Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 7 manuscrit, note 1.
Note [1]

« Enfant tyran ! tu mourras de tabès ou de poison. »

V. note [56] du Borboniana 2 manuscrit pour Lambertus (Ludophus Pithopœus) et son épigramme contre Marc-Antoine Muret. Je n’ai pas trouvé ce vers dans les Poemata de Lambertus (Spire, 1595), mais on y lit un propos très ressemblant dans la pièce intitulée In Carolum ix. Valsium, Galliæ Regem [Contre Charles ix de Valois, roi de France] (pages 435‑436) :

Nullos esse Deos, inane cœlum,
Credit Valesius, probatque, quod se
Factum, dum putat hoc, ait potentem.
Falso te tamen, puer Tyranne,
Exemplo proprio, putasse. Tandem
Discere incipies, nimisque sero,
Cum diris cruciatibus peremtus,
Spectaclo miserabili et stupendo,
Iusta cuncta Dei potentis ira,
Toto cropore sanguinem profundens,
Vitam cum fremitu impio relinques.
Nuper millia quod tui piorum
Cuncta per loca regni et innocentum,
Instar crudivori et lupi rapacis,
Immani nimium, ferino et ausu,
Dolo perfidiaque abominanda,
Per blandam speciem sacri iugalis,
Dum Regi propriam locans sororem,
Cæde et sanguine polluis tuorum,
Sævus publica festa nuptiarum,
Mactasti innumera, et cruore campos
Implesti fluvios, lacus et urbes,
Cum tui generis probro perenni.
Disces vah puer et tyranne disces,
Esse, quod scelera hæc videtque et odit,
Iustum numen, et haud inane cœlum
.

Eitelber. < sic > Non. Septembr. 1572.

[Le Valois croit qu’il n’existe aucun Dieu et que le ciel est vide : ce qu’il a fait le prouve, et il pense qu’on le dit puissant pour cette raison ; mais ton propre exemple, enfant tyran, prouve que c’est à tort que tu as pensé cela. Tu commenceras à l’apprendre, mais bien trop tard, le jour où, anéanti par d’effrayantes tortures, en proie à une désolante et stupéfiante vision, quand la juste colère de Dieu tout-puissant répandra tout le sang que tu as dans le corps, tu quitteras la vie dans un mugissement sacrilège. Voilà peu, tandis que tu donnais ta propre sœur à un roi, sous la flatteuse apparence d’une messe de mariage, tu as profané la célébration publique des noces par le meurtre et le sang de tes sujets : {a} comme rendu furieux par la sauvage et épouvantablement cruelle audace d’un loup prédateur et carnassier, par une ruse et une abominable perfidie, tu as massacré par milliers d’innocentes et pieuses gens en tous lieux de ton royaume ; pour la durable infamie de ta lignée, tu as rempli de leur sang champs, villes, fleuve et lacs. Toi, l’enfant, tu apprendras, et toi, le tyran, tu sauras alors qu’il existe un Dieu juste, qui voit et exècre ces crimes, et que le ciel n’est pas vide.

Heidelberg, le 5 septembre 1572]. {b}


  1. Célébration, le 18 août 1572 à Paris, du mariage de Marguerite de Valois, sœur du roi Charles ix, avec Henri iii, roi huguenot de Navarre (et futur roi Henri iv de France), suivi, le 24 août, jour de la Saint-Barthélemy, du début des massacres qui ensanglantèrent tout le royaume (v. note [30], lettre 211).

  2. Dans le calendrier julien (vieux style) : 15 septembre du calendrier grégorien (nouveau style).

Le plus probable, me semble-t-il, est que quelque plume protestante a repris l’idée et deux mots de Lambertus, puer tyranne, pour forger un vers à prétention prémonitoire : Charles ix est mort le 30 mai 1574, rongé par le tabès (phtisie ou consomption, probablement tuberculeuse), {a} avec rumeurs d’un empoisonnement que l’autopsie n’a pas confirmé. Le rapport en a été transcrit à la page 856 des Œuvres de chirurgie de Jacques Guillemeau, {b} avec cette incontestable description d’une pleurésie purulente, {c} que nul poison, autre que le bacille tuberculeux, ne sait provoquer :

Pulmo qui in partem sinistram Thoracis incubebat, a costis illegitimis ad claviculas usque totus lateri adhærebat, ita firmiter, et obstinate, ut avelli potuerit sine dilaceratione, et discerptione cum putredine substantiæ et, in qua sese prodidit vomica rupta, e qua colluvies purule<n>ta, putrida et graveolens effluxit, cuius tanta fuit copia, ut in asperam arteriam redundarit, et præclusa respiratione præcipitis et repentini interitus causam attulerit.

[Le poumon gauche tout entier, depuis les côtes flottantes jusqu’à la clavicule, adhérait à la paroi, si solidement et fermement qu’il ne pouvait en être séparé sans dilacération ni déchirure ; avec pourrissement de sa substance, qu’un abcès rompu avait envahie, et d’où s’était écoulée une ordure purulente, gâtée et fétide, en si grande abondance qu’elle avait inondé la trachée-artère, et provoqué une mort subite et prompte en bloquant la respiration]. {d}


  1. V. note [9], lettre 93.

  2. Rouen, Jean Viret, François Vaultier, Clément Malassis et Jacques Besongne, 1649, in‑fo de 863 pages, 3e édition : v. note [15], lettre 219, pour leur auteur, Jacques Guillemeau, et leur édition de 1598.

  3. V. note [10], lettre 40.

  4. Les autres viscères (incluant le cerveau) étaient intacts. Dix médecins, dont Louis Duret et Simon i Piètre, ont assisté (præfuerunt) à l’ouverture du corps (autopsie) et huit chirurgiens, dont Ambroise Paré et Jacques Guillemeau, l’ont effectuée (administrarunt). V. note [15], lettre 554, pour la mort subite, ici due à l’inondation des voies respiratoires par la rupture d’un volumineux abcès pulmonaire.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 7 manuscrit, note 1.

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(Consulté le 28/03/2024)

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