À Charles Spon, le 6 mars 1654, note 11.
Note [11]

François Blondel (mort en 1682) avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1632 et en fut élu doyen de 1658 à 1660. D’un tempérament fougueux et quérulent, Blondel a été à Paris l’ennemi le plus obstiné et le plus virulent des antimoniaux, par sa plume (v. ci-dessous) et par ses procès contre la Faculté après la fin de son décanat (évoqués dans la suite de la correspondance). Cet acharnement, en comparaison duquel celui de Guy Patin semble fort pâlot, est même à considérer comme maladif car il a défié toutes les règles du bon sens, et a mené son auteur au ridicule et à l’exclusion. Ennemi implacable de la secte chimique qui commençait à s’élever sur les ruines du galénisme, Blondel s’est prononcé avec une sorte de fureur contre l’introduction de l’antimoine en médecine. Outre ses libelles polémiques et ses thèses, Blondel a édité en 1679, avec Jacques Lemoine, les trois derniers tomes (ix‑xi) des Magni Hippocratis Coi et Claudii Galeni Pergameni universa quæ extant opera [Œuvres complètes du grand Hippocrate de Cos et de Claude Galien de Pergame] de René Chartier (aux frais de Charles du Gard, son gendre).

Blondel était très féru de botanique antique et cultivait un jardin près de la porte Saint-Denis pour y faire des démonstrations aux étudiants (v. note [7] des Actes de 1651‑1652 dans les Commentaires de la Faculté de médecine, avec un portrait peu flatteur du personnage dressé en 1676 par l’un de ses anciens étudiants, Guillaume Lamy).

La Pithœgia fut la cause d’une floraison de libelles latins pour et contre l’antimoine parus durant le dernier trimestre de 1654 et le premier de 1655, dont les deux principaux champions ont été Jacques Thévart (v. note [23], lettre 146) et François Blondel. En voici treize (principalement trouvées dans un recueil de la BnF, cote 4‑YC‑27) que j’ai recensées sans prétention à l’exhaustivité :

  1. Prolusiones apologeticæ approbatorum stibii, adversus authorem libelli infandi, qui inscribitur Pithœgia,

    [Préludes pour la défense des approbateurs de l’antimoine, contre l’auteur du libelle abominable qui s’intitule Pithœgia] ; {a}

  2. Elenchus errorum insigniorum quos admisere miselli et sine nomine poetæ, qui famoso illo carmine luserunt, cui titulus, Prolusiones apologeticæ approbatorum stibii. Reliquos qui utramque Paginam implere possent, eruditus lector, si talem nauteam ferre valeat, facile notaverit. Φιλομουσος Eleutheropolita Tertianus Recensuit. Barbarismi et Ακυρωσ dicta,

    [Appendice des erreurs remarquables qu’ont admises des poètes misérables et anonymes qui se sont amusés à composer ce fameux poème intitulé Préludes apologétiques des approbateurs de l’antimoine. S’il a la force de supporter un tel purin, un lecteur instruit aura remarqué le reste, qui pourrait remplir ces deux pages. Tertianus Philomousos Éleuthéropolite {b} les a recensées. Barbarismes {c} et solécismes] ; {d}

  3. Apologia approbatorum stibii seu Carmen Elegiacum. Α′μοιβαμον. In quo Veterum et Recentium Medicorum Authoritatibus, Ratione et Experientia probatur Stibium non esse venenum. Authore M. Iacobo Thevart, Doctore Medico Parisiensis, et R.M.,

    [Apologie des approbateurs de l’antimoine, ou chant élégiaque {e} en forme de dialogue. Où l’autorité des médecins anciens et modernes, la raison et l’expérience démontrent que l’antimoine n’est pas un poison. Par M. Jacques Thévart, docteur en médecine de Paris et médecin du roi] ; {f}

  4. Stimmi-machismi Prorrheticum (Id est, Pugnæ Antimonialis Prædictio),

    [Prorrhétique {g} du combattant antimonial (c’est-à-dire la Prédiction du combat antimonial] ; {h}

  5. Iacobo Thevarto Ex Medico Stibicidæ. Αντιδωρον,

    [Antidore. {i} À Jacques Thévart, stibicide, ci-devant médecin] {j} ;

  6. Obtrectatori anonymo falso titulo Orthodoxo, Αντιδωρον Αντιδωρον,

    [Au détracteur caché sous le faux nom d’Orthodoxe, antidote de l’antidore] ; {k}


    1. Paris, Jean Hénault, 1654, in‑4o de 62 pages.

    2. Tertianus l’Amoureux des Muses, qui habite la ville de la Liberté.

    3. V. note [7], lettre latine 112.

    4. Cette première critique page à page est suivie de sept autres intitulées Solœcismorum fœditas, Prosodiæ peccata, Furtiva suis reddenda authoribus, Barbarismi, Ruditas, Prosodiæ vitia, et Plagia [Horreur des solécismes, Erreurs de prosodie, Vols qu’il faut rendre à leurs auteurs, Barbarismes, Impérities, Vices de prosodie, et Plagiats].

      Le tout ne porte aucune indication de lieu ni de date.

    5. Une annotation explique le mot grec Amoïbamon du titre, Id est mutuum carmen et reciprocum, quod est veluti Factum litis et controversiæ inter Medicos de Stibio seu Antimonio [c’est-à-dire chant mutuel et réciproque, qui est comme un factum de la querelle et de la controverse entre les médecins au sujet du stibium ou antimoine].

    6. Paris, Jacques Langlois, 1655, in‑8o de 21 pages. Le titre est suivi d’une citation de Galien (Commentaire sur le 6e livre des Épidémies d’Hippocrate) qui privilégie l’expérience sur la théorie, que chacun peut concevoir à sa guise.

    7. Autre titre des deux Pronostics du corpus hippocratique.

    8. Sans lieu, ni nom, ni date : pièce de dix vers de Jacques Thévart où la querelle de l’antimoine est comparée à celle de la grâce, opposant jésuites et jansénistes ; le pape a invité ces derniers au calme en disant Pax vobis [Paix à vous], mais nul n’est malheureusement en mesure d’apaiser la querelle médicale par de telles paroles.

    9. Dans la liturgie grecque orthodoxe, l’antidore (au lieu du don) est un pain qu’on bénit et qu’on distribue au lieu de l’Eucharistie (le don par excellence) à ceux qui n’ont pas pu communier pour quelque raison particulière.

    10. Sans lieu, ni nom, 1655 ;  ; cet Antidôron est une pièce de 18 vers qui réplique à la comparaison de Thévart en assimilant Jansenius au stibicide (tueur par l’antimoine), que voici traduite du latin :

      « L’un fauche l’espérance de la vie éternelle, l’autre se présente en ennemi de la vie fragile, qu’il tranche en moins d’un jour. L’Église vengeresse condamne les erreurs de l’un, et l’École, les poisons que l’autre mêle au vin. Tu mens donc, le pape n’a pas parlé ainsi et nulle paix ne doit être concédée au troupeau hérétique. »

      la pièce est signée et datée, Orthodoxus canebat, idib. Ianuar. 1655 [L’Orthodoxe (François Blondel) écrivait ces vers le 13 janvier 1655].

    11. Pièce de 40 vers signée et datée : I. Thevart, D. Med. Parisiensis et R.M. Orthodoxus canebat prid. Cal. Februar. 1655 [Jacques Thévart, docteur en médecine de Paris et médecin du roi Orthodoxe, écrivait ces vers le 31 janvier 1655]. Elle poursuit l’analogie janséniste (« Peu m’importe que Jansenius soit hérétique ») et se termine sur ces mots (dans ma traduction) : « Que je sois donc stibicide, les métaux n’ont pas de vie ; mais toi, tu restes homicide de réputation, dénué de jugement et de savoir. »

  7. In Thevartii et Stimmiatrorum Pax vobis,

    [Contre le Pax vobis des stimmiatres {a} et de Thévart] {b} ;

  8. Ad Poetam anonymum aniatrum fictum stibii osorem Παραινεσις,

    [Conseil au poète anonyme, faussement aniatre (ignorant en médecine), qui hait l’antimoine] ; {c}

  9. Iacobo Thevarto ex-medico Parisiensi heterodoxo Epigramma,

    [Épigramme à Jacques Thévart, ci-devant médecin hétérodoxe de Paris] ; {d}

  10. Alethophanis archiatri ad Iacobum Thevartum exmedicum Parisianum et R.M. hoc est reum manifestarium violati sacramenti nec non corruptæ artis, epistola. cui accessit stibii Pithœgia, et pro auctario, Pithœgia vindicata,

    [Lettre de l’archiatre Aléthophane {e} contre Jacques Thévart, ci-devant médecin de Paris et médecin du roi, c’est-à-dire accusé avéré de sacrement violé et aussi d’art corrompu ; à laquelle est ajoutée la Pithœgie de l’antimoine, et en surplus, la Pithœgie vengée] ; {f}

  11. In Iacobi Thevart, medici exorthodoxi et parum nasuti versificatoris, Παραινεσιν carmen,

    [Poème contre la Parénèse {g} de Jacques Thévart, versificateur au nez court {h} et médecin ci-devant orthodoxe] ; {i}

  12. Ad Iacobum Thevart, pacis et veritatis impugnatorem, Doct. Med. Par. et Med. Regii orthodoxi nomine superbientem, Αποσφαιρισις seu pilæ repulsio iisdem versibus leviter immutatis,

    [Renvoi de la balle {j} par les mêmes vers légèrement modifiés, contre Jacques Thévart qui attaque la paix et la vérité, docteur en médecine de Paris et médecin du roi, qui se targue du nom d’orthodoxe] ; {k}

  13. Ad Iacobum Thevartum, qui quarto a festo Paschatis, die, id est, kalendis aprilis, rediit ad Versus Maledicos componendos, epigramma pro επιμετρω.

    [Une épigramme de plus contre Jacques Thévart qui, le quatrième jour après Pâques, c’est-à-dire le 1er avril, a de nouveau composé des vers médisants]. {l}


    1. Médecins antimoniaux.

    2. Pièce de quatre vers latins (que j’ai traduite en français) :

      « Pax vobis, vos poèmes ne chantent que cela, et tu penses qu’il n’y a personne qui soit capable dire à quel point c’est faux. Crois-moi, aux malades que l’antimoine a tués, c’est votre affaire de dire Pax vobis quand on les enterre. »

      Elle est suivie de cette apostille : Hi versus, ut et alii famosi libelli noctu, et λαθραιως evulgati fuere [Ces vers, tout comme d’autres fameux, ont été divulgués nuitamment et secrètement].

    3. Pièce de 20 vers appelant, au nom de la charité chrétienne et du bon sens, à une paix entre les partis antimoniaux ; signée I. Thevart, Doctor Medicus Parisiensis et R.M. Orthodoxus [Jacques Thévart, docteur en médecine de Paris et médecin du roi, orthodoxe].

    4. Pièce de huit vers signée Verius Æquicola, Eleutheropolita Tertianus canebat Idib. Febr. 1655 [écrivait ces vers le 13 février 1655].

    5. François Blondel.

    6. Aleuthesis typis noleriis anno 1655, in‑4o de 34 pages.

    7. Discours moral.

    8. V. note [28], lettre 398.

    9. Sans lieu, ni nom, 1655, in‑4o de 4 pages, signé et daté : Philalethes F. Blondel, Alethophanis Tribulis canebat 3 non. april. 1655 [F. Blondel le philalèthe (ami de la vérité) chantait sur les chausse-trapes d’Aléthophane (Flambeau de la vérité) le 27 avril 1655].

    10. Expression donnée en grec (Aposphaïphisis) et en latin (pilæ repulsio).

    11. Sans lien ni nom, 1655, pièce de 20 vers signée Alethophanis consobrinus [Le cousin d’Aléthophane].

    12. Sans lieu ni nom, 1655 : pièce de dix vers signée Canebat Alethophanis consobrinus, ipsa, qua missa est pila, hora [Le cousin d’Aléthophane les composait à l’heure même où la balle a été envoyée].

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 6 mars 1654, note 11.

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(Consulté le 23/04/2024)

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