À Claude II Belin, le 18 juillet 1642, note 12.
Note [12]

C’était le dénouement de la conspiration de Cinq-Mars : trois protagonistes, dont le principal auteur, venaient d’être arrêtés à Tarascon avant d’être menés à Lyon pour être jugés.

Henri Coiffier-Ruzé, marquis de Cinq-Mars (Cinq-Mars, Touraine 1620-Lyon 1642), fils du maréchal d’Effiat (v. note [13], lettre 12), était accusé de haute trahison. À l’âge de 18 ans, Richelieu l’avait placé auprès de Louis xiii, autant pour amuser les loisirs du roi que pour le surveiller. Devenu favori du souverain, Cinq-Mars avait cherché à se libérer de l’emprise du cardinal. Il avait été successivement nommé capitaine aux gardes, maître de la garde-robe et grand écuyer de France (v. note [29] des Deux Vies latines de Jean Héroard, d’où vint qu’on ne le désignait plus à la cour que sous le nom de Monsieur le Grand). Assuré de son ascendant, il avait sollicité le titre de duc et pair, une place au Conseil et l’autorisation d’épouser Marie de Gonzague, princesse de Mantoue, dont il était aimé. Richelieu, qui voulait un instrument et non point un rival, avait fait échouer tous ses projets et lui avait durement reproché sa présomption et son ingratitude. Blessé dans son orgueil, Cinq-Mars ne s’était plus dès lors occupé que des moyens de renverser son ancien protecteur. Il s’était attaché à irriter de plus en plus le roi contre son principal ministre et avait enfin formé une conjuration dont les principaux complices étaient Gaston d’Orléans, frère du roi, et le duc de Bouillon (v. note [8], lettre 66). Ils avaient signé un traité secret avec l’Espagne, dont Richelieu avait obtenu une copie par le nonce de Madrid. Cinq-Mars fut arrêté à Narbonne, ainsi que son ami de Thou. Richelieu, qui était à Tarascon, remonta le Rhône en traînant ses deux victimes dans une barque remorquée par la sienne, et les livra à Lyon à une commission de juges à sa dévotion, parmi lesquels figuraient Laubardemont et le conseiller Pierre iv Séguier. Le lâche Gaston, qui s’était hâté de brûler l’original du traité, avoua tout pour obtenir son pardon du roi, chargea ses amis et certifia véritable la copie de Richelieu. Cinq-Mars et de Thou furent condamnés à mort et décapités à Lyon le 12 septembre 1642 (v. note [6], lettre 75, pour un récit de cette exécution) (G.D.U. xixe s.).

François-Auguste de Thou (Paris vers 1607-Lyon 1642) avait succédé en 1617 à son père, Jacques-Auguste i (v. note [4], lettre 13), dans la charge de maître de la librairie du roi ; trop jeune pour la remplir, il avait obtenu de se faire suppléer par son cousin, Pierre Dupuy (v. note [5], lettre 181). Après avoir reçu une solide instruction dirigée par Pierre et son frère Jacques, il avait été nommé conseiller au Parlement (1624), puis maître des requêtes (1631). Désireux de compléter son instruction par des voyages, Jacques-Auguste avait visité la plus grande partie de l’Europe, puis était revenu à Paris, où il reçut le titre de conseiller d’État. Lorsque la duchesse de Chevreuse (v. note [37], lettre 86), avec qui il était lié, dut quitter la France, il devint l’intermédiaire de la correspondance secrète qu’elle eut avec la reine Anne d’Autriche. Richelieu, ayant été informé de ces courriers, qui visaient à le renverser du pouvoir, donna l’ordre d’arrêter de Thou. Il parvint à apaiser la colère du tout-puissant cardinal, mais en perdant à jamais sa confiance. Jacques-Auguste se lia alors intimement avec Cinq-Mars, et se trouva mêlé à la conspiration qui se tramait contre Richelieu. Il ne connut le traité négocié avec l’Espagne qu’après sa conclusion et le désapprouva fortement. Malgré ses justes proclamations d’innocence, il fut arrêté avec Cinq-Mars et soumis à la même sentence capitale, prononcée et exécutée le même jour (Popoff, no 155, et G.D.U. xixe s.). Lié à la famille de Thou, qu’il semblait avoir connue durant sa jeunesse étudiante, Guy Patin a honoré François-Auguste de son plus fidèle souvenir dans toute la suite de sa correspondance.

Plus obscur, François de Chavagnac sieur de Lugarde (mort en 1676), échappa au bourreau ; gentilhomme auvergnat protestant, il semble qu’il ait représenté la cause de la Religion réformée dans la conspiration de Cinq-Mars (Triaire).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 18 juillet 1642, note 12.

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(Consulté le 28/03/2024)

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