L. latine 253.  >
À Johann Daniel Horst,
le 20 juillet 1663

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Daniel Horst, le 20 juillet 1663

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1286

(Consulté le 23/04/2024)

 

[Ms BIU Santé no 2007, fo 149 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johann Daniel Horst, docteur en médecine, à Francfort.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Aujourd’hui, je vous écris avec grand chagrin et non sans larmes, à cause du noble jeune homme que vous m’aviez recommandé, qui est mort d’une fièvre maligne, [2] pour son très grand malheur et par sa propre faute : j’entends M. Pöck, étudiant en droit originaire d’Ulm. [3] En compagnie d’autres camarades, il était parti séjourner à la campagne et se distraire l’esprit dans un château royal que le très illustre M. de Thou [4] appelle Fons Blandus, Fontainebleau en français. [1][5] Y ayant séjourné quelques jours pendant ce voyage, il en est enfin revenu, mais avec une fièvre, qui n’était pas bien importante à ce que j’ai entendu dire ; il a appelé un apothicaire à son chevet, qui lui a présenté certains médicaments et à la fin, deux vomitifs ; sans doute s’agissait-il d’antimoine, poison chimystique dont tant et tant de gens ont misérablement péri. [6][7] Après que ce double poison néfaste eut augmenté la fièvre, et avant que la maladie ne se fût embrasée, il a songé à me faire venir. Je me suis aussitôt présenté ; bientôt après, j’ai trouvé un homme moribond, avec fièvre continue maligne, diarrhée fétide, très vives douleurs de la tête, surprenante inquiétude, insomnie perpétuelle, nausées et extrême oppression du thorax ; des larmes lui coulaient involontairement des yeux, ce qui est un signe mortel dans les maladies aiguës ; ses forces étaient ruinées. Je l’ai prévenu du danger, mais comme désespérant de la vie, et même délirant en quelque sorte, il ne m’a accordé aucune confiance quant à la saignée, dont il avait très puissamment besoin. Le lendemain, en rejetant un tel secours, il m’a dit qu’il préférait mourir que de souffrir la phlébotomie ; [8] quand je lui intimai la nécessité d’être saigné, fondant en larmes, il a souffert qu’un chirurgien lui incise le bras ; mais peu après, il a changé d’avis et, comme en état de frénésie, il n’a pas laissé entrer le chirurgien, et l’a même renvoyé ; quand j’ai su cela, j’ai songé à l’abandonner, mais ne l’ai pourtant pas fait. Je suis retourné le voir le lendemain et toutes les menaces que je lui avais clamées se sont réalisées, avec aggravation de tous les symptômes ; la mort s’est ensuivie, dont je suis profondément affligé. [2][9] Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, ce vendredi 20e de juillet 1663.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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