À Charles Spon, le 23 novembre 1657, note 10.
Note [10]

Les parties entre crochets de ce paragraphe correspondent à une déchirure du coin inférieur gauche de la feuille ; la reconstitution est celle de Reveillé-Parise.

V. note [39], lettre 503, pour l’assassinat de Gian Rinaldo Monaldeschi par Lodovico Santinelli, le 10 novembre 1657, sur l’ordre de la reine Christine. La Grande Mademoiselle a raconté l’entrevue qu’elle eut avec elle quelques jours après (Mlle de Montpensier, Mémoires, première partie, volume 3, chapitre xxix, pages 188‑190) :

« Je passai à Fontainebleau où était la reine de Suède. J’allai droit chez elle ; on me dit qu’elle n’était pas éveillée. Je m’en allai à l’hôtellerie où elle envoya un gentilhomme pour me dire qu’elle s’habillait en diligence pour me voir. Lorsqu’elle fut en état, on me vint quérir. Je trouvai dans sa cour vingt Suisses habillés de gris avec des hallebardes dorées, force valets de pied et pages vêtus de gris aussi, assez de gentilshommes dans la salle et dans l’antichambre. Elle avait un justaucorps de velours noir, une jupe couleur de feu, et un bonnet de velours avec des plumes noires et force rubans couleur de feu. Elle me parut lors aussi jolie que la première fois que je l’avais vue. Je lui demandai si elle ne viendrait point à la cour ; elle me dit qu’elle n’en savait rien et qu’elle ferait tout ce que l’on lui ordonnerait. Le roi l’était venu voir depuis son retour ; il avait couché à Villeroy et l’après-dînée, il y était allé au galop. M. le cardinal avait été aussi à Petit-Bourg {a} où elle était allée pour le voir. En parlant à elle, je songeai tant à ce qu’elle avait fait et le bâton de son capitaine de ses gardes, qui était dans sa ruelle, {b} me fit bien penser à celui à qui je l’avais vu porter et au coup qu’il avait fait, qu’il est bon de dire ici avant que de passer plus avant. Le comte Santinelli était celui qui paraissait être le mieux avec la reine de Suède, elle l’avait envoyé en Italie. On dit que le marquis Monaldeschi, son grand écuyer, s’était voulu prévaloir de son absence et lui rendre de mauvais offices, et que pour cela, il avait pris de ses lettres, en avait ouvert, et même de celles de la reine, sa maîtresse. On n’a point su le détail de cette affaire autrement ; mais ce qui a été su et vu, est qu’un jour qu’il dînait à la ville, elle l’envoya quérir et qu’elle lui dit “ Passez dans la galerie ”, qui est celle des Cerfs à Fontainebleau, et que là il trouva le chevalier de Santinelli, capitaine des gardes, {c} qui lui dit “ Confessez-vous, voilà un père mathurin ”, auquel la reine avait conté les sujets qu’elle avait de se plaindre de lui pour lui faire comprendre que de lui couper le cou en Suède ou de le faire tuer dans la galerie de Fontainebleau, pour elle, était la même chose. Monaldeschi eut grande peine à se résoudre à mourir ; il envoya le père demander pardon à la reine, et la vie. Elle le refusa ; il voulut se jeter par la fenêtre, mais elles étaient fermées. Santinelli eut peine à le tuer, ayant une jaque de mailles ; {d} il lui donna plusieurs coups, de sorte que la galerie fut pleine de sang ; et quoique l’on l’ait fort lavée, il y en a toujours des marques.

Après qu’il fut mort, on l’emporta dans un carrosse à la paroisse où on l’enterra à une heure qu’il n’y avait personne ; ce qui est assez aisé, la paroisse de Fontainebleau étant à un quart de lieue du bourg et du château. {e} On a dit qu’elle vint regarder comme on le tuait, mais je ne sais si cela est bien certain. Cette action fut trouvée fort mauvaise, et qu’elle l’eût osé commettre dans la maison du roi. Elle prétendait, comme j’ai dit, que c’était faire justice et < que > comme les rois ont droit de vie et de mort, ce même pouvoir s’étend aux lieux où ils vont comme à ceux qui sont à eux. Ce genre de mort est bien barbare et bien cruel à toutes sortes de personnes, et particulièrement à une femme. Elle me traita fort civilement comme elle avait fait toutes les fois que je l’avais vue. »


  1. V. note [11], lettre 223.

  2. V. note [4] du Faux Patiniana II‑4.

  3. De la reine de Suède.

  4. Armure faite de mailles de fer qui couvrent le corps depuis le cou jusqu’aux cuisses.

  5. À l’église d’Avon (et non « au couvent des mathurins », comme écrivait Guy Patin, v. supra note [9]).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 23 novembre 1657, note 10.

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(Consulté le 23/04/2024)

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