L. latine 148.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
les 28 octobre et 7 novembre 1660

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, les 28 octobre et 7 novembre 1660

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1181

(Consulté le 19/04/2024)

 

[Ms BIU Santé no 2007, fo 91 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, docteur en médecine à Leyde.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Hier matin, j’ai reçu votre très agréable lettre par notre ami Strachan, noble et savant Écossais. Dieu veuille que beaucoup de jeunes gens et de philiatres lui soient égaux ! [1][2] Si tel était le cas, notre art sauverait chaque année bien des malades qui périssent misérablement par la faute manifeste de nos facultés, car elles confèrent sur-le-champ le doctorat à des étudiants fort peu doués, et elles ne refusent l’admission à presque personne pourvu qu’on les paie comptant. [2]

Il y a peu, j’ai acheté quelques opuscules au commis de M. Elsevier, [3] et lui ai donné un petit paquet à vous remettre ; Dieu veuille que vous le receviez le plus vite possible. Je salue de tout cœur et très courtoisement M. Rompf. [4] J’attends l’arrivée de votre ambassadeur pour avoir votre paquet. [5] Aujourd’hui, chez un Hollandais fort mal en point (en raison de la coloquinte que lui a hier administrée un fripon d’empirique), [6][7] j’ai rencontré un honnête homme français, qui est picard comme moi, nommé M. Caulier, que vous connaissez, comme j’ai appris, et qui vous salue ; [8] il m’a dit penser que votre ambassadeur a quitté votre pays et qu’il sera ici dans quelques jours, et il m’a promis qu’il préviendra M. Lootius pour mon paquet. [9] Je vous remercie infiniment pour tout ce qu’il contient. Il y a trois mois, vous m’aviez entretenu de certaines Epistolæ eruditorum virorum récemment publiées chez vous ; si elles se trouvent, envoyez-les-moi s’il vous plaît, ainsi que le 3e tome des Opera d’André Rivet ; [3][10][11] je vous en rembourserai le prix sans difficulté. Il me reste toujours quelque argent pour acheter des livres, mais aucun pour le cabaret ou pour les moines. [12] Vous y ajouterez notre Rabelais, s’il s’en trouve. [4][13]

La feuille du Gassendi qui vous manque si importunément me chagrine fort. [14] Dites-moi de laquelle il s’agit, et de quel tome, pour que je l’obtienne rapidement d’un ami que j’ai ici. Au sujet de l’Arétée, j’ai intercédé en votre faveur auprès de notre Mentel ; c’est un excellent homme et ami, mais morose et chagrin, en particulier quand il s’agit d’anciens livres manuscrits, qu’il tient pour de grands trésors. [5][15][16][17] Pour ce qui vous manque du Galien de Chartier, savoir le tome vii et un fragment du xi[6][18][19] j’irai voir sa veuve et les obtiendrai tous deux d’elle. [20] M. Hardi, conseiller au Châtelet de Paris, est en vie, mais ne se porte pas très bien ; je m’enquerrai auprès de lui des Mechanicæ d’Héron pour M. Golius, et vous en aviserai. ‡ [7][21][22][23] Je salue tous vos très savants collègues, en particulier M. van Horne, que je remercie pour son Botal, ainsi que pour son Microcosmos[8][24][25] Je lui écrirai une autre fois car je n’en ai pas le loisir. Vale, très distingué Monsieur.

Votre Guy Patin de tout cœur.

De Paris, ce jeudi 28e d’octobre 1660.

[Ms BIU Santé no 2007, fo 92 ro | LAT | IMG]

À Lyon sur la Saône, on a achevé l’édition en deux volumes in‑fo des Quæstiones medico-legales de Paolo Zacchias ; il n’y manque plus que les index et l’épître dédicatoire que les imprimeurs attendent d’héritiers vivant à Rome ; elle dédie tout l’ouvrage à son Jupiter Capitolin. Vous avez sans doute en mains celle d’Amsterdam ; je vous enverrai toutefois, si vous voulez, cette nouvelle parution quand elle nous sera parvenue. [9][26][27][28][29]

Je salue le très distingué M. Golius ; vous le préviendrez que M. Hardi, conseiller au Châtelet de Paris, est en vie, mais ne se porte pas bien : il souffre de dysurie en raison d’un calcul tapi dans la vessie, et n’ose pourtant pas se soumettre à l’opération de la taille. [30][31] Les Mechanicæ d’Héron sont prêtes à être publiées, mais on ne trouve pas de libraire qui veuille en entreprendre l’édition. [7]

La femme de Chartier, qui s’était absentée pour les vendanges, est revenue à Paris. Elle a son Galien à vendre, [6] mais en trois sortes et formats de papier différents. Indiquez-moi la longueur et la largeur du vôtre afin que nous obtenions les mêmes dimensions pour les tomes vii et xi, que je vous enverrai. Il en existe en effet des exemplaires dont le papier est de grand format, d’autres, moyen, d’autres, petit ; elle a pour chacun une note particulière qui lui permet de les distinguer. Notre Mentel vous salue ; il ne refuse pas de vous prêter son Arétée, bien au contraire, il vous l’offre, en me prenant pour garant ; [5] mais il m’a invité à en parler d’abord avec un certain M. Petit, [32] que je connais (il a été naguère précepteur des fils du très distingué M. de Lamoignon, [33][34] premier président du Parlement de Paris), étant donné qu’il s’était engagé à vous envoyer l’exemplaire qu’il a corrigé de sa main à partir de certains manuscrits, tâche qu’il avait entreprise à la demande des excellents MM. Bigot et Ménage, vos amis. [10][35][36][37]

Ne s’occupera-t-on pas chez vous d’une nouvelle édition des Epistolæ du très distingué Joseph Scaliger, enrichie par l’addition de nombreuses lettres ? [11][38] La Réplique de M. de Girac en faveur de Balzac, contre M. Costar, n’a-t-elle pas été récemment publiée chez vous ? Si c’est le cas, achetez-la s’il vous plaît et envoyez-la-moi dès que vous pourrez : c’est un livre en français, écrit non sans âpreté ni fiel, par un savant homme, en faveur de M. Balzac, homme de très élégant talent, contre les sarcasmes, les affronts et les invectives de M. Costar. [12][39][40][41] Je vous en rembourserai sans peine le prix, tout comme pour le Rabelais, si sa nouvelle édition est disponible. [4] Le fils de M. Vorst m’a remis une lettre de son très distingué père, pour laquelle je le remercie. [42][43] Je le salue avec vos savants MM. van Horne, Golius et Gronovius. [44] Ne pourrai-je pas voir l’Oratio qu’a prononcée chez vous David Blondel pour sa prise de fonction ? je pense qu’elle a été publiée à Amsterdam. [13][45] Quel jugement portez-vous sur la nouvelle édition, récemment parue chez vous, de l’Idea medicinæ philosophicæ du Danois Petrus Severinus, avec les Commentaria de l’Écossais William Davidson ? J’ai naguère connu celui-là, il exerçait ici la chimiatrie et était asinus ad lyram[14][46][47][48] un vaurien chimique, un agité, tant pur qu’impur, qui gagnait mieux sa vie en faisant le maquereau qu’en exerçant la médecine. Pourtant, afin de ne pas périr misérablement de faim, comme font ici tant de [Ms BIU Santé no 2007, fo 92 vo | LAT | IMG] médicastres, après avoir quitté sa femme qui menait différemment sa vie, il est parti en Pologne, en prétendant que la reine, qui est française, l’y avait fait venir. [49] Là-bas, il s’est acharné à rédiger cet ouvrage, étant peu, voire très peu appliqué aux opérations d’un métier qu’il n’a jamais compris. Ajoutez à cela qu’il ne sait pas le latin : il ne le parle pas, il le balbutie seulement et, pour ne pas dévoiler son ignorance, il fuit tant qu’il peut la compagnie des savants. S’il vit encore, il dépasse maintenant les 70 ans. Je suis donc certain aliena vitula arasse[15][50] et qu’il a employé la plume d’un autre pour cette édition. Je salue M. Stevartus, s’il est passé chez vous. [51] Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

Votre Guy Patin de tout cœur.

De Paris, le 7e de novembre 1660.

Je reprends la plume pour vous prier de ne pas m’acheter ni m’envoyer le livre de M. de Girac contre Costar, ni les Epistolæ doctorum virorum qu’on imprime chez M. Blaeu. [16][52] Un de mes amis me les a promis tous deux. C’est celui par qui je vous écris ; et par cette même voie, si vous voulez, vous me répondrez quand il vous plaira. En attendant, je verrai M. Petit et lui parlerai pour votre Arétée manuscrit. Vive et vale, et aimez-moi.

Votre Guy Patin de tout cœur.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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