À André Falconet, le 14 février 1662, note 12.
Note [12]

« de la maladie d’Antipater ».

L’observation de Galien se trouve à la fin du livre iv du traité Des Lieux affectés (Daremberg, tome ii, pages 623‑624) :

« Tout le monde connaît ce qui arriva à Antipater qui exerçait, non sans éclat, dans la ville de Rome. Âgé de moins de 60 ans et de plus de 50, il lui survint une fièvre éphémère, au déclin de laquelle il lui arriva de se tâter le pouls pour savoir ce qu’il avait à faire. Trouvant beaucoup d’irrégularité dans le mouvement des artères, il fut d’abord effrayé ; mais bientôt, sentant qu’il n’avait plus de fièvre, il se mit vite au bain, ayant le corps fatigué par les travaux et les insomnies, puis se soumit à un régime très léger jusqu’à la fin du troisième jour, en comptant du début de la fièvre. Alors la fièvre n’étant plus revenue, il reprit ses occupations de chaque jour comme auparavant ; mais en se touchant l’artère au carpe, {a} il s’étonna de cette irrégularité persistante du pouls. Me rencontrant un jour, il me tendit la main en riant et me pria de lui tâter le pouls ; et moi souriant : “ Quelle est l’énigme que tu me proposes ? ” lui dis-je ; et lui, riant encore, me supplia de lui tâter le pouls, non seulement dans l’ensemble des pulsations qu’on nomme systématique, mais encore dans une seule dilatation de l’artère. Surpris de le voir vivre encore avec un pouls semblable, je lui demandai s’il n’éprouvait pas de gêne dans la respiration. Il déclara n’éprouver aucune gêne sensible. J’observai si quelque changement survenait, lui touchant constamment l’artère du carpe pendant six mois. Comme il demandait au commencement de quelle diathèse {b} je le supposais atteint et de quelle façon elle pouvait amener un pouls semblable sans fièvre, je lui répondis que, dans mon traité Sur les Causes du pouls, j’avais indiqué une semblable irrégularité. Je crois en effet qu’elle résulte d’un rétrécissement des grandes artères du poumon. “ Mais, lui dis-je, le rétrécissement ne saurait devenir la cause de l’inflammation {c} du viscère qui existe chez toi, car tu aurais la fièvre. Il reste à supposer que l’obstruction causée par des humeurs liquides visqueuses et épaisses, ou la formation d’un tubercule cru, a produit chez toi semblable diathèse. — J’aurais donc, reprit-il, une orthopnée asthmatique. {d} — Ce que tu dis, répliquai-je, est vraisemblable, et néanmoins n’est pas exact, car une telle orthopnée résulte bien d’une telle cause, quand l’humeur visqueuse et épaisse s’amasse, non dans les artères lisses, mais dans les trachées. ” {e} Je lui prescrivis donc d’adopter un régime tout à fait semblable à celui des asthmatiques et d’employer des médicaments ayant la même propriété que ceux dont ils usent. Après un intervalle de six mois, comme je l’ai dit, il éprouva une dyspnée assez légère avec une courte palpitation de cœur, {f} d’abord une fois, puis trois, quatre, ou plus encore, la dyspnée ayant augmenté jusqu’au 15e jour environ. Alors soudain, la respiration devint très pénible ; il perdit ses forces et mourut promptement, comme d’autres individus atteints d’affections du cœur dont il sera parlé dans le livre suivant. » {g}


  1. Poignet.

  2. Disposition, v. note [4], lettre latine 17.

  3. V. note [6], lettre latine 412.

  4. V. note [35], lettre 216.

  5. Bronches.

  6. V. note [5] de l’observation viii.

  7. Admirablement décrite ici par Galien, la maladie d’Antipater s’interprète aujourd’hui sans discussion comme une arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire (ou atriale) : c’est une irrégularité profonde et permanente des contractions de l’oreillette (atrium) gauche (qui dirige les battements du cœur entier) ; non soignée, elle peut engendrer une défaillance cardiaque progressive.

    L’embolie cérébrale d’origine cardiaque en est l’autre redoutable complication : v. note [15], lettre 433, pour une observation d’apoplexie commentée par Guy Patin, où il a doublement insisté sur la présence d’une arythmie cardiaque.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 14 février 1662, note 12.

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(Consulté le 20/04/2024)

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