L. latine 102.  >
À N. de Villedon,
le 20 juillet 1658

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À N. de Villedon, le 20 juillet 1658

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1135

(Consulté le 29/03/2024)

 

[Ms BIU Santé no 2007, fo 71 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. de Villedon, médecin de Sancerre.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je vous dois écrire depuis longtemps et crains fort que vous n’ayez piètre opinion de moi pour un si long délai entre la réception de votre lettre et ma réponse. Les raisons en sont les épidémies qui ont jusqu’alors sévi chez nos Parisiens, un certain enrouement tout à fait inaccoutumé qui m’a affecté pendant un mois tout entier, [2] et aussi d’autres causes, mais surtout mes leçons publiques au Collège de Cambrai, auxquelles je me suis diligemment appliqué étant donné mon très grand nombre d’auditeurs. [3][4] Excusez donc mon retard, et prenez ses motifs en bonne et juste part. J’honore et admire d’autant plus notre ami François Teveneau qu’il m’a fait faire votre connaissance ; [1][5] mais je n’accepte assurément pas les excessives louanges dont vous m’avez chargé dans votre lettre car j’avoue en être plutôt indigne ; il me suffira bien d’être aimé de vous, que j’honorerai et aimerai en retour. Je n’oserai rien vous promettre de mon Manuale medicum, si je ne retrouve du loisir et ne dispose d’une heureuse santé. [2][6] À la vérité, pour la phlébotomie du pied chez les femmes enceintes, [7] nous ne la prisons guère ici et ne la prescrivons presque jamais ; par nature, la saignée de la veine saphène est un remède abortif, [8][9] comme je me souviens l’avoir jadis entendu dire de feu les très éminents Nicolas Piètre et Jean Riolan ; [3][10][11] mais rien n’est éternel en médecine. De fait, la saignée se montre utile dans les derniers mois de la grossesse en cas de maladie aiguë, sans aucun inconvénient pourvu qu’en étant plusieurs fois répétée aux veines basiliques, [12] elle ait désempli les grands vaisseaux, et qu’on ait évacué cette plénitude qui provoque et échauffe la maladie existante. Je me souviens y être parvenu quelquefois, sans mettre en péril ni l’enfant ni sa mère. Quant à la pleurésie, [13] il est certain que la phlébotomie extirpe aisément l’humeur qui afflue au côté ; [14] mais si les vaisseaux ne la contiennent plus, je nie qu’on puisse faire revenir dans les vaisseaux, d’où elle a jailli, l’humeur enfermée dans la plèvre ; elle s’extirpe pourtant de là si elle ne s’est pas encore déversée au travers de la substance de la plèvre ou du poumon, en revenant sans doute par les petits vaisseaux vers les grandes veines qu’on a coutume de saigner ; car si elle s’est dispersée dans la substance de ces parties et l’envahit, si l’expectoration ne l’en expulse pas rapidement, elle les détruira indubitablement, en raison de la gangrène qui s’ensuit aussitôt. [4][15]

Je ne trouve rien de surprenant ni d’obscur dans ce qui se lit chez Duret sur les Prénotions coaques, page 186 : [5][16][17] les fécalomes n’évoluent guère vers la suppuration car leur substance tout entière est emportée et évacuée par les voies qui lui sont ouvertes, savoir en passant par la cavité des intestins ; [6][18] il n’en va pas de même pour ceux qui souffrent des hypocondres, [19] parce que l’humeur qui s’est formée autour des viscères et sous le foie ne trouve pas d’issue car elle ne dispose pas toujours des mêmes voies d’évacuation. Soit donc la nature ne résiste pas à la suppuration, avec péril imminent si le pus n’en est pas aussitôt chassé pour laisser intacte la substance des viscères ; soit elle imprime aux dits viscères une destruction qu’aucun secours de notre art ne peut résoudre. Voilà en peu de mots, très distingué Monsieur, ce que je vous répondrais. [20] Dieu veuille que cela vous satisfasse. Vale et aimez-moi.

Votre Guy Patin de tout cœur.

De Paris, le 20e de juillet 1658.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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