À Christiaen Utenbogard, le 19 janvier 1662, note 1.
Note [1]

Martini Schoockii Liber de Cervisia. Quo non modo omnia ad Cerealem potum pertinentia comprehenduntur, sed varia quoque Problemata, Philosophica et Philologica, discutientur : Simul incidenter quædam Authorum antiquorum loca illustrantur.

[Livre de Martinus Schoockius {a} sur la Bière. Où est non seulement tout ce qui touche à la boisson tirée des céréales, mais où sont aussi discutés divers problèmes, philosophiques et philologiques, en même temps qu’y sont expliqués incidemment certains passages des anciens auteurs]. {b}


  1. Marten Schoock, philosophe et naturaliste versatile (mais non médecin), a correspondu avec Guy Patin.

  2. Groningue, Franciscus Bronchorstius, 1661, in‑12 de 429 pages

Il est dédié à Patin qui, dans ses lettres, s’est souvent souvenu avec grande fierté de cette épître :

Celeberrimo et experientissimo Viro Domino Guidoni Patino, Bellovaco, Doctori Medico Parisiensi meritissimo et Professori Regio fidelissimo.

Vir summe,

Licet me aliud sidus temperet, quam illos, qui quicquid chartis illeverint, non modo a pueris et aniculis a furno atque lacu redeuntibus legi, sed etiam a præscriptione illustris nominis commendari gestiunt ; et hactenus varia orbi erudito (præfiscine dixerim) non ingrata, ne meo quidem nomine indicato, communicari passus fuerim ; consuetudini tamen non minus meæ, quam mihi ipsi, hoc die obnunciare decrevi, Illustri Vestro nomini offerendo libellum inficetum, a multis annis abdicatum, atque, vel ideo negligendum, quod quæ in illo proponuntur, se, et melius et distinctius discutere posse credunt, quam ullus Philosophus ; qui in gurgustiis Solis et orientis et occidentis securi degunt ; quique inter olidos Peti et Tabaci fumos lippientes oculos, rubentem nasum, plumbeas genas, labia juxta unctuosas amphoras fimbriata, titubantia genua, tremulas manus ; in summa, talem faciem qualem vix in suo Antonio, dulci amore ebrio, convenienter M Tullius Cicero effigiare scivit, ad risum usque circumferunt. Sed quod scirem Patinum illum maximum, seu, illam scriptorum hujus seculi exactissimam amussim, nugas et scruta mea aliquo in pretio habere, publice constare volui, me non minus æstimare illum, qui supra pretium est, quam pretium scripto infra omne pretium procurare, ab indicio viri orbi literario usque adeo pretiosi. De Cervisia agit hic Liber, qui invisus esse posset Gallo, cui vinum vernaculum est, nisi nos Belgæ antiquis Gallis accensi fuissemus, et simul per indulgentiam Romanorum, uvas {a} solo Gallico plane peregrinas, instituissemus colere quibus educandis quod solum patrium minus faveat, Cælo debemus. Interim gratulamur nobis, quod Cerealia procula Nymphæ patriæ, arti obsecundantis, largiter suggerat ; et pares faciat antiquis Gallis, quorum potum Cervisiam fuisse, forte deterioris notæ, quam nos quotidie in mesis habemus, in hoc Commentario doceo : simul alia discutio. Num feliciter ? num ingeniose ? Tu, cui præ multis datum est sapere et fari, despicito. Nec ronchos, nec malæ linguæ verbera metuam, si hæc Patino, cui me et mea ex asse devoveo, haut displicuisse cognovero : quod nomen auspicatum Musis Gratiisque, ut devote per omnem vitam venerabor, ita, maneo
Vir Maxime,
Illustris vestri nominis cultor
sincerus et serius
Mart. Schoockius
Groningæ xii. Kal Sextil.
ciͻiͻcLxi
.

[Au très célèbre et très entreprenant M. Guy Patin, natif de Beauvaisis, très méritant docteur en médecine de Paris et très zélé professeur royal.

Éminent Monsieur,

Étant né sous une étoile différente de ceux qui, quoi qu’ils aient barbouillé sur du papier, brûlent non seulement d’être lus par les enfants et par les petites vieilles revenant du four ou de la fontaine, {b} mais aussi de se recommander par le parrainage d’un illustre nom, et ne trouvant pas désagréable de me distinguer du monde savant (soit dit sans offenser), je n’ai, jusqu’à ce jour, jamais supporté de partager ma signature. Aujourd’hui pourtant, j’ai décidé de m’opposer autant à mon habitude qu’à ma propre volonté en dédiant ce grossier petit livre à votre illustre nom ; je l’avais laissé de côté pendant de nombreuses années, et bon à être oublié parce qu’aucun philosophe ne peut mieux et plus nettement débattre de son sujet que ceux qui passent leur temps dans les gargotes, à l’abri du soleil, de l’aube au crépuscule, les yeux larmoyants dans les puantes fumées de petun et de tabac, {c} le nez rougissant, les joues plombées, les lèvres froncées auprès d’onctueux flacons, les genoux titubant et les mains tremblantes ; en un mot, par ceux qui, ayant cette allure que Cicéron a su si bien figurer en son Antoine, enivré par un doux amour, {d} trinquent jusqu’à en devenir ridicules. Mais sachant que ce très grand Patin, ou ce cordeau très précis des écrivains de notre temps, accorde quelque prix à mes sornettes et à mes recherches, j’ai voulu faire voir au public que je n’en l’estime pas moins capable, lui qui dépasse tous les prix, d’en procurer un à ce qui n’en a guère, par la seule attention qu’y portera un homme d’un si grande estime dans le monde des lettres. {e} Ce livre traite de la bière ; un Français la pourrait détester, lui dont le vin est la boisson commune, si nous les Belges n’avions été éveillés par les anciens Gaulois, et si en outre, dans leur bienveillance, les Romains ne nous avaient appris à cultiver des plantes auxquelles le sol de notre patrie est peu favorable, en raison de son ciel, car les vignes étaient tout à fait étrangères à la terre de Gaule. {f} Nous nous félicitons cependant qu’une céréale, née loin de la Nymphe nationale, {g} s’y soit largement substituée ; et entre autres discussions, j’enseigne dans mon commentaire qu’il en est allé de même pour les anciens Gaulois : leur boisson a été la bière, qui pouvait certes être de moindre qualité que celle que nous servons tous les jours à nos tables. L’ai-je fait heureusement ? L’ai-je fait intelligemment ? Jugez donc cela de haut, vous à qui, parmi tant de talents, a été donné ceux d’avoir du goût et de dire ce que vous pensez. Et je ne craindrai ni les grognements, {h} ni les assauts de mauvais langage, si je reconnais que ces pages n’ont pas déplu à Patin, à qui je les dédie en toute franchise. Les Muses et les Grâces ont placé son renom sous leurs auspices, tout comme je le vénérerai ma vie durant, de sorte que je demeure,
éminent Monsieur,
l’adorateur sérieux et sincère de votre illustre renom,
Marten Schoock.
De Groningue, le 21 juillet 1661]. {i}


  1. Pour donner du sens à la phrase, j’ai remplacé utes, forme non attestée en latin, par uvas [vignes].

  2. Horace (Satires, livre i, 4, vers 36‑38) :

    et quodcumque semel chartis illeverit, omnis
    gestiet a furno redeuntis scire lacuque
    et pueros et anus
    .

    [et tout ce qu’il aura barbouillé sur du papier, il brûlera de le faire connaître à tous ceux qui reviennent du four ou de la fontaine, aux enfants et aux vieilles femmes].

  3. V. note [18], lettre 822, pour ces deux synonymes.

  4. Cicéron, Philippiques, discours iii, chapitre xiv :

    Nostis insolentiam Antoni, nostis amicos, nostis totam domum. Libidinosis, petulantibus, impuris, impudicis, aleatoribus, ebriis servire, ea summa miserai est summo dedecore coniuncta.

    [Vous connaissez l’insolence d’Antoine, {i} vous connaissez ses amis, vous connaissez toute sa maison. Libidineux, dissolus, impurs, impudiques, joueurs, ivrognes, tels sont les hommes dont il faudra être les esclaves ; {ii} ce sera le comble du malheur joint au comble du déshonneur].

    1. Marc Antoine, v. note [8], lettre 655.

    2. Schoock abuse de la litote en disant Antoine dulci amore ebrius [enivré par un doux amour].
  5. Je n’ai pas respecté les quatre emplois consécutifs du mot prix dans le texte latin (pretium, pretiosum).

  6. Tout cela est mal dit, mais dans l’idée de Schoockius, les Romains ont apporté la vigne au sud de la Gaule et l’orge au nord.

  7. Image de la Hollande représentée sur les médailles, depuis sa victoire contre les Espagnols en 1573, « par une Vierge, ayant une épée à la main et un chapeau sur la tête ; ce qui est la marque de la liberté. Elle est assise dans un jardin entouré d’une cloison d’osier ; emblème qui représente très bien la Hollande, où les saules et ces sortes d’arbrisseaux croissent en très grande abondance » (Supplément à l’Histoire métallique de la République de Hollande…, Amsterdam, Pierre Mortier, 1690, in‑8o, page 28).

  8. L’exacte traduction du latin ronchus ou rhonchus est raslement, mot qui a disparu du français, mais que Furetière a défini comme la « difficulté de respirer par des obstructions de pituite qui sont dans les conduits de la respiration ».

  9. V. les remerciements de Patin dans ses lettre à Schoock datées des 17 janvier et 16 avril 1662.

La suite de la présente lettre cite quelques-uns des très nombreux ouvrages que Schoock a publiés sur les sujets les plus divers et les plus curieux.

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 19 janvier 1662, note 1.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0719&cln=1

(Consulté le 29/03/2024)

Licence Creative Commons