À Johann Daniel Horst, le 16 juin 1661, note 1.
Note [1]

Les deux témoignages que mentionnait Guy Patin se lisent au début des Illustrissimorum et Excellentissimorum Virorum Judicia [Avis de très illustres et brillants hommes] de la Resolutio observationis singularis Mussipontanæ… [Réfutation de l’observation singulière faite à Pont-à-Mousson…] de Lorenz Strauss (Darmstadt, 1661, v. note [2], lettre 717). Probablement adressés à Johann Daniel Horst, beau-père de Strauss, ils se complètent l’un l’autre et encadrent celui de Patin sur le même sujet, dont on trouve trois fragments dispersés entre la lettre du 22 octobre 1660 (v. la fin de sa note [4]) et la présente (v. infra note [3]).

  • Kenelm Digby, page 18 :

    Illustrissimus Comes Dn. Kenelmus Digbæus Reg. Angliæ Cancellarius, et Eques. {a}

    « Quand je passai par Pont-à-Mousson, frère Barbillat (l’apothicaire des jésuites) {b} m’apporta en mon hôtellerie l’enfant que marque le cas {c} que vous m’avez fait la grâce de m’envoyer, et me fit un narré tout au long du fait. J’ai peine à croire que l’enfant en partie pétrifié puisse être le jumeau de la vieille où il se trouva. {d} Mais aussi de quel {e} côté que je me tourne pour en faire jugement, je trouve des difficultés insupérables. {f} Au moins, celui qui a écrit le cas l’a fait avec beaucoup d’érudition et force d’esprit. Certainement c’est un grand génie qui s’est si bien acquitté d’un affaire si plein de perplexités ; {g} et il l’a fait dans un très beau style, et avec des merveilleuses gentillesses, etc. {h}
    Lutetiæ Parisior. 26. Augusti, Anno 1660. » {i}


    1. « Le très illustre comte Kenelm Digby [v. note [19], lettre 237], chancelier d’Angleterre et chevalier. »

    2. La BnF conserve une lettre manuscrite du P. Claude Barbillat, jésuite, sur le fœtus de Pont-à-Mousson : Ms‑2890. lxiiie portefeuille de Philibert de La Mare (v. note [3], lettre 393), tome 1er, fol. 60.

      V. notes [22], lettre 701, pour l’emprise des jésuites sur l’Université de Pont-à-Mousson, et [16], lettre 901, pour la personnification de ce pouvoir des bons pères sous le nom d’Acignius dans l’Euphormion de Jean Barclay.

      Ces précisions ajoutent un élément passionnel à l’acharnement de Patin contre le fœtus pétrifié de Pont-à-Mousson : sa haine aveugle des jésuites pouvait lui faire soupçonner qu’ils avaient forgé cette histoire ; cela le poussait même, contre toute évidence, à nier l’existence de la grossesse extra-utérine (v. infra note [2]).

    3. L’observation écrite.

    4. Pour expliquer le fœtus pétrifié (lithopædion) trouvé à l’autopsie dans le ventre d’une femme qui était morte passé l’âge de 60 ans (v. infra notule {g}), certains supposaient qu’elle y avait porté toute sa vie le cadavre de sa propre sœur, après qu’elles eurent été conçues ensemble, mais que l’embryon d’une des jumelles se fut implanté vicieusement dans la cavité abdominale de l’autre, pour y former une môle (v. note [21], lettre 419) partiellement viable ; soit un cas de fœtus in fœtu par superfétation, semblable à la première des trois observations de Thomas Bartholin rapportées dans la note [33] de la lettre latine 154 (notule {e}).

      Dans son Anatomie de l’homme suivant la circulation du sang et les dernières découvertes… (Paris, 1690, v. note [2] de Thomas Diafoirus et sa thèse), Pierre Dionis a relaté son examen du fœtus de Pont-à-Mousson en 1678 et son entretien avec le frère Barbilart, qui était partisan obstiné de la superfétation (Troisième histoire d’une grossesse rare, pages 312‑314).

      Patin considérait, au contraire, que si elle siégeait hors de l’utérus, il ne pouvait s’agir que d’un sarcome, tumeur qui a la consistance de la chair, « volumineuse, dure, indolente, qui survient quelquefois au bas de la cavité des narines, aux parties naturelles de la femme, au fondement et en d’autres lieux » (Académie) ; dénomination qu’on réserve plutôt aujourd’hui aux tumeurs cancéreuses du tissu conjonctif, principalement celui du squelette et des muscles. Ce genre de tumeur germinale (embryonnaire) porte à présent le nom de tératome.

    5. Quelque.

    6. Anglo-latinisme pour « insurmontable ».

    7. Étymologie du substantif affaire (Littré DLF) : « Ce mot était nécessairement, à l’origine, du masculin, puisque c’est un infinitif [à faire], et que tous les infinitifs pris substantivement sont de ce genre. »

    8. V. note [4], lettre latine 146, pour Christophe Pillement, professeur de médecine à Pont-à-Mousson, qui avait consigné l’observation du lithopædion, faite en 1659, et avait conservé le fœtus dans son armoire à pharmacie, baigné dans une solution de sel et d’eau-de-vie, avant d’en confier la garde au frère Barbillat.

    9. « De Paris, le 26 août 1660. »

  • Johann Heinrich Pentz von Pentzenau, pages 19‑20 :

    Nobilissimus ac Strenuus Vir Dn. Joh. Henricus Pents à Pentsenaw, Consil. Hass. et Nassoicus, atque ad Regem Christianissimum Legatus.

    Barbillotus Fœtum Mussipontanum in aqua Salis spiritu vegetata, ne putredine exedatur, asservatum, mihi videndum et tangendum pronuper exhibuit. Visus sum mihi oculis usurpare Virbium in Poetarum spectaculis, vel constitutus in tristi cujusdam Medæ culina, ubi mactari Peliæ membra ostentarentur. Vidi apprime noscenda faciei lineamenta, auriculas, nasum, brachia, manus, digitulos, crura, pedes, in unguiculos, qui rotundum ovi oblongum referebant, desinentes. Extremitates lapidescentis materiei duritiem tactui offerebant. Accurate adeo omnia designabat ut et sexûs fæmini in tam pusillo corpore notanda non negligeret : sed non demortuæ fœtum, at sororculam fuisse, cujus vitæ fil um, non ante, quam cum illa suum violentia præcipitatione rupisset, ruptum esse testatbatur ; nutriciam illam huic, hanc illi alumnam asseverabar, traxisse imitamentum illud hominis vitam eo modo quo fœtus ; quoque modo ante aliquot annos Juvenem perfectarum virium facultatumque vidimus Francofurti, qui fraterculum tristis et fœdi satis aspectis ventri accretum alumnum circumferebat, quo modo hanc pusillam alteri, quibus in loculis intra corpus adcrescere contigisset, apte videbatur enarrare, etc. Lutetia Parisior. 12. octobr. 1660.

    [Le diligent et très noble comte Johann Heinrich Pentz von Pentzenau, conseiller de Hesse et de Nassau, {a} et ambassadeur auprès du roi très-chrétien.

    Tout récemment, Barbillot {b} m’a fait voir et toucher le fœtus de Pont-à-Mousson, conservé dans l’eau-de-vie salée pour éviter sa putréfaction. En le regardant, j’ai cru contempler le Virbius qu’ont chanté les poètes, {c} ou être assis à la sinistre table de quelque Médée, où on aurait exhibé le corps déchiqueté de Pélias. {d} J’y ai très exactement discerné les traits d’un visage, des oreilles, un nez, deux bras, deux jambes, deux mains et deux pieds, avec de petits doigts terminés par des ongles qui rappelaient la courbure oblongue d’un œuf. Au toucher, les extrémités avaient la dureté d’une matière pierreuse. Tout y était si exactement dessiné qu’on ne pouvait pas même manquer de remarquer que ce tout petit corps était de sexe féminin. Ce n’était pourtant pas le fœtus de la défunte mère, mais sa petite sœur, dont tout attestait que le fil de la vie ne s’était pas rompu avant que la mère n’eût elle-même rompu le sien en se précipitant violemment à terre. {e} J’affirmerais que la première était la nourrice de la seconde et que la seconde était le nourrisson de la première ; cette imitation de personne humaine a contracté la vie de la même manière que le fait un fœtus. De semblable façon, voici quelques années, nous avons vu à Francfort un jeune homme doté d’une vigueur et de facultés parfaites, portant un enfant qui lui était attaché au ventre, son petit frère d’aspect morne et assez hideux. On semblait pouvoir expliquer convenablement comment ce nabot s’était formé chez l’autre et en quelles niches de son corps il avait grandi, etc. {f} De Paris, le 12 octobre 1660]. {g}


    1. V. note [1], lettre latine 146. La Hesse (principale ville Darmstadt) et le Nassau (Wiesbaden) étaient deux duchés voisins situés au cœur de l’Empire.

    2. Sic pour Barbillat, v. supra première notule {a}.

    3. Virbius : « nom [latin] que Diane [v. notule {a}, note [16] du Borboniana 5 manuscrit] fit porter à Hippolyte [v. première notule {a}, note [6], lettre latine 83] lorsqu’elle l’eut rappelé à la vie, comme si l’on disait deux fois homme » (Fr. Noël).

    4. Pélias, « fils de la Nymphe Tyro et de Neptune, usurpa le trône d’Iolchos sur Éson, son frère de mère, et fit assassiner sa femme et ses enfants, excepté Jason, son neveu, qu’il chercha à faire périr en l’envoyant à la conquête de la Toison d’or. Médée [magicienne follement éprise de Jason, v. note [13], lettre 695] ayant eu le secret de rajeunir le père de Jason, les filles de Pélias, étonnées de ce prodige, la prièrent de vouloir user du même secret pour leur père ; et à sa persuasion, l’égorgèrent et le mirent en morceaux. Ces malheureuses princesses, honteuses et désespérées de s’être si cruellement abusées, s’allèrent cacher dans l’Arcadie, où elles finirent leurs jours dans les larmes et dans les regrets » (Fr. Noël).

    5. Défenestration d’une grande hauteur dans la relation de Pillement.

    6. Cas de gémellité conjointe (enfants dits siamois) asymétrique (gémellité parasite) : perturbation de la genèse embryonnaire de même ordre, mais plus aboutie que le fœtus in fœtu dont Pentz pensait (comme Digby et le fère Barbillat, v. supra) que le lithopædion de Pont-à-Mousson était une illustration, alors qu’il s’agissait sûrement d’un rare cas de croissance avancée d’un fœtus hors de l’utérus.

    7. Traduction laborieuse et parfois approximative d’un latin très souvent fautif (dont ma transcription est rigoureusement fidèle et vérifiée).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Daniel Horst, le 16 juin 1661, note 1.

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(Consulté le 18/04/2024)

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