À Hugues II de Salins, le 9 mai 1659, note 1.
Note [1]

« et tout ce qu’on dit de l’ablation de la rate est faux, toutes les blessures en sont mortelles ; voyez Riolan en son Anthropographie, page 132. »

Fendre la rate était une audacieuse opération pratiquée par les charlatans, en percutant violemment l’hypocondre gauche : quand le coup était réussi, la rate éclatait, ce qui pouvait entraîner une hémorragie interne mortelle (v. note [5], lettre 61). Au chap xxiii (De Liene [La Rate]), lib. ii de son Anthropographia. (1649), pages 132‑133 (librement traduit du latin par Pierre Constant, 1629, pages 321‑322), Jean ii Riolan écrit :

« La rate est une partie nécessaire à la vie, et partant, ce qu’on dit d’elle, qu’on la peut arracher d’un corps sans l’incommoder, est un conte fait à plaisir. Je sais bien que les Anciens rejetaient les empêchements qu’on a en courant sur ce viscère et que pour cela, ils le faisaient brûler aux coureurs. Pline assure (je ne l’ignore pas) que les animaux ne perdent pas la vie pour avoir perdu la rate, au livre ii, chapitre 37, et Rosset assure que les Turcs la font arracher à leurs coureurs ; ce que Nicolaï a bien ouï dire à quelques-uns, mais il n’a jamais trouvé homme qui l’en ait assuré pendant son voyage du Levant. Rosset passe encore plus avant car il assure qu’il a vu arracher la rate sans mauvais accident parmi les blessures de l’hypocondre gauche qui avaient pourri ce viscère. Trallian raconte aussi qu’il a guéri certain soldat à qui les ennemis avaient brûlé tout le côté gauche avec des fers chauds. Fludd {a} a vu ôter la rate du corps d’un chien par un habile chirurgien qui lui fit une incision dans l’hypocondre gauche, sans que le chien mourût pour cela ; et Leonardus Fiovarantus témoigne que certaine damoiselle affligée d’une mortelle maladie en la rate, où les médecins l’avaient abandonnée, fut guérie par un chirurgien qui la lui arracha. Ce sont contes qui, au pis aller, ne peuvent tromper que les circoncis. {b} Il ne faut point que je mente ; je trouve que Cælius Aurelianus, au 3e livre chapitre 4 des Tardives passions, a dit avec prudence que la rate n’a été jamais coupée ou arrachée qu’à coups de langue : vu même qu’au rapport de cet auteur, le feu y est de dangereuse conséquence, pour ce qu’on ne l’y peut appliquer sans blesser le péritoine, dont la brûlure donne la mort à cause de sa substance membraneuse. Je sais bien que Fallopius a renvoyé tous les accidents qui accompagnent les blessures de la rate sur ces grands vaisseaux qui sont coupés parmi ces accidents, au livre des blessures, chapitre 11, contre l’opinion de Tagault et d’Aquapendente, qui ont cru que toutes les blessures de la rate sont mortelles. Il est bien vrai que les Anciens appliquaient le feu sur l’hypocondre gauche en certaines maladies de la rate, mais ils ne poussaient jamais leurs ferrements jusqu’à la substance. L’usage en a fort souvent été recommandé par Hippocrate, par Ægineta et Albucasis ; {c} mais à n’en point mentir, je trouve bien plus raisonnable la méthode d’Areteus de la résoudre avec des médicaments tels que peuvent être le ceterach, le tamaris et l’eau des maréchaux, qui ont des grandes vertus pour cela, à ce qu’on tient. Certes, ceux qui perdent la rate ne jouissent jamais plus d’une bonne santé et traînent une vie languissante tout le reste de leurs jours, à cause des ordures et impuretés dont ils se nourrissent nécessairement, leur sang n’ayant plus rien qui l’en épure, tant s’en faut qu’ils soient plus gaillards et plus vigoureux qu’ils n’avaient été auparavant. »


  1. V. note [15] du Patiniana I‑4 pour Robet Fludd.

  2. Credat Iudæus Apella, non ego ; v. note [59], lettre 101.

  3. V. notes [13], lettre 153, pour Paul d’Égine, et [37], lettre latine 154, pour Albucasis.

V. note [5], lettre 562, pour le tableau de Guy Patin commandé par Hugues ii de Salins.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 9 mai 1659, note 1.

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(Consulté le 28/03/2024)

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