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Consultations et mémorandums (ms BIU Santé  2007) : 17  >

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Consultations et mémorandums (ms BIU Santé no 2007) : 17

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8147

(Consulté le 29/03/2024)

 

[Ms BIU Santé no 2007, fo 248 ro | LAT | IMG]

Cachexie chez un vieux chanoine de Beauvais
[consultation, 1632][a][1][2][3]

Observation de G. Binet [1][4]

Ce très distingué chanoine de Beauvais, âgé d’environ 75 ans, qui ne s’est presque employé à aucun exercice du corps, étant voué aux rites de l’Église et comme enchaîné par eux, est persécuté depuis trois mois par une douleur d’estomac, comparable à une torsion, monstrueuse et presque ininterrompue. Il s’y associe un gonflement des deux hypocondres, [5] mais surtout du gauche, qui est annonciateur d’un squirre, [6] avec fièvre lente, [7] perte totale de l’appétit si importante qu’il n’accepte même pas les aliments bien solides, soif qui lui dessèche la gorge, agitation incessante, et aussi enflure œdémateuse qui siège tantôt aux bras, tantôt aux jambes, et qui se dissipe de temps en temps. Jamais auparavant je n’avais observé l’humeur noirâtre et desséchée, ressemblant à de la poix, qu’il rend spontanément par vomissement [8] ou par défécation ; [9] et ce qui est le pire, une funeste maigreur rend les os si apparents que de nouvelles petites escarres semblent s’étendre un peu plus chaque jour de proche en proche. [2][10]

Appelé au chevet du malade, déjà accablé par la sénilité, je l’ai trouvé sans plus aucune force et souffrant d’une obstruction opiniâtre des viscères, penchant vers l’ascite. [11] Ayant d’abord porté un pronostic assez réservé, j’ai estimé devoir le purger par épicrase, [12] avec ces remèdes qui, en même temps qu’ils délivrent de l’infiltration, affermissent aussi les parties principales, comme sont les purgations [13] répétées avec une infusion de séné, [14] rhubarbe [15] et casse [16] dans une décoction hépatique et splénétique, [3] avec sirop de roses [17] et de prunes laxatives, [18] après que de fréquents lavements réfrigérants et détergents eurent évacué les intestins. [19] De plus, et étant donné qu’aux premiers jours, la fièvre semblait accabler le malade, on a saigné des deux veines basiliques [20] avec parcimonie ; et la malléole gauche n’aurait certainement pas été épargnée, si le début de leucophlegmasie qu’on y voyait, bien plutôt que l’âge, ne s’y était pas opposé. [21][22][23] En remplacement de ce recours, nous avons proposé d’appliquer une sangsue à la marge de l’anus, pour détourner et évacuer l’humeur brûlée qui s’est depuis longtemps accumulée à l’entour de la concavité de la rate. [4][24][25] Cependant, on n’a omis ni la crème de tartre, [26] ni les tablettes, [27] ni les fomentations et onctions de cette catégorie. [28] Tout cela n’ayant obtenu aucun succès, le malade réclame vos secours [Ms BIU Santé no 2007, fo 248 vo | LAT | IMG] et vos mains qu’il tient pour celles d’Apollon [29] (vous qui êtes fort célèbre par toute la France), qui le mettraient en état d’échapper momentanément au destin qui est inévitable ; à ce vœu, il joint très humblement ses prières.

Cordialement et fidèlement vôtre,
G. Binet, médecin de Beauvais.

[Ms BIU Santé no 2007, fo 249 ro | LAT | IMG]

Réponse de Guy Patin

Le corps de ce pieux homme, épuisé par les ans, a l’habitude corrompue et dispose de peu de forces ; il est fort cacochyme [30] et mal tempéré, avec, à la fois, de multiples obstructions de la première région [5][31] et un début déjà bien avancé de leucophlegmasie, non sans maigre suspicion de mort imminente. Il n’aura guère besoin de secours autres que ceux que notre très distingué compatriote lui a proposés en vue de régler la santé d’un honnête homme. Néanmoins, afin de ne pas sembler manquer à mon devoir, je pense qu’il faut persévérer dans le régime qui lui a été prescrit depuis longtemps, [32] et lui purger le corps deux fois par semaine avec une infusion composée de séné et de rhubarbe, ainsi que d’un peu de cannelle, [33] de façon à rouvrir les voies obstruées, relâcher et dégager les infiltrations, éliminer peu à peu l’ordure malsaine et fortifier, du même coup, les parties affaiblies. Si l’on veut, on ajoutera du sirop de fruits mélangés, ou même de chicorée [34] avec de la rhubarbe. Pour le reste, je pense qu’il faut s’en remettre au jugement du très aguerri Binet. Tel est mon avis sur cette affection, que j’ai donc ci-dessous signé.

Guy Patin, natif du Beauvaisis,
docteur en médecine de Paris,
ce 16e de mars 1632. [6]

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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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