À Claude II Belin, le 20 mai 1632, note 11.
Note [11]

Le premier traducteur d’Avicenne (v. note [7], lettre 6) en latin, au xiie s., a été l’Italien Gérard de Crémone, qu’on a longtemps cru espagnol (par confusion entre Cremona en Lombardie, et Carmona en Andalousie).

La première édition de « l’Avicenne des Junte » {a} est intitulée :

Avicennæ Liber Canonis, de Medicinis cordialibus, et Cantica, iam olim quidem a Gerardo Carmonensi ex arabico sermone in latinum conversa, postea vero ab Andrea Alpago Bellunensi, philosopho et medico egregio, infinitis pene correctionibus ad veterum exemplarium arabicorum fidem in margine factis, locupletissimoque nominum arabicorum ab ipso interpretatorum, indice decorata, Nunc autem demum a Benedicto Rinio Veneto, philosopho et medico eminentissimo, eruditissimis accuratissimisque lucubrationibus illustrata. Qui et castigationes ab Alpago factas suis quasque locis aptissime inseruit : Et quamplurimas alias depravatas lectiones in margine ingeniosissime emendavit : Et locos, in quibus auctor ipse vel eandem sententiam, eandemve medicamenti unius compositionem iterat, vel oppositas inter se sententias ponit, vel aliquid denique ab Hippocrate, Aristotele, Dioscoride, Galeno, Paulo, Aetio, Alexandro, Serapione, Rasi, Halyabate, Alsarabio mutuatur, diligentissime indicavit : Plurimis etiam Arabicis vocibus nunquam antea expositis, latinum nomen invenit : Indicemque latinum medicamentorum simplicium in secundum librum composuit. His accesserunt Avicennæ libellus De removendis nocumentis, quæ accidunt in regimine sanitatis : Eiusdem Tractatus De Syrupo acetoso. Ab eodem Alpago ex arabico in latinum sermonem translati.

[Le livre du Canon d’Avicenne, son traité des Remèdes cordiaux et ses Cantiques. Certes jadis déjà traduits de l’arabe en latin par Gérard de Crémone ; depuis enrichis par Andrea Alpago natif de Belluno, {b} remarquable philosophe et médecin, d’un nombre presque infini de corrections, établies sur la foi des anciens manuscrits arabes et portées dans la marge, et d’un très copieux index des mots arabes qu’il a lui-même interprétés ; mais les voici maintenant éclairés par les commentaires très savants et soigneux de Benedictus Rinius, {c} très éminent philosophe et médecin de Venise. Outre qu’il a très opportunément inséré en leur lieu toutes les corrections faites par Alpago, {b} il a : très ingénieusement amendé dans la marge quantité d’autres passages corrompus ; très soigneusement indiqué les endroits où l’auteur répète soit la même sentence, soit la composition d’un seul et même médicament, où il exprime des avis qui se contredisent entre eux, où enfin, il emprunte à Hippocrate, Aristote, Dioscoride, Galien, Paul d’Égine, Aétius, Alexandre de Tralles, Sérapion, Rhazès, Haly Abbas, Abulcasis ; {d} trouvé même un nom latin à de nombreux mots arabes qui n’ont jamais été expliqués auparavant ; établi, dans le second livre, un index latin des médicaments simples. À cela s’ajoutent le petit livre d’Avicenne sur la suppression de ce qui nuit dans le régime de santé, et son traité sur le sirop vinaigré, traduits d’arabe en latin par ledit Alpagus]. {e}


  1. Les Junte (Giunta ou Giunti en italien, Zunti en vénitien), sont une célèbre famille d’imprimeurs originaires de Florence, fondée par Filippo Giunta en 1497 (mort en 1517). Leur activité a été florissante à Venise et à Florence pendant tout le xvie s., puis s’est éteinte dans les années 1670. V. note [1], lettre 716, pour leurs neuf éditions latines des œuvres complètes de Galien (1541-1609).

  2. Médecin arabisant italien mort en 1521.

  3. Benedetto Rinio (1485-1565).

  4. Tous ces auteurs auxquels Avicenne a emprunté sont recensés dans l’index de notre édition.

  5. Venise, Junte, 1555, in‑8o de 1 180 pages, plusieurs fois réimprimé.

Témoin du succès rencontré, une autre édition complète a paru neuf ans plus tard :

Avicennæ Principis, et Philosophi sapientissimi Libri in re medica omnes, qui hactenus ad nos pervenere. Id est Libri Canonis quinque. De viribus Cordis. De removendis nocumentis in regimine sanitatis. De sirupo acetoso. Et Cantica. Omnia novissime post aliorum omnium operam a Ioanne Paolo Mongio Hydruntino, et Ioanne Costæo Laudensis recognita. Accessere autem in hac editione præter magnam in emendando contextu diligentiam, et lectionum ex vetustissimis codicibus animadversam varietatem, præter Arabicarum vocum interpretationem passim ex optimis authoribus adhibitam, Annotationes Eorundem Costæi et Mongii in libros Canonis, quibus consensus et dissensus principum tum philosophorum tum medicorum inter se, brevissime quantum fieri potest, suo loco explicantur. Adiecti etiam postremo loco sunt Indices quatuor : Duo quidem veluti Arabicæ linguæ promptuaria ; antiquum unum a Gerardo Cremonensis, ut videtur : alterum vero postea a Bellunensi editum : Duo autem præterea, quibus res omnes in his libris, et in contextu, et in annotationibus memorabiles, copiose, multa fide, atque ordine colliguntur. Ut nihil tandem in postrema hac editione sit prætermissum, quod studiosos medicinæ profuturum, sit animadversum.

Tous les livres d’Avicenne, premier et très sage philosophe, sur la médecine qui nous sont parvenus jusqu’à ce jour : les cinq livres du Canon ; sur les Pouvoirs du cœur ; sur la suppression de ce qui nuit dans le régime de santé ; sur le sirop vinaigré ; le Cantique. Le tout a été tout nouvellement revu, après le travail des autres, par Ioannes Paolus Mongius, natif d’Otrante, et Ioannes Costæus, natif de Lodi. {a} Outre un grand soin à corriger le texte et à réviser ses enseignements d’après les plus vieux manuscrits, et outre l’interprétation en maints endroits des mots arabes procurée par les meilleurs auteurs, ont été ajoutées les annotations des dits Costæus et Mongius sur les livres du Canon, expliquant, aussi brièvement qu’il a été possible possible et en leurs lieux respectifs, les accords et désaccords que les plus éminents philosophes et médecins ont eus entre eux. À la fin, ont aussi été ajoutés quatre index. Les deux premiers sont comme des magasins de la langue arabe : le premier est ancien, établi, semble-t-il, par Gérard de Crémone ; le second l’a été plus tard par le natif de Belluno. {b} Les deux autres colligent copieusement, très fidèlement et en bon ordre, tout ce qui est digne de remarque dans les texte comme dans les annotations de cet ouvrage. En sorte que, dans cette dernière édition, il n’y ait rien d’omis, ni que ceux qui étudieront la médecine aient à reprocher]. {c}


  1. Les médecins italiens Giovanni Paolo Mongio et Giovanni Costeo ont œuvré au xvie s.

  2. Andrea Alpago, v. supra première notule {b}.

  3. Venise, Vincentius Valgrisius, 1564, in‑fo de 966 pages, contenant les trois premiers livres du Canon ; suivi par un Tomus secundus (ibid. et id. 1564, in‑fo de 429 pages, pour les deux derniers livres du Canon et ses index, suivis des autres petits traités en paginations séparées.

Une nouvelle édition latine partielle du Canon par Vopiscus Fortunatus Plempius allait paraître 14 ans plus tard (Louvain, 1658, v. note [39], lettre 469).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 20 mai 1632, note 11.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0011&cln=11

(Consulté le 28/03/2024)

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