Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4, note 1.
Note [1]

Quand il tenait ces propos, exacts mais assez amers, Gabriel Naudé ignorait sans doute qu’il allait devenir bibliothécaire de Mazarin (v. note [6], lettre 53), après avoir brièvement été celui de Richelieu (mort en décembre 1642) : v. infra note [6].

V. note [8], lettre 42, pour son père, Pietro Mazzarini, qui voulut vite faire oublier qu’il avait débuté comme bonnetier à Rome (à en croire Naudé, qui était en général plutôt bien informé sur les affaires de cette ville).

Le Naudæana manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin) en dit plus sur cet intéressant sujet « des parents et des mœurs du cardinal Mazarin », vus par Naudé. Le contenu du supplément est curieusement anachronique et fort suspect d’être apocryphe, et même d’avoir été ajouté par le rédacteur du Naudæana :

« S’y fie qui voudra, il n’y a rien à gagner auprès de lui, non plus les uns que les autres. Chez lui æqua pars est descendentis ad prœlium et manentis ad sarcinas. {a} D’autres disent qu’il est fils d’un patenôtrier, {b} d’autres, d’un apothicaire de Calabre qui, ayant fait quelque fortune, vint demeurer à Rome. Il y a grande apparence qu’il ne vaut rien puisque le cardinal de Richelieu s’est tant servi de lui : il ne l’eût pas tant aimé s’il ne l’eût connu de méchante nature, ut se detestanda comparatione desiderabilem faceret, comme Tacite dit que fit Auguste en prenant Tibère pour son successeur à l’Empire, lib. 1 Annalium. {c} Sa mère est morte à Rome l’an 1644 et, quelques mois après, son père s’est remarié à une veuve de la famille des Ursins. {d} Il est homme voluptueux qui aime le jeu et ses plaisirs. Il joue fort finement et dupe merveilleusement, mais il est horrible avaricieux. Il ne donne rien à personne, aussi ne se fait-il point d’amis, faute de quoi il pourra quelque jour être ici accablé pour la haine que l’on porte aux étrangers qui ont tant de pouvoir en France. La reine le porte mais elle pourra l’abandonner quand elle verra que nos affaires iront de mal en pis. {e} Il est grand coyon {f} et fort timide, coyonissime. Il n’est ni politique ni entendu en nos affaires. Il a fait donner un chapeau de cardinal à son frère jacobin moyennant 800 000 ℔, que la signora Olimpia, belle-sœur du pape, {g} a touchées de notre argent. Ce < cardinal > est mort à Rome l’an 1648 : voilà les impôts de la France fort mal employés et la teinture d’un bonnet de moine bien chèrement vendue. Ce frate {h} est fort débauché et a encore moins d’esprit que son frère. Il est archevêque d’Aix en attendant la mort du cardinal de Lyon pour avoir son archevêché. » {i}


  1. « Celui qui livre bataille et celui qui reste près des bagages ont la même part du butin », précepte biblique énoncé par le roi David (Samuel 1, 30:24).

  2. Artisan qui fabrique des chapelets.

  3. « pour à se faire désirer par odieux contraste » (Annales, livre i, chapitre x) ; l’expression exacte de Tacite est : comparatione deterrima sibi gloriam quæsivisse [se chercher de la gloire par bien pire contraste].

  4. V. note [8], lettre 342, pour les deux mariages de Pietro Mazzarini : le premier vers 1600 avec Hortensia Buffalini, mère du cardinal ; le second en 1644 ou 1645 avec une princesse Orsini désargentée, prénommée Porzia. Cette année 1644 nous mène aux extrêmes limites chronologiques de ce qu’on peut s’attendre à lire dans le Naudæana.

  5. La reine régente Anne d’Autriche, avec annonce de la Fronde (qui débuta ouvertement à Paris avec les barricades d’août 1648). La fidélité de la reine pour Mazarin fut absolument indéfectible.

  6. Poltron.

  7. V. note [4], lettre 127, pour la scandaleuse Olimpia Maidalchini, belle-sœur du pape Innocent x (élu en 1644).

  8. Frère, moine (italien) : v. note [5], lettre 160, pour Michele Mazzarini, qui avait commencé sa carrière ecclésiastique chez les dominicains.

  9. Michele Mazzarini devint archevêque d’Aix en 1645, puis cardinal de Sainte-Cécile en 1647, et mourut le 31 août 1648. V. note [12], lettre 19, pour Alphonse-Louis du Plessis de Richelieu, frère du ministre et cardinal-archevêque de Lyon, mort en 1653.

    L’anachronisme flagrant (par rapport à la date supposée pour la rédaction du Naudæana) et le style incitent ici fortement à penser que Patin a lui-même étoffé ce commentaire.



Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 222 :

« Mazarin. Je m’étonne qu’on n’ait pas gardé davantage de vraisemblable. Est-il possible que M. Naudé qui, dans son Mascurat, {a} a peut-être péché par excès, pour avoir voulu remonter trop haut la généalogie de son maître, tombe ici dans une impertinence, laquelle, dans la bouche de {b} l’abbé Cajetan, a tellement excité sa bile et lui a fait vomir tant d’injures contre ce religieux et ses sectateurs ? »


  1. « Voyez le Mascurat, pages 44 et suiv. » (note de Vitry) : dans son Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin, ou Mascurat (Paris, 1649, v. note [127], lettre 166), Gabriel Naudé a longuement (pages 11‑52) défendu les nobles origines génoises de la famille Mazarin (v. note [8], lettre 342). Au passage (pages 47‑48), il a lancé des imprécations contre le bénédictin Constantino Gaetano (Cajetan), « moine crotté, rabougri, ratatiné, fol et enragé à médire de tout le monde » (page 45), avec qui il était en vive querelle sur l’auteur de L’Imitation de Jésus-Christ (v. note [32] du Naudæana 3) :

    « Et après ces témoignages si authentiques contre ce faussaire, pourra-t-on ajouter foi à cette belle métamorphose, qu’il lui a plu < de > faire, d’un gentilhomme bien né et assez accommodé des biens de fortune pour se contenter de la part que Dieu lui en avait faite, en un pauvre marchand chapelier, boutonnier et, qui plus est, banqueroutier, comme il a fait du père du cardinal ? {i} Mais quoi ! il se voulait peut-être venger de quelque différend qu’il avait eu avec le Père Jules Mazarin, jésuite, {ii} touchant la fondation de certains collèges en Sicile, puisque ledit père, au rapport d’Alegambe, Studia quædam erexit in Sicilia, {iii} où cet imposteur avait pareillement dessein d’en établir pour quelques religieux de son Ordre ; ou bien parce qu’il avait trouvé quelque Matarin, ou Mascarin, ou Marcasin, aux environs de Palerme, qu’il s’est imaginé de pouvoir faire passer pour Mazarin, ne plus ne moins {iv} qu’il changea, il y a plus de vingt-cinq ans, Gerson en Gersen, afin de faire croire au monde que les livres de Imitatione Christi de Thomas à Kempis, publiés anciennement par je ne sais quelle inadvertance sous le nom de ce fameux chancelier de Paris, Jean Gerson, avaient été faits par un abbé de l’Ordre de Saint-Benoît, nommé Jean Gersen. »

    1. Pietro Mazarini, cible favorite de nombreuses mazarinades.

    2. Oncle et homonyme du cardinal Mazarin, v. infra note [26].

    3. « a établi quelques collèges en Sicile », v. note [19], lettre 224, pour le jésuite Philippe d’Alegambe, continuateur de la Bibliotheca scriptorum Societatis Iesu [Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus] (Anvers, 1643).

    4. Ni plus ni moins.
  2. Racontée par.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4, note 1.

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(Consulté le 23/04/2024)

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