À Claude II Belin, le 27 novembre 1649, note 12.
Note [12]

Catherine-Henriette Bellier, dame de Beauvais (vers 1615-1690), dite la Catau, était fille de Michel Bellier, huissier du cabinet de la reine anobli en 1638 pour prendre les titres de sieur de Filandre et de Platbuisson. On la disait petite-fille d’un fripier ou d’un crocheteur aux Halles. Elle avait épousé en 1634 Pierre de Beauvais, qui devint lieutenant général de la prévôté de l’Hôtel en 1651. Première femme de chambre d’Anne d’Autriche, elle était exécrée de toute la cour où on la surnommait Catherine la borgnesse en raison de son œil de verre. La Catau aurait initié le jeune Louis xiv aux plaisirs de l’amour en 1654 (v. note [8], lettre 812). Ses intrigues lui permirent de marier sa fille, Anne-Jeanne-Baptiste, au marquis de Richelieu, Jean-Baptiste-Amador de Vignerot, neveu du cardinal-duc, mésalliance qui causa un grand esclandre (Adam).

Il s’agissait ici d’un autre scandale (Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles, tome i, pages 190‑191) :

« Le mercredi 24 novembre, les meubles de l’appartement de la dame de Beauvais, première femme de chambre de la reine, ont été enlevés du Palais-Royal et menés dans la maison qu’elle a à Gentilly, et où elle s’en alla dès le jour précédent avec toute sa famille, la reine lui ayant fait dire par Largentier, surnommé le Gras, secrétaire de la reine, qu’elle eût à se retirer sur le midi, comme Sa Majesté entrait en son carrosse pour aller ouïr la messe aux Filles-Sainte-Marie près de la Bastille. Elle avait encore ce matin été coiffée par ladite dame de Beauvais.

La plus véritable opinion est qu’elle a été chassée pour une lettre qui fut trouvée sur la toilette de la reine, pleine de transports et emportements d’amour, laquelle on dit être du marquis de Jarzé ; et que c’était la dame de Beauvais, bonne amie dudit marquis, qui l’y avait mise. Cette lettre était datée de Fresne-sur-Marne {a} où Jarzé fut le dernier mois avec M. du Plessis-Guénégaud.

Le vendredi, {b} la reine retournant à la galerie et chapelle du roi où elle avait ouï la messe, le marquis de Jarzé, peigné, poudré et vêtu à l’avantage, se trouve à son passage sur la terrasse qui fait clôture à la cour intérieure et regarde sur le jardin du Palais-Royal, où il marche devant la reine, se tourne vers elle à certaines distances et pauses, en l’attendant ; et entré dans le grand cabinet, se met en haie pour être vu de plus près d’elle à son passage ; puis entre avec Sa Majesté dans la chambre du lit et puis outre, dans la chambre du miroir où la reine se coiffe ordinairement ; et se présente devant Sa Majesté qui lui fait signe de s’approcher et marche deux pas, puis s’arrêtant lui dit out haut : “ C’est une plaisante chose que l’on dise par la ville que vous, Jarzé, soyez mon galant. Vous en êtes bien aise, je m’assure, et vous avez cette folie-là qui vous vient de votre grand-père ; {c} mais vous ne prenez pas garde que cela vous fait passer pour impertinent et ridicule. ” »


  1. En Seine-et-Marne.

  2. 26 novembre.

  3. Le grand-père de Jarzé, René du Plessis (mort en 1607), avait été un furieux ligueur qui, malgré sa religion, n’avait pas reculé à profaner des églises pendant les guerres.

Le Journal de la Fronde (volume i, fos 135 vo et 136 ro, 23 novembre) donne une interprétation moins galante :

« Le même jour Mme de Beauvais, première femme de la reine, reçut ordre de se retirer de la cour sur-le-champ. On parle diversement du sujet de sa disgrâce, mais la plupart assurent que c’est pour avoir dit à quelques personnes, qui l’ont rapporté, qu’il était bien étrange que la reine préférât la conservation de M. le cardinal à celle de l’État. On l’accuse d’avoir encore pratiqué d’autres intrigues secrètes avec le marquis de Jarzé qui est mécontent de Son Éminence. L’on dit qu’elle rendait de fort mauvais offices à Son Éminence auprès de la reine. L’on estime que la disgrâce de ce marquis aurait déjà suivi celle de Mme de Beauvais si on le pouvait obliger à sortir de Paris et si nous étions en un temps auquel on peut facilement exiler les grands. »

V. note [16], lettre 209, pour le récit de Mme de Motteville.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 27 novembre 1649, note 12.

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(Consulté le 29/03/2024)

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