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Jacob Spon et Charles Patin, premiers éditeurs des Lettres choisies de feu M. Guy Patin

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe. Jacob Spon et Charles Patin, premiers éditeurs des Lettres choisies de feu M. Guy Patin

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(Consulté le 25/04/2024)

 

En 1677, Jacob Spon, [1] né en 1647, deuxième fils de Charles[2] était médecin à Lyon. Charles Patin, [3] né en 1633, deuxième fils de Guy, était exilé à Padoue, où il enseignait la médecine. [4] Une solide et ancienne amitié les liait, cimentée par leur passion commune pour les antiquités[1]

La thèse de doctorat en histoire qu’Yves Moreau a présentée le 8 juillet 2013 à l’Université Lyon 3, intitulée Édition critique de la correspondance de Jacob Spon (1647-1685), contient 425 lettres, jusque-là inédites, que Spon a écrites ou reçues entre 1667 et 1685. Quatre-vingt-deux viennent de Charles Patin, et sont conservées dans le ms BnF naf 24171, Lettres de divers érudits adressées à Charles et Jacob Spon (1650 à 1681). J’ai extrait de cette correspondance ce que les deux amis se sont écrit en 1677-1679 sur leur édition des Lettres choisies de feu Monsieur Guy Patin, qui parut pour la première fois à Francfort (sic pour Genève) en 1683[2][5]

Extraits de neuf lettres que Charles Patin a écrites de Padoue à Jacob Spon

  • 3 avril 1677 (Moreau no 118, pages 305‑306 ; ms Bnf naf 24171, lettre 039, 2e‑3e pages) :

    « La lettre de M. votre père, qui me fait, dites-vous, réponse, est apparemment demeurée sur votre table, ce sera pour une autre fois. J’ai bien reçu celle de M. Falconet[6] à laquelle, au premier jour, je ferai réponse, le temps ne le permettant pas aujourd’hui. Cependant, pour votre information et mon utilité, je vous dis que le conseil de M. votre père, le vôtre et celui de M. Falconet, d’imprimer quelques lettres de mon père, est fort honnête à la mémoire de mon père, et qu’il ne saurait apporter que du bien et de la réputation à ceux qui en entreprennent la fatigue, et même à moi. Cependant, il y faut beaucoup de circonspection : c’est ce qui fait que je vous prie très humblement, et nos autres amis, de ne rien faire imprimer que de bien pesé et limé. Où l’imprimera-t-on ? Apparemment à Lyon ? À la bonne heure. Au nom de qui ? La chose m’est indifférente, pourvu que ce soit d’un honnête homme, et d’autant plus si il était ami de mon père. À qui le dédicacera-t-on ? Encore faut-il trouver quelque tête illustre et qui ait quelque part à l’affaire. M. Colbert [7] me paraît fort à propos : [3] je vous en laisse pourtant la conduite et résolution. Ce qui importe le plus est que je souhaite de voir le manuscrit devant que de l’imprimer : tant pour en retoucher ce qui ne convient pas aux mœurs d’aujourd’hui, que pour nous accommoder au temps, en ajoutant, etc. Sauf le jugement de ceux qui prendront la peine de cette direction, j’espère y faire bien du bien ; et comme je suis très désintéressé dans cette affaire, hors la réputation de mon père, j’espère que nos amis et patrons agréeront et prendront part à la chaleur avec laquelle je m’y porterai, et au sentiment que j’ai de ne rien agréer si je n’ai vu auparavant le manuscrit. J’ai de bonnes choses à ajouter, dont même, je remettrai quelques originaux à nos amis, [4] comme M. votre père, vous ou M. Falconet, me contentant de les voir courir par le monde. Sortir ce que j’ai dans le cœur, qui n’est qu’à la gloire du défunt, ne doit donner aucun ombrage à qui que ce soit de raisonnable. Je m’expliquerai aux occasions plus amplement < en > écrivant à M. votre père, quand j’aurai reçu sa lettre, ou à M. Falconet, dès que j’en aurai le loisir. Cependant, obligez-moi de leur faire ce prélude de mes sentiments et de < les > hâter un peu dans le dessein où ils sont d’honorer sa mémoire. »

  • 2 mai 1677 (Moreau, no 121, pages 311‑312 ; ms Bnf naf 24171, lettre 040, 2e page) :

    « Ceux qui prennent quelque part à la mémoire de défunt mon père doivent être fort obligés à vos soins, moi plus que pas un. Vous ne vous souciez pas de privilège, ni moi non plus, mais pour une autre raison que vous. Si nous en ôtons, dites-vous, le mot pour rire, le reste pourra paraître fade. Je vous réponds que je suis fort revenu de la pensée où je vois bien du monde qui se mettent < sic > en danger de pleurer pour avoir voulu faire rire autrui. En quelque lieu qu’on imprimât ses lettres comme elles sont, même sans nom, sans ville, etc., on saura que c’est ou de vous ou de moi. Je dis plus : comme l’état où je me trouve ferait tomber sur moi le soupçon, je déclare que pour le prévenir, je me trouverais obligé de les désavouer en public et hautement. N’y songeons pas si vous plaît, et n’hasardons pas ce qui nous reste pour le plaisir de souffrir une injure dite gaiement ou une censure de satire, [5] qui, quoiqu’elle fût agréée de la plupart tout bas, serait condamnée de tout le monde hautement. Ainsi, au lieu de faire honneur à la mémoire de mon père, j’en appréhenderais le déshonneur. Pour moi en particulier, cela ne ferait qu’un très mauvais effet : il y a assez de gens au monde qui trouveraient volontiers occasion de mordre sur moi, et je veux être si homme de bien qu’ils s’en mordront les doigts. Je me souviens trop qu’en 1642 on coupa la tête à Lyon à M. de Thou, [8] en vengeance de ce qu’on trouve dans les écrits de son grand-père < sic pour : père > : [9] Antonius Plessianus vulgus dictus monachus, etc[6][10] Si le cardinal de Richelieu est mort, [11] pensez-vous que le soient aussi tous les vindicatifs et les méchants ? Je ne lèverai [7] pourtant que peu de chose et y laisserai bien des mots pour rire, puisque le monde en est si friand. Je suis de votre avis, il ne les faut pas tant limer ; pourtant, en beaucoup d’endroits, elles ont besoin ou d’ornement ou de règle. Je ferai tout cela facilement et promptement. En huit jours, je redresserai les 70 que vous m’avez envoyées et que j’ai toutes lues. Comme vous savez, les pensées de l’auteur m’étaient assez connues pour y pouvoir ajouter quelque chose çà et là, selon le besoin de ficeler ; comme en d’autres endroits, je serai obligé d’en raturer. Envoyez-m’en à l’occasion le plus que vous pouvez. De ma part, j’en ajouterai quelques-unes qui y tiendront bien leur place. Mon nom absolument n’y doit pas être. Il ne tiendra qu’à vous d’y mettre le vôtre : comme nous en aurons levé toute l’acrimonie, il y pourrait être à mon sens ; cela ne vous commettra pas pour autant ; et qui recueillerait facta et dicta de quelqu’un n’autorise rien pour y mettre son nom ; partant, comme vous voudrez. [8] Vous m’avez parlé d’une lettre de M. votre père, je ne l’ai pas reçue ; vous verrez mes sentiments dans cette lettre ci-jointe pour M. Falconet ; et autant que vous le trouverez à propos, vous me ferez plaisir de vous y conformer.

    Quand j’aurai reçu toutes les vôtres, je les mettrai par ordre de leur date, car la confusion des temps leur diminue beaucoup de grâces. De plus, quand il s’en rencontre de pleines d’autres choses qui ne doivent pas être publiées, où pourtant il y a quelque bon mot, on peut le transporter à une autre, adroitement ; et en coudre, si il vient à propos, deux ou trois ensemble. La pratique fera voir que cela est plus aisé que je ne l’écris. » [9]

  • 17 juin 1677, Moreau no 125, pages 322‑323 ; ms Bnf naf 24171, lettre 041, 1re et 2e pages) :

    « Je suis tout de bon à la revue des lettres de G.P. Il y a certainement trop de libertés, mais pour ne pas ôter, comme vous dites, tout le sel et le mot pour rire, j’y en ai laissé, plus pour vous que pour moi. J’en ai admis beaucoup de passages, et espère n’en avoir pas ôté la grâce. J’ai rayé beaucoup de badineries qui, tout au plus, n’étaient bonnes qu’entre deux bons amis. J’y ai ajouté quelques périodes, plutôt pour honorer quelques particuliers que pour < ne > choquer personne ; aussi, j’espère que personne ne s’en plaindra. Je serai<s> d’avis que dans les transitions et changements de matière de chaque lettre, vous fissiez des a linea : [10] j’en ai marqué les endroits par cette note : /. Je n’ai pas tout corrigé grammaticalement, tant parce que je n’en ai pas le loisir que parce que je n’en suis pas capable. Pourtant, j’espère qu’on agréera mes animadversions. Je n’ai rien ajouté qui ne me paraisse avoir pu être dit par l’auteur, dont j’ai fait comme le génie. [11] Il serait trop long de vous dire les raisons des changements que j’y fais, mais je vous peux assurer que je n’en fais pas un sans raison. Sçavoir, sçavant, requiert un ç à mon avis, vous l’omettez toujours : être exprès ? être par inadvertance ? [12]

    Ne vous étonnez pas de trouver des demi-feuilles en ces lettres : j’en ai retranché six demi-feuilles blanches, et qui ne servent à rien qu’à augmenter le port de la poste, vous assurant que je n’en ai retranché aucune. À l’égard du billet de votre main qui portait des extraits de diverses lettres, j’en ai inséré les articles que j’ai trouvés à propos dans les lettres correspondant à la date : ainsi je n’ai rien supprimé, mais seulement rangé. Pour deux lettres originales, elles ne se peuvent souffrir : la perte de son fils [12] lui avait ôté ce jour-là l’esprit qu’il avait d’ordinaire [et qu]’on doit avoir quand on écrit, même à son ami particulier, [il faud]ra prendre garde de plus près quand on écrit pour le public. […] est trop libre, etc. J’en ai tiré de chacune ce que j’ai […] aux autres. Si cela vous contente, comme apparemment […]llerai ces deux lettres originales, sinon je vous les […] voulant pas même garder. Mandez-moi votre [avis]. [13]

    Réservez-vous pour la dédicace, je vous la remets entièrement. Outre la lettre de la dédicace, il me semble qu’il faut un avis de l’imprimeur au lecteur touchant mon père, quelque chose de sa vie, du dessein de ce livre, et y joindre l’espérance de lettres plus amples, comme en effet nous en aurons. Je serais même d’avis qu’on invitât ceux qui ont de ses lettres de nous en envoyer, savoir en Angleterre à votre M. Wheler, [13] qui le souffrirait apparemment, à votre recommandation, [14] à M. Utenbogard, [14] à M. Scheffer à Francfort, [15] à M. Fesch à Bâle, [16] à vous à Lyon, à M. Hommetz [17] à Paris et moi à Padoue. [15] Faites-y réflexion. »

  • 18 août 1677 (Moreau, no 130, pages 332 et 334 ; ms Bnf naf 24171, lettre 042, 1re et 2e pages) :

    « Par la vôtre du 27 juillet, vous me mandez avoir reçu les lettres de G.P., et que vous en suivez les corrections, mais vous ne me mandez pas si elles sont à votre goût : ainsi, je demeure embarrassé faute de deux mots < de votre part >. Pourtant, pour vous servir plus tôt, je n’attendrai pas votre réponse pour revoir celles qui sont au paquet que vous m’avez envoyé : je les expédierai de la même méthode que les précédentes ; soyez certain que dans huit jours ce sera fait, quoique, pour vous en dire la vérité, il y ait bien de la besogne. Un mot m’a quelquefois fait méditer plus de demi-heure, non pas à l’égard de la grammaire, mais de la politique et de la conséquence. Comme vous dites, il y a assez de lettres pour faire un volume ; celles qui viendront après en feront un second : ce qu’il faut indiquer dans la préface que vous prendrez la peine de faire ; si vous ne nous la voulez pas donner, ni aucun autre ami de Lyon, il faudra bien que je le fasse ; mais il vaudrait mieux qu’elle fût faite là, que je la revisse ensuite ; ainsi de la dédicace, dont j’attends votre avis et les matériaux. D’ici à huit jours j’aurai revu ces lettres, et m’informerai de quelque occasion sûre pour vous les renvoyer : les postes sont trop chères, et c’est autant d’argent perdu. […] [16] À ces lettres de G.P., je vous conseillerai d’y faire mettre le portrait : [18] j’ai ici un assez bon graveur, mandez-moi la mesure précise, et je le ferai incontinent graver ; et pour cela, ou le déboursé, ou des copies, ou des médailles, j’aimerais mieux le dernier. [17] Voici deux vers pour le dessous : Hic est Patinus Clarus Asclepi nepos, Per quem non licet perire mortalibus[18][19][20] Si vous y en voulez de meilleurs, faites-les. […] Je vous procurerai d’autres lettres de G.P. pour un 2e tome ou pour toute autre impression. Si je peux, même, j’en ferai venir d’Allemagne, il y en a là un bon nombre. »

  • 9 octobre 1677 (Moreau, no 131, page 335 ; ms Bnf naf 24171, lettre 043, 1re page) :

    « Pour les lettres de G.P., elles sont lues et critiquées, bien ou mal, je m’en rapporte à vous, je vous les enverrai à la première commodité, et je m’en enquête soigneusement : [19] la poste est trop chère et chagrinante. Il y faudrait une préface, je vous conseillerais de la faire et si vous le voulez, j’y ajouterai je ne sais quoi. Son portrait y aurait pu servir. Quelques médailles me le payeraient, qui me réjouissent plus que de l’argent. [17] Mandez-moi la grandeur du volume, que je suppose être in‑12, et la grandeur précise du portrait ; j’aurai soin de vous envoyer la planche à temps ; le libraire n’en donnera rien si il ne veut : peut-on parler plus honnêtement ?

    […] Le graveur de G.P. [18] fera beaucoup mieux que celui des Relations d’Allemagne[20] […] J’ai refait ici une bibliothèque : [21] après avoir perdu à Paris celle que j’avais faite et l’espérance de celle de mon père, [22] tout ruiné que je suis, j’en ai fait une nouvelle qui épouvante bien du monde. [21] Peu de professeurs de ce pays en ont une aussi belle, et peut-être personne : on sait tout ici sans beaucoup apprendre ; pour moi, je suis grossier, et il me faut des livres et bien du travail pour me rendre digne de mon emploi. »

  • 14 octobre 1677 (Moreau, no 133, page 339 ; ms Bnf naf 24171, lettre 043, page de droite) :

    « Hier, votre paquet de lettres de G.P. est parti. Un R.P. capucin [23] le portera à Turin, [24] d’où il promet de vous le faire tenir. Je tiens cet expédient sûr. Pourtant, dit-il, il ne sera à Lyon que vers le 14e de novembre ; à cela près, et qu’il arrive sans avarie ; même, dit-il, gratuitement. [22]

    Je serai<s> d’avis qu’on en portât un bon nombre à Paris, comme de 400, auparavant que d’en débiter encore. Je vous ai mandé par ci-devant mes sentiments touchant la préface : vous êtes prié de la faire, je la reverrai volontiers, et m’accommoderai à l’usage et au temps. Surtout, que les lettres soient imprimées dans l’ordre de leur date. Vous trouverez si < sic pour : s’il > vous plaît moyen de faire en sorte que M. Henry, avocat, [25] votre ancien ami, en ait un exemplaire des premiers et de ma part. Il m’a écrit de vous en bons termes. Fama volat[26] j’y contribuerai volontiers. [23] […]

    Je m’avise qu’il faudrait faire la préface de ci-dessus de bonne heure, parce que l’ayant vue vous la rajusteriez, et il serait mieux de la revoir une autre fois. » [24]

  • 19 décembre 1677 (Moreau, no 136, pages 343 et 346 ; ms Bnf naf 24171, lettre 044, 1re et 4e pages) :

    « J’espère toujours que vous recevrez mes lettres de G.P. Je me souviens que ces PP. capucins à qui je les confiai voulaient voir la solennité de saint Charles à Milan, [27] qui est le 4 novembre, et c’est ce qui les aura retardés. Delà ils allaient à Turin, d’où ils devaient ménager occasion sûre pour vous les faire tenir à Lyon : à quoi ils auront satisfait, ou j’espère qu’ils satisferont, dum vivo, spero[25] Si les capucins me trompent après tant d’autres qui m’ont trompé, je fais vœu de ne plus me fier à personne. […]

    On me promet beaucoup de lettres latines de G.P. Nous ferons le succès des françaises. »

  • 25 février 1678 (Moreau, no 147, page 369 ; ms Bnf naf 24171, lettre 046, 1re page) :

    « Cette préface de la vie et mœurs de G.P. requiert grand temps, et je ne l’ai pas à présent. De plus, on verrait que je l’aurais fait < sic >, donc on conclurait que j’aurais fait imprimer les lettres, ce qui me pourrait ruiner dans la conjoncture de mes affaires. J’aimerais mieux la lire de la veine d’un autre ; volontiers pourtant je la reverrais. Il est né le 31 août 1601, et mort le 30 mars 1672. Vous êtes fort propre à cette fatigue, et je la verrais volontiers, et rendrais. » [24]

  • 23 juin 1679 (Moreau, no 235, page 532 ; ms Bnf naf 24171, lettre 055, 4e page) :

    « J’ai fait copier beaucoup de lettres latines de défunt mon père, que je vous enverrai quand vous voudrez. Il y en a bien plus que de françaises. » [26]

Extrait d’une lettre de Jacob Spon

À Claude Nicaise, [27][28] sans lieu ni date écrits (1679) (Moreau, no 230, page 522 ; ms BnF fr 9360, Correspondance de l’abbé Nicaise, f o 323) :

« On m’écrit que l’on veut imprimer à Rome un volume in‑fo des lettres de Baronius, [29] ou qui lui ont été écrites. [28] De la manière dont m’a écrit M. Chouët, [29][30] je vois qu’il ne se soucie pas d’imprimer les lettres de M. Patin. Si c’était un méchant livre, il l’aurait déjà fait, car les libraires se trompent souvent aux choix de leurs auteurs. Pour moi, je tiens que c’est un livre à en faire beaucoup d’éditions. J’y ferai, s’il plaît à Dieu, travailler ici dans un mois. »

Commentaires

Ces précieux courriers établissent que Charles Patin et Jacob Spon, avec l’approbation et l’aide de Charles Spon et d’André Falconet, les deux amis lyonnais de Guy Patin, ont énergiquement travaillé à éditer un choix de ses lettres entre 1677 et 1679. Dès lors, ce dessein était à deux doigts d’être réalisé : on avait corrigé les dernières feuilles du manuscrit, et on songeait déjà au portrait de l’auteur qui devait orner l’ouvrage et au deuxième tome qui l’enrichirait bientôt ; mais il restait à écrire la préface du livre, à trouver un imprimeur assez audacieux pour le publier, et à libérer Charles de la condamnation qui entravait sa liberté d’agir au grand jour en France.

Yves Moreau a fourni la preuve formelle que le projet a bien été mené jusqu’à son terme dans la lettre no 371 de sa thèse (page 759), écrite par Jacob au libraire genevois Jean-Louis Du Four, [30][31] datée de Lyon le 7 mars 1683 :

« Il faudrait dans votre titre Lettres choisies de feu Monsieur Guy Patin, docteur en médecine de la Faculté de Paris et professeur au Collège royal. Si le nom de Genève n’y était pas, elles passeraient en France et en Italie avec moins de difficulté, et même elles se vendront mieux, vos impressions étant fort décriées. M. de Fléchères [32] me dit encore hier qu’il n’avait rien reçu de vous ; et en ayant demandé à la douane des nouvelles, on ne m’en fut < sic pour : voulut ? > point donner. Si vous avez envoyé cet exemplaire pour lui par le chasse-marée, [33] il devrait être arrivé. [31] J’ai jusque là le N, mais il me manque le M. Si vous pouviez m’envoyer cette suite par un courrier comme le précédent, je vous prie de lui recommander. [32] S’il y a quelque ami qui s’en veuille charger d’un ou deux exemplaires pour moi, vous pourrez lui remettre. D’abord qu’il sera fait et la planche tirée, vous pouvez en faire un paquet d’une vingtaine que vous enverrez par commodité à Padoue à M. Charles Patin, professeur en médecine, de ma part. »

Le décalage de quatre ans entre l’achèvement de l’édition (1679) et la parution de l’ouvrage (1683) est sans doute lié à l’amnistie de Charles Patin, qui ne fut prononcée qu’en juin 1681, [33] puis à la difficulté de convaincre un imprimeur. En poussant un peu loin le bouchon, j’en conviens, on peut voir dans cette parution retardée une vengeance longuement ruminée de Charles contre une cour et une Faculté de médecine qui lui avaient valu une immense infortune ; mais ce fut un éphémère délice qu’il paya fort cher.

Dans son acharnement à reprendre rang sur le tableau des docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris, [34] Charles alla jusqu’au parjure, en écrivant le 1er juin 1686 au doyen Claude Puilon : [34][35]

« On m’objecte principalement d’avoir édité ou aidé à faire paraître un petit livre contenant les lettres françaises de mon père, Guy Patin. Comme elles sont entrelardées de médisances, je dois être châtié sans mériter la moindre pitié de la très salubre Faculté si j’en ai été l’instigateur, l’auteur ou le divulgateur. […]

J’atteste solennellement n’avoir été ni l’auteur ni le divulgateur des injures dont on m’accuse injustement. Cela devrait suffire si on accordait quelque foi à ma parole, mais j’affirme en outre n’avoir jamais possédé ce livre, ni l’avoir attentivement lu ; il a seulement fini par me tomber entre les mains pendant deux heures, un jour qu’on me l’avait prêté. Tous ceux qui connaissent ma vie savent bien que je n’ai hérité ni lettres, ni opuscules, ni manuscrits de mon père, ni même la moindre chose qui lui appartînt. »

Le labourage des archives sait décidément déterrer de cruelles découvertes.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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