À André Falconet, le 19 septembre 1661, note 11.
Note [11]

Pierre Poncet (déformé en Paget dans les précédentes éditions), seigneur de La Rivière, etc., maître des requêtes en 1642, était en 1661 commissaire de la Chambre de justice et conseiller d’État ; il mourut en 1681, âgé de 91 ans (Popoff, no 2012). En son château de Vaux, les 17 et 18 août, le prodigue surintendant des finances avait reçu Louis xiv et sa cour dans un faste à peine croyable. Mémorialistes, historiens et romanciers ont abondamment écrit sur cette somptueuse fête qui causa la perte de Nicolas Fouquet : « vertigineux divertissement d’un mégalomane aveugle qui croyait plaire, étalage de luxe inouï qui ne pouvait qu’exaspérer le roi, humilié par l’éclatante et folle vanité de l’un de ses sujets, alors que, comme dira Colbert, les maisons royales étaient vides et qu’il ne s’y trouvait pas même une paire de chenets d’argent pour la chambre du monarque » (Petitfils c, page 358).

Les lendemains ne chantèrent pas (Choisy, Mémoires, livre iii, pages 136) :

« La cour était alors à Fontainebleau et Fouquet, quoique la fête eût fort bien réussi, commença à soupçonner qu’on le voulait perdre. Gourville, homme d’esprit et son ami particulier, lui en donnait tous les jours de nouveaux avis ; il lui dit que le roi, piqué de la magnificence de Vaux, qui effaçait de bien loin Fontainebleau et toutes les autres maisons royales, n’avait pas pu s’empêcher de dire à la reine mère : “ Ah ! Madame, est-ce que nous ne ferons pas rendre gorge à tous ces gens-là ? ” »

Le 28 août, Fouquet partait pour Nantes où les états de Bretagne allaient s’ouvrir. Le lendemain, le roi prenait le même chemin, à bride abattue, accompagné du prince de Condé, du maréchal de Turenne et de plusieurs gentilshommes, et suivi de plusieurs unités militaires. Tout le monde se retrouvait à Nantes le 1er septembre. Le 5, à l’issue du Conseil, où Fouquet et Louis xiv s’étaient vus pour la dernière fois de leur vie, tandis que Fouquet se rendait à la messe en chaise, D’Artagnan (v. note [2], lettre 715).

Ibid. (pages 153) :

« lui envoya dire par Maupertuis qu’il eût bien voulu lui dire une parole. Le surintendant sortit aussitôt de sa chaise et Artagnan sans perdre de temps, lui dit : “ Monsieur, je vous arrête par ordre du roi. ” Il ne parut point étonné et lui dit seulement : ” Mais M. D’Artagnan, est-ce bien moi que vous voulez ? Oui, Monsieur ”, reprit Artagnan ; et sans plus de discours le fit monter dans un carrosse entouré de cent mousquetaires qui le conduisirent sur-le-champ au château d’Angers. »

V. note [10], lettre 706, pour un aperçu des causes diverses de la chute de Fouquet. Un tel renversement de fortune fut un coup de tonnerre pour le public (Loret, Muse historique, livre xii, lettre xxxvi, du samedi 10 septembre 1661, page 401, vers 125‑160) :

« Notre roi qui, par politique,
Se transporta vers l’Armorique,
Pour raisons qu’on ne savait pas,
S’en revient, dit-on, à grands pas.

Je n’ai su par aucun message
Les circonstances du voyage ;
Mais j’ai du bruit commun appris,
C’est-à-dire de tout Paris,
Que, par une expresse ordonnance,
Le sieur surintendant de France,
Je ne sais pourquoi, ni comment,
Est arrêté présentement
(Nouvelle des plus surprenantes)
Dans la ville et château de Nantes.

Certes, j’ai toujours respecté
Les ordres de Sa Majesté,
Et cru que ce monarque auguste
Ne commandait rien que de juste ;
Mais étant remémoratif
Que cet infortuné captif
M’a toujours semblé bon et sage,
Et que d’un obligeant langage
Il m’a quelquefois honoré,
J’avoue en avoir soupiré,
Ne pouvant, sans trop me contraindre,
Empêcher mon cœur de le plaindre.
Si, sans préjudice du roi
(Et je le dis de bonne foi),
Je pouvais lui rendre service,
Et rendre son sort plus propice,
En adoucissant sa rigueur,
Je le ferais de tout mon cœur ;
Mais ce mien désir est frivole,
Et prier Dieu qu’il le console
En l’état qu’il est aujourd’hui,
C’est tout ce que je puis pour lui. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 19 septembre 1661, note 11.

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(Consulté le 25/04/2024)

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