À André Falconet, le 17 septembre 1670, note 11.
Note [11]

Jules de Mascaron (Aix 1634-Agen 1703), fils d’un avocat au parlement de Provence, était venu à Paris pour entrer dans la congrégation de l’Oratoire. Son premier succès éclatant avait été l’oraison funèbre de la reine mère Anne d’Autriche (1666) : {a}

« Grande reine, il ne manque rien à votre force que celle dont votre sexe vous a dispensée. Vous n’avez pu affronter la mort dans les combats. Mais cette mort vous vient chercher dans le lit pour devenir le sujet de vos victoires. Cette grande reine se voit frappée d’une maladie mortelle ; on lui promet bien qu’on lui apportera quelque soulagement, mais on ne lui promet pas d’en guérir. Faux gladiateurs, qui cherchez la mort dans les duels : véritables braves qui la cherchez dans les combats pour la gloire de votre prince ; quel serait votre sentiment, si on vous faisait de semblables propositions. Car enfin après cette nouvelle, il ne serait pas question d’une bravoure, d’un sang échauffé et d’une bile allumée ; il faut une âme dans un sang froid, qui envisage la mort avec un œil intrépide, qui l’affronte avec courage, dans l’assurance qu’elle a de ne la pouvoir éviter. Je vous demande, y a-t-il force et courage pareil, et n’est-ce pas d’elle que je dois dire véritablement, Ridebit in die novissimo ? {b} Elle dit avec une plus grande constance que cet Ancien Vivens vivensque pereo, {c} je meurs tout en vie, et je péris devant mes propres yeux ; et de peur qu’une constance aussi forte que la sienne n’altérât la modestie de son âme, elle se jeta aux pieds d’un crucifix dans un état de pécheresse. »


  1. Recueil des Oraisons funèbres prononcées par Messire Jules Mascaron, évêque et comte d’Agen, prédicateur ordinaire du roi (Paris, Georges Du Puis, 1704, in‑12 de 412 pages), iii e partie, pages 47‑49 ; ma transcription respecte la ponctuation qui donne une idée de la déclamation.

  2. « Elle rit au jour nouveau » : elle envisage l’avenir avec confiance (Proverbes, 31:25).

  3. « Tout vivant et bien vivant que je suis, je cours à ma perte » : réponse de Phédria à son esclave Parménon qui le conjure de ne pas retomber sous les charmes de Thaïs, son amante, dans L’Eunuque de Térence (acte i, scène 1, vers 73).

Ce discours valut à Mascaron d’être présenté à Louis xiv, devant qui, entouré de ses favorites, il avait prêché le carême de 1669. Il reçut l’évêché de Tulle en 1671 (G.D.U. xixe s.).

V. note [3], lettre 567, pour Louis de Bassompierre, évêque de Saintes. La charge de précepteur du dauphin échut à Jacques-Bénigne Bossuet (v. note [4], lettre 972).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 17 septembre 1670, note 11.

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(Consulté le 20/04/2024)

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