L. latine reçue 25.  >
De Thomas Bartholin,
le 29 août 1662

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Thomas Bartholin, le 29 août 1662

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=9076

(Consulté le 28/03/2024)

 

[Bartholin b, pages 357‑359 | LAT | IMG]

À Guy Patin, à Paris. [a][1][2]

J’ai récemment confié un paquet de quelques livres au très aimable Christophorus Nicolaï, qui appartient à la suite du très illustre ambassadeur Hannibal, [3] et j’espère qu’il vous a déjà été bien remis. J’ai aussi confié à M. Troilus, qui est en la même brillante suite, un catalogue et des lettres. [1] Vous trouverez là notre Dispensatorium Hafniense que vous avez désiré. [4] Personnellement, j’ai toujours douté de la vérité du décret qu’a prononcé le parlement de Grenoble ; [5][6] je l’ai pourtant ajouté à mes Historiæ, qui sont authentiques, afin que leur agréable diversité séduise les lecteurs. [2] Comme les poètes, les conteurs d’histoires veulent à la fois charmer et être utiles. On a avancé divers jugements sur le fœtus de Pont-à-Mousson. [7][8] On ne saurait dire à quel point ce siècle est fertile en prodiges. On m’a récemment fait don de nombreux et assez gros fragments osseux d’un fœtus, qui sont sortis il n’y a pas longtemps d’un ombilic rompu, 16 ans après le début d’une grossesse. Cette femme vit encore ici et endure tous les ans ces accès d’expulsions osseuses. La Nature est fort friande en fantaisies concernant la reproduction, mais comment se frayer un chemin entre l’utérus et l’ombilic de la mère ? Albucasis, [9] Donati, [10] Cagnati, [11] Lange [12] ont rapporté de semblables observations. Nous admirons le fait, mais ignorons ses mécanismes :

Scilicet id fieri cogit natura viarum
Multimodis varians
[3][13]

La rareté d’une histoire ne diminue pas la bonne foi du narrateur ; et bien que la fable ait été le fait d’un ingénieux imposteur, les auteurs anciens et modernes en insèrent de semblables dans leurs observations. Pour défendre la mienne, je veux qu’on dise que je l’ai publiée, parmi d’autres, avec la même bonne foi que je l’ai reçue. Je ne veux en effet pas refuser d’être mis en jugement sur cette affaire. Je peux me porter garant de ce que j’ai vu ; mais pour le reste, le lecteur s’appuiera sur d’autres autorités que la mienne. Pour le fœtus de Pont-à-Mousson, j’ai écrit ce que j’en pense au très éminent M. Horst, [14] et ma lettre se lit dans l’ouvrage de Strauss. [15] J’y ai mis en doute la vérité de cette observation, en trouvant pourtant des arguments qui étaieraient la plausibilité de cette affaire, si elle était véritable. [4] Quel qu’il soit, un auteur engage sa parole dans ses écrits. De fait, nous faisons confiance à beaucoup d’écrivains originaux, et si parmi eux il en est qui, comme dit le Poète comique, ubique imponunt in manum nobis pro cestu cantharum[5][16] nous serons entièrement dupés, quanquam Delphis oracula cessent[6][17] À nous qui relatons des histoires, il importe peu que nous écrivions des vérités ou des fables, car nous nous plaignons avec le Poète satirique :

Quis dabit historico quantum daret acta legenti ? [7][18]

Vous-même, grand Patin, vous étiez jadis élevé contre ce genre d’ouvrage, quand aujourd’hui vous me semblez vous délecter de mes Historiæ ; mais être médecin et être Polyhistor sont deux métiers différents. [8][19][20] Vale, perle des amis, conservez longtemps votre florissante vieillesse, au mépris des maladies, et aimez-moi. De Copenhague, le 29 août 1662.

Tout à vous, Thomas Bartholin.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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