Autres écrits : Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : ii, note 10.
Note [10]

V. note [9], lettre 5, pour les bézoards animaux et végétaux. Eusèbe Renaudot ne prisait guère les bézoards métalliques des chimistes (pages 128‑129 de son Antimoine justifié, v. supra note [9]) :

« Ce qui se justifie principalement au fait de l’antimoine, qu’il ne leur suffit pas d’avoir préparé en toutes les façons que je vous ai fait voir, et qui ont un grand usage pour la guérison de plusieurs maladies ; mais ils s’en forgent de nouvelles chimères et diverses idoles qu’ils exaltent si hautement qu’ils nous les veulent faire passer pour des remèdes divins, les qualifiant de bézoards minéraux et métalliques, qu’ils composent en certaines constellations : de l’antimoine mêlé avec l’or, l’argent, le fer, l’étain, le plomb, le cuivre et le vif-argent ; desquels, aussi bien que des planètes qu’ils assurent verser sur eux leurs influences, ils lui font tirer des vertus célestes et extraordinaires que l’antimoine bézoardique nommé par eux Hepastrum possède, à leur dire, toutes en gros, en un degré éminent, pource qu’il est extrait de ces sept métaux avec lesquels ils le préparent d’une manière tout extraordinaire ; opérations que j’omets volontiers, pour ne fatiguer pas davantage l’esprit de mes lecteurs, aussi bien que les faux éloges dont ces zélés, pensant rehausser l’antimoine, font souvent révoquer en doute les véritables vertus qu’il possède justement, pource qu’ils en produisent d’autres sujettes à discussion ; en ce point aussi ridicules que le serait un historien, lequel, ayant à s’étendre sur de belles actions connues d’un chacun, s’amuserait à en dresser des romans et discours fabuleux. Il y a suffisamment dans l’antimoine et les divers remèdes qu’il nous fournit de quoi satisfaire au juste désir de ceux qui prennent à tâche de le combler de gloire, pour les rares qualités qu’il possède par préciput {a} sur la plupart des autres, sans en mendier ailleurs. »


  1. Préciput : « avantage qui appartient à quelqu’un dans une chose à partager, […] la même chose que le droit d’aînesse » (Furetière).

Eusèbe Renaudot n’était donc pas un adulateur aveugle et inconditionnel de l’antimoine ; il pesait les arguments avec un discernement qu’on eût aussi aimé trouver dans l’avis de Guy Patin, son intime ennemi. De fait, pour son époque, l’antimoine était certainement un médicament utile, sinon toujours efficace, pour évacuer les mauvaises humeurs qu’on croyait responsables de maladies. Il remplissait, au fond, le même office que les purgatifs végétaux, mais en étant plus énergique qu’eux et, partant, plus toxique. Quand un malade meurt, on peut souvent en accuser autant la maladie que les remèdes ; mais sans maladie, pas de remèdes, etc.

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : ii, note 10.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8155&cln=10

(Consulté le 29/03/2024)

Licence Creative Commons