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Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : iv  >

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : IV

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8157

(Consulté le 28/03/2024)

 

De l’os du cœur d’un cerf et de la corne de licorne [a][1][2][3]

Nous ne nions point que les Anciens aient connu cet os, ou tout au moins, un cartilage endurci en guise d’os, dans le cœur d’un cerf et d’autres animaux. Aristote dit qu’il en a vu un en certains bœufs, en des chevaux aussi ; [1][4] Galien écrit aussi l’avoir vu en un éléphant ; [2][5][6] mais nous nions que ces os aient aucune vertu particulière. Ceux qui lui attribuent une faculté admirable pour fortifier le cœur [7] se trompent lourdement et n’en allèguent nulle raison ; en quoi ils ont grand tort, mais croient que c’est assez de le dire après les Arabes ; [8] et néanmoins, l’expérience n’en montre rien de pareil. Pour moi, je le dis en un mot : c’est un os qui ressemble à tous les autres os et qui n’a aucune autre vertu ni faculté que les os communs. [3]

La corne de licorne est une autre imposture descendue des Arabes en ce qui concerne les vertus qu’elle a en la médecine. Tout ce qu’ils en ont dit est fabuleux et ce sont fables ceux-mêmes qui en ordonnent. Je pourrais nier qu’elle fût en la nature des choses, vu que personne ne l’a jamais vue, n’était que la Sainte Écriture en fait mention dans les Nombres, [9] dans Job, [10] dans les Psaumes, [11] dans le prophète Isaïe[4][12][13][14] Plusieurs auteurs en ont parlé, mais il n’y a rien de si incertain que ce qu’ils en disent, et ont tous pris les uns sur les autres. Olaüs Wormius, professeur en médecine du roi de Danemark, à Copenhague, en ses Institutions de médecine[15] assure, comme témoin oculaire, que ce qu’on appelle aujourd’hui par toute l’Europe corne de licorne n’est autre chose qu’une dent ou qu’un os de la bouche d’une espèce de baleine, que ceux de l’île d’Islande appellent vulgairement narhual[16] que lui-même en a vu un crâne entier auquel était encore attachée une assez grande portion de cet os ; et avoue que, comme il a de la ressemblance avec les dents d’éléphant, de baleines et d’autres animaux, ainsi n’a-t-il aucune autre qualité que des dents et des os vulgaires. Les médecins de Danemark et de la Russie, qui souvent ont vu de ces poissons avec leurs dents, se moquent des médecins d’Allemagne et d’Italie qui se servent de ces prétendues cornes, comme si elles contenaient quelque mystère cardiaque et quelque insigne vertu miraculeuse. [5] C’est pourquoi nous conclurons avec le docte Rondelet, [17] médecin de Montpellier, que la corne de licorne et les cornes de quelque animal que ce soit ne peuvent avoir en médecine aucune faculté particulière, si ce n’est de dessécher par leur qualité matérielle. [6] Il n’y a donc que les charlatans qui font semblant d’y croire, afin de tromper les plus crédules de cette inutile, malheureuse, mais très chère marchandise, de laquelle, dorénavant, se gardera quiconque ne voudra plus être trompé.

Pour montrer qu’elle a quelque vertu, disent-ils, c’est qu’elle fait bouillir l’eau dans laquelle on la met tremper. [7] Je réponds que les autres cornes en font tout autant, et même celles de mouton à à cause qu’elles sont poreuses ; et à tout cela, il n’y a aucun miracle.

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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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