L. latine 207.  >
À Thomas Bartholin,
les 24 et 26 août 1662

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Thomas Bartholin, les 24 et 26 août 1662

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(Consulté le 29/03/2024)

 

[Ms BIU Santé no 2007, fo 112 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Thomas Bartholin, premier médecin du roi de Danemark, à Copenhague.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je me réjouis fort et suis extrêmement heureux que vous vous souveniez de moi, et que vous me fassiez connaître de bonnes nouvelles de votre santé par la lettre que vous m’avez écrite il y a quatre mois ; elle ne m’est pourtant parvenue qu’il y a trois jours, par un Allemand à qui un gentilhomme danois l’avait confiée, à Bruxelles, pour qu’elle me fût remise. Votre très savant Caspar Kölichen n’est pas venu à Paris, et je n’en sais pas la raison ; cependant, je suis fort affligé de ne pas l’avoir vu, étant donné qu’il m’aurait appris bien des choses à votre sujet. [1][2] Vous vous portez donc bien, et Dieu fasse que vous vous viviez encore longtemps en bonne santé, comme vous avez fait jusqu’ici pour le bien du public, avec toute votre famille. Je vous remercie tant qu’il m’est possible pour votre Panegyricus[2] Si vous voulez envoyer à Amsterdam ce paquet que vous m’avez destiné, bien emballé, à Simon Moinet, Parisien qui habite chez Daniel Elsevier, [3][4] il paiera le prix du transport et me le fera parvenir aussitôt par voie sûre ; je vous en accuserai ensuite réception et en rembourserai la dépense. Dieu fasse que je voie votre Cista medica, et vos Centuriæ epistolarum[3] dans lesquelles se lira mon nom, ce qui fera comprendre à la postérité que j’ai été votre ami. Je vous rendrai la pareille dans l’édition de mon Oratio isagoca pour la charge de professeur royal, que j’ai prononcé dans le Collège royal de Cambrai il y a huit ans, et que je songe à publier après que l’éminentissime cardinal Antoine Barberini, grand aumônier de France, qui dirige notre Collège, sera revenu ici. [4][5][6][7][8] Je vous dirai quelques mots d’Aubry de Montpellier, sed vera et Sibyllæ foliis certiora[5][9][10] Jadis, encore jeune, il a été barbier en son pays ; après avoir tué un homme dans une taverne, il a fui en Italie pour échapper au gibet ; là, il s’est fait moine ; ayant abandonné le capuchon au bout de trois ans, il s’est engagé dans l’armée ; la guerre finie, il s’est refait moine ; ensuite, il s’est prétendu prêtre et a été jeté en prison pour fausse monnaie ; [11] une fois libre, il est venu à Paris où, par ses spécieuses promesses, il a dupé bien du monde, surtout des gens ignorants et le petit peuple, sous prétexte de quelque [Ms BIU Santé no 2007, fo 112 vo | LAT | IMG] médecine réformée et mystique ; mais la fourberie ayant été révélée et sa réputation de médecin s’étant éteinte, pour ne pas périr misérablement de faim, il a embrassé le métier de maquereau et a vécu quelque temps tout au bout du faubourg Saint-Germain, [12] près de Meudon, [13] avec des femmes prostituées, des putains à deux sols ; mais où qu’il soit aujourd’hui, à peine y a-t-il quelqu’un qui le connaisse. Voilà un résumé de l’histoire et de la vie d’un immense fripon et d’un charlatan absolument bon à rien et tout à fait impudent. [14] Je tiens cela presque entièrement de M. François de Bosquet, évêque de Montpellier. [15] Je voudrais pourtant que vous sachiez que ce charlatan ne s’y connaît et ne s’y entend pas plus en médecine que moi en peinture : de fait, il est grossier et ignorant en l’art de remédier, et purement asinus ad lyram[16] Pour extraire la pierre, nos cystotomistes ne taillent pas la vessie au pubis, mais à la partie gauche du périnée. [17] Quelques-uns s’y sont essayés par le pubis, mais sans succès et l’issue n’a pas été favorable ; l’idée en a donc été rejetée, même par des médecins qui l’avaient proposée. Je fais peu de cas de ce Bils, qui est un autre agité et un insigne conteur de balivernes, et n’ai même aucune estime pour lui. [18] Quatre des nôtres sont récemment morts, dont le plus distingué était Jean Des Gorris, mais il était fort vieux, ayant atteint sa 86e année d’âge. [6][19] Dieu fasse que vous demeuriez aussi longtemps en vie, sain et intact. Je salue Messieurs vos frères. [20] Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris le 24e d’août 1662.

Votre G. P. de tout cœur. [b]

[Bartholin c, pages 89‑91 | LAT | IMG]

Le très éminent maître Nicolas Piètre, homme de remarquable science, a composé une thèse qui fut jadis disputée en nos Écoles, de secanda ad pubem vesica[7][21] Jean Riolan, [22] neveu de Piètre par sa mère, [23] l’avait sévèrement désapprouvée comme étant mauvaise, et emplie de multiples déshonneurs et erreurs anatomiques[24] Si vous voulez la voir, je vous l’enverrai sans peine. N’avez-vous pas vu le livre de Cervisia, récemment publié, que Marten Schoock, professeur de philosophie en l’Université de Groningue m’a dédié ? Le mois prochain, j’en attends un autre, de Fermentatione[8][25][26][27] Les Opera omnia de Cardan en 11 tomes in‑fo paraîtront bientôt à Lyon ; [28] à Leyde, on apprête une nouvelle édition de l’Hippocrate grec et latin, avec les notes de Johannes Antonides Vander Linden ; [9][29][30] à Londres, le livre de Samuel Bochart de Animantibus sacræ Scripturæ[31] et le Diogène Laërce grec et latin, avec les notes d’Aldobrandini, de Casaubon, de Ménage et d’autres savants ; [10][32][33][34][35] à Francfort, le Pétrone de Lotich in‑fo ; [36][37] à Genève l’Œconomia Hippocratis de Foës ; [11][38] à Anvers, l’Historia scriptorum Societatis Jesu, in‑fo ; [12][39] à Rotterdam, les Opera omnia d’Érasme, aux frais de la ville de Rotterdam, en 7 tomes in‑fo ; [40] à Lyon, les Annales ecclesiastici du cardinal Baronius ; [13][41] à Rome, le Ciaconius de Vitis pontificorum Romanorum et cardinalium, en trois tomes in‑fo ; [42] à Paris, les œuvres complètes de Procope, en grec et latin, avec la traduction et les notes du P. Maltret, jésuite de Toulouse ; [14][43][44] un autre, qui est lyonnais et se nomme Théophile Raynaud, auteur de très nombreux ouvrages, a écrit, en taisant son véritable nom, un livre fort satirique adversus Cyriacos[45] nom sous lequel il entend les dominicains, qui sont les maîtres de l’Inquisition romaine et abusent extrêmement de leur pouvoir, au grand dam des jésuites ; [15][46][47][48] les dominicains se préparent à le réfuter et à y répondre, et parmi eux, le P. Combefis, homme d’une érudition peu commune : [16][49] à la fin, nous verrons une guerre de moines. [50] Vale, très distingué Monsieur, et continuez de m’aimer comme vous avez fait jusqu’ici.

De Paris, le 26e d’août 1662.

G.P.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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