Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 7 manuscrit, note 10.
Note [10]

Le Borboniana puise quatre autres passages dans « La mort de Peregrinus » (v. supra note [9]). Ils correspondent aux pages 762‑763 et 766 de l’édition latine (Jean Benoit, Saumur, 1619), aux § 11‑13 et 16 de la traduction établie par Eugène Talbot (Paris, 1912) et, pour mémoire, aux pages 418‑420 de Nicolas Perrot d’Ablancourt (tome 2, Paris, 1654).

Voici les deux premiers paragraphes en entier et le début du troisième, dans la traduction de Talbot (tome 2, pages 386‑387), avec mise en italique des fragments cités en latin par le Borboniana :

« § 11. Ce fut vers cette époque qu’il se fit instruire dans l’admirable religion des chrétiens, en s’affiliant en Palestine avec quelques-uns de leurs prêtres et de leurs scribes. Que vous dirai-je ? Cet homme leur fit bientôt voir qu’ils n’étaient que des enfants ; tour à tour prophète, thiasarque, {a} chef d’assemblée, il fut à lui tout seul, interprétant leurs livres, les expliquant, en composant de son propre fonds. Aussi nombre de gens le regardèrent-ils comme un dieu, un législateur, un pontife, égal à celui qui est honoré en Palestine, où il fut mis en croix pour avoir introduit ce nouveau culte parmi les hommes. {b}

§ 12. Protée ayant donc été arrêté par ce motif, fut jeté en prison ; mais cette persécution lui procura pour le reste de sa vie une grande autorité et lui valut le bruit d’opérer des miracles et d’aimer la gloire, opinion qui flattait sa vanité. Du moment qu’il fut dans les fers, les chrétiens, se regardant comme frappés en lui, mirent tout en œuvre pour l’enlever ; mais ne pouvant y parvenir, ils lui rendirent au moins toutes sortes d’offices avec un zèle et un empressement infatigables. Dès le matin, on voyait rangée autour de la prison une foule de vieilles femmes, de veuves et d’orphelins. Les principaux chefs passaient la nuit auprès de lui, après avoir corrompu les geôliers : ils se faisaient apporter toutes sortes de mets, lisaient leurs livres saints ; et le vertueux Peregrinus (il se nommait encore ainsi) était appelé par eux le nouveau Socrate.

§ 13. Ce n’est pas tout, plusieurs villes d’Asie {c} lui envoyèrent des députés au nom des chrétiens pour lui servir d’appuis, d’avocats et de consolateurs. On ne saurait croire leur empressement en de pareilles occurrences : pour tout dire en un mot, rien ne leur coûte. Aussi Peregrinus, sous le prétexte de sa prison, vit-il arriver de bonnes sommes d’argent et se fit-il un gros revenu. Ces malheureux se figurent qu’ils sont immortels et vivront éternellement : en conséquence, ils méprisent les supplices et se livrent volontairement à la mort. Leur premier législateur leur a encore persuadé qu’ils sont tous frères. Dès qu’ils ont une fois changé de culte, ils renoncent aux dieux des Grecs et adorent le sophiste crucifié {d} dont ils suivent les lois. Ils méprisent également tous les biens et les mettent en commun, sur la foi complète qu’ils ont en ses paroles. En sorte que s’il vient à se présenter parmi eux un imposteur, un fourbe adroit, il n’a pas de peine à s’enrichir fort vite, en riant sous cape de leur simplicité.

§ 16. Peregrinus reprend donc sa vie errante, accompagné dans ses courses vagabondes par une troupe de chrétiens qui lui servent de satellites et subviennent abondamment à ses besoins. » {e}


  1. hellénisme : θιασαρχης (thiasarquês), chef de confrérie rituelle (θιασοςthiasos).

  2. « Ce passage est fort controversé. Je me suis guidé d’après les meilleurs critiques » (note de Talbot).

  3. Asie Mineure, Proche-Orient.

  4. Traduction atténuée de ανεσκολοπισμενον εκεινον σοφιστη [aneskolopismenon ekeinon sophistên, « ce sophiste empalé »], où sophistên signifie « charlatan » : crucifixum illum præceptorem [ce précepteur crucifié] dans Benoit, « le Crucifié » dans Perrot d’Ablancourt.

  5. Début du § 16 de « La mort de Peregrinus » : v. supra notule {c}, note [9].

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 7 manuscrit, note 10.

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(Consulté le 29/03/2024)

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