort honnête homme et qui sait bien des choses, c’est M. Bonet, [10] médecin de Genève, [11] qui est venu pour un procès qu’il a pour une terre qu’on lui dispute. Hier, il était venu à ma leçon [12] au Collège de Cambrai[13] il a un fils médecin quant et soi. Il y a bien des médecins en France, et dans la campagne et dans Paris, qui n’en savent pas tant que lui. Il est fort savant et fort spirituel. Il ne tient guère du Suisse ni de l’Allemand, mais il a bien de l’esprit ; il vaut mieux qu’un Italien. [2] On dit qu’après la revue qui se fait présentement, le roi fera un voyage à Fontainebleau. [14] Outre l’édit vérifié du Domaine qui fera bien du bruit, on parle fort ici de toutes les douanes et de mettre d’autres officiers aux gabelles. [15] M. Courtin, [16] notre député, est parti pour Breda, [3][17][18] mais il me semble qu’il n’y a point apparence d’espérer que nous ayons cette année la paix avec l’Angleterre, vu les diverses prétentions que les Anglais y apportent. On dit qu’ils y favorisent fort l’Espagnol qui leur offre tous les ans cinq millions s’ils veulent continuer la guerre contre nous et les Hollandais. Ô que le monde est malheureux par l’ambition et l’avarice des princes ! Les princes qui font l’amour traitent plus doucement leurs sujets car l’amour est un péché de l’humanité, au lieu que les deux autres sont diaboliques. [4] Juvénal [19] a dit quelque part, mais avec bonne grâce, en parlant de Domitien [20] qui était un méchant coquin :

Atque utinam his potius nugis tota illa dedisset
Tempora nequitiæ, etc.
 [5]

Le 23e de ce mois est mort ici M. de Sainte-Hélène, [21] conseiller de Rouen [22] à la Chambre de justice. [23] Il était un des rapporteurs de M. Fouquet [24] et le condamna à mort, mais l’autre rapporteur, M. d’Ormesson, [25] l’avait absous. Ipse reus adhuc vivit[6] et celui qui l’a condamné est mort : Superstes aliquis fuit suo carnifici[7] c’est Sénèque [26] qui l’a dit. Il y a aujourd’hui 109 ans que mourut à Paris, l’an 1558, Jean Fernel, [27] l’ornement de la France et de la médecine. J’ai même aujourd’hui parlé de lui en ma leçon au Collège royal, mais il est au-dessus des louanges que je lui puis donner et comme on dit, supra omnes titulos[8]

Le roi a nommé quatre lieutenants généraux, savoir MM. de Bellefonds, [28] de Duras, [29] d’Humières [30] et de Pradelle, [31] pour la guerre qu’on va faire, quoiqu’on ne sache encore où. [9][32] M. le chevalier de Créqui, [33] qui est rentré en grâce, sera employé dans l’armée navale. M. Raffin [34] est ici, qui a pris la peine de venir céans pour m’assurer que M. Spon [35] a reçu les 100 livres que je lui ai envoyées pour Genève. J’apprends que monsieur votre fils, Noël Falconet, [36] commence à voir des malades et qu’il y réussit. J’en suis ravi et je prie Dieu qu’il continue toujours en augmentant, et qu’il fasse bonne guerre aux impostures de notre profession et à tant de charlatans [37] qui se rencontrent partout, Quis enim non vicus abundat tristibus obscænis ? [10][38] Nous avons ici quantité de fièvres tierces, [39] et même des continues [40] de même nature, quæ uno aut altero die tertianæ febris typum ac indolem retinent : pendent isthæc ab impuritate primæ regionis, quæ in cavis hepatis circa pancreas et mesenterium stabulatur[11][41][42][43] Nous saignons pour la continuité, et pour l’intermission nous purgeons [44] avec casse [45] séné [46] et sirop de roses pâles ; [47] et cette méthode nous réussit fort bien. On dit que nos troupes marcheront le 20e de mai, on soupçonne que ce sera quelque chose comme on fit à Marsal [48] il y a quatre ans. [12] Je vous baise très humblement les mains et suis de toute mon âme votre, etc.

De Paris, ce 29e d’avril 1667.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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