Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑3 (1701), note 1.
Note [1]

V. note [29], lettre 477, pour le véritable Sébastien ier, roi du Portugal et pour son règne tourmenté (de 1569 à 1578). Mort au Maroc lors de la bataille des Trois Rois, son cadavre ne fut pas certainement identifié. Son oncle, le cardinal Henri, lui succéda, mais son règne fut bref (1578-1580) et calamiteux, aboutissant à la prise du pouvoir par l’Espagne. Cette période fort troublée fit surgir quatre imposteurs qui prétendirent l’un après l’autre à la succession en se disant être Sébastien.

En 1598, Philippe iii (1578-1621) prit la succession de son père, Philippe ii, sur le trône espagnol. Née en 1601, Anne d’Autriche, future reine de France par son mariage avec Louis xiii (v. note [8], lettre 38), était fille de Philippe iii.

Au tout début du règne de Philippe iii, l’usurpateur calabrais dénommé Marco Tulio Catizone fit son apparition à Venise, d’où il fut rapidement chassé, pour être un peu plus tard arrêté à Florence et livré aux Espagnols. Le Patiniana renvoyait aux récits de deux historiens.

  • Jacques Auguste i de Thou en a longuement parlé dans le livre cxxvi de son Histoire universelle (règne de Henri iv, année 1601, Thou fr, volume 12, pages 642‑646) ; voici le début et la fin de sa relation :

    « Un inconnu, qui prit le nom de Dom Sébastien, roi de Portugal, excita alors de grands mouvements en Italie et en Espagne. Les différentes impressions qu’une nouvelle si extraordinaire fit sur les esprits, en firent parler diversement ; et quoiqu’il ne fût qu’un imposteur, les preuves qu’il donna parurent convainquantes à un grand nombre de personnes. Ses partisans assurèrent que le roi Sébastien n’avait pas été tué, comme on l’avait cru, dans la bataille qui s’était donnée dans la campagne d’Alcacerquibir en Afrique, {a} et qui avait été si funeste, non seulement au Portugal, mais encore à toute la chrétienté ; qu’après sa défaite, accablé de honte et n’osant retourner dans ses États, il était entré dans un petit vaisseau qu’il avait trouvé et s’était réfugié à Algarbe ; {b} que Christophe de Tavora, duc d’Aveo, et le comte de Redonde l’avaient accompagné dans sa retraite ; que ses blessures étant guéries, il avait résolu d’aller jusqu’en Éthiopie et de voyager dans les pays les plus éloignés ; qu’il avait vu la Perse et qu’il s’était trouvé dans plusieurs combats où il avait été plusieurs fois blessé ; que s’ennuyant de cette vie vagabonde, il s’était retiré auprès d’un ermite dans un désert de Géorgie où la religion chrétienne s’est conservée ; qu’il avait quitté sa solitude en 1597 et qu’ayant débarqué en Sicile, il avait envoyé en Portugal Marco Tullio Cottizone de Cosenze {c} pour apprendre à ses sujets le retour de leur prince naturel ; que Cottizone ne revenant pas, il s’était mis en chemin pour aller à Rome se jeter aux pieds du souverain pontife ; mais qu’ayant été volé par ses valets, il avait été obligé de se retirer à Venise, où le Sénat l’avait fait arrêter à la prière de l’ambassadeur d’Espagne.

    La ressemblance du visage et de la taille, une cicatrice sur le sourcil droit, une verrue, qui n’était guère moins grande que le doigt sur le bout du pied, et quelques autres circonstances furent les preuves qu’il allégua pour montrer qu’il était le véritable Sébastien.

    […] Quant au faux Sébastien, il fut enfermé dans une étroite prison et il y finit ses jours, soit que la mort ait été violente, soit qu’elle ait été naturelle. {d} Quoi qu’il en soit, elle assoupit les mouvements qui agitaient le Portugal. […] Les superstitieux ont cru que les troubles excités par le faux Sébastien avaient été présagés par les sons d’une cloche prétendue miraculeuse, qui est en Aragon, dans une ville appelée Villila, qu’on croit être l’ancienne Julia Celsa. Cette cloche, dit-on, sonna d’elle-même dans le mois de juillet. Les paysans, que l’ignorance rend trop crédules, assurent que la mort de Ferdinand, roi d’Aragon, de Charles Quint et d’Anne d’Autriche, femme de Philippe ii, et la conquête de la Sicile sur les Français, par Alphonse v, avaient été annoncées par cette cloche, {e} et que vingt-trois ans auparavant, lorsque Dom Sébastien était passé en Afrique, le même prodige était arrivé. »


    1. Les Espagnols donnent à la bataille des Trois Rois le nom d’Alcazarquivir (Alcacer-Quibir pour les Portugais), remportée par les Ottomans sur la « croisade » engagée par le roi Sébastien.

    2. En Algarve, extrémité méridionale du Portugal.

    3. Variante orthographique du nom que les historiens ont donné à l’usurpateur lui-même (Marco Tulio Catizone). Cosence est le nom français de la ville de Cosenza en Calabre.

    4. Selon certaines relations, il aurait été pendu en 1603.

    5. V. note [1], lettre 590, pour la légende de la cloche d’Aragon, dans une version un peu différente. Vellila est une déformation du nom de Velilla de Ebro, village d’Aragon, dans la province de Saragosse. Il a été construit sur les ruines de la colonie romaine dénommée Victrix Iulia Lepida, fondée par le général romain Lépide (Marcus Æmilius Lepidus), membre du second triumvirat, au ier s. av. J.‑C., puis Iulia Victrix Celsa, après la destitution de Lépide par Octavien (le futur empereur Auguste).

      V. notule {b‑iii}, note [23] du Naudæana 3, pour Alphonse v le Grand, roi d’Aragon, puis des Deux-Siciles.


  • L’Histoire de France… de Pierre Matthieu (Paris, 1605, v. note [10] du Patiniana I‑1) contient un Discours tragique d’un qui se disait être le roi D. Sébastien de Portugal (livre iiii, narration quatrième, chapitre x, tome ii, fos 73 ro‑76 vo). Il contient de nombreuses digressions sur les imposteurs qui ont fleuri durant l’Antiquité et maints détails sur les aventures et l’effronterie de l’imposteur, avec cette conclusion :

    « Plusieurs le prenaient pour un Calabrais né de Taverne {a} et moine renié ; autres, pour Marc Tulle Catizion, d’une terre de Pouille. Les Portugais jurent par sa vie et par sa tête. Les prisonniers qui étaient au même château, {b} le voyant tous les matins à la messe, y reconnaissaient quelques traits de prince qui leur faisaient dire ou qu’il était le roi D. Sébastien, ou un diable. […] Les plus avisés l’ont tenu pour un affronteur, les ignorants pour magicien, les simples pour roi. Il a été, comme faussaire, condamné aux galères. Je m’étonnerais pourquoi la peine n’a été de mort si je ne savais que la mort, qu’on appelle l’horreur des horreurs, et des choses terribles, la plus terrible, n’est que le mouvement d’un instant et qu’il n’y a telle mort que celle qui fait sentir la peine de la mort sans mourir, et en laquelle les comites {c} traitent les hommes avec moins de pitié que les chiens. Peine si odieuse qu’elle rend les hommes libres esclaves, et les dépouille de toutes les actions civiles. Peine si misérable qu’encore que le vaisseau auquel les forçats sont attachés fasse naufrage, et que par hasard et dextérité quelqu’un en échappe, leur bonne fortune ne les délivrerait sinon qu’il y eût des lettres et commandements du prince pour leur liberté. »


    1. Taverna, dans la province de Catanzaro.

    2. Dans le récit de Matthieu, Catizone n’est pas envoyé en Espagne, mais demeure à Naples, emprisonné dans les cachots du Castel dell’Ovo (château de l’Œuf).

    3. Comite : « officier de galère qui commande la chiourme, qui a le soin de faire ramer les forçats. Les comites ne sont point chiches de coups de bâton » (Furetière).

Cet article du Patiniana figure à la page 53 du manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑3 (1701), note 1.

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(Consulté le 28/03/2024)

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