À Hugues II de Salins, le 12 juillet 1670, note 12.
Note [12]

« de maladie, et non de poison. Vale.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin.

Ce 12e de juillet 1670. »

Madame, Henriette-Anne, duchesse d’Orléans, {a} sœur du roi d’Angleterre Charles ii, était morte, âgée de 26 ans, dans la nuit du 29 au 30 juin, à l’issue d’une courte maladie. Parmi bien d’autres récits et sermons, dont le très célèbre « Madame se meurt, Madame est morte ! » de Jacques-Bénigne Bossuet, voici la lettre de sir Ralph Montaigu, {b} écrite au comte d’Arlington, secrétaire d’État du roi Charles ii, datée de « Paris, le 30 juin 1670 à quatre heures du matin » : {c}

« Milord,

Je suis bien fâché de me voir dans l’obligation, en vertu de mon emploi, de vous rendre compte de la plus triste aventure du monde. Madame, étant à Saint-Cloud, le 29e du courant, avec beaucoup de compagnie, demanda, sur les cinq heures du soir, un verre d’eau de chicorée qu’on lui avait ordonné de boire parce qu’elle s’était trouvée indisposée pendant deux ou trois jours après s’être baignée. Elle ne l’eut pas plus tôt bu qu’elle s’écria qu’elle était morte, et tombant entre les bras de Mme de Mecklembourg, {d} elle demanda un confesseur. Elle continua dans les plus grandes douleurs qu’on puisse s’imaginer jusqu’à trois heures du matin, qu’elle rendit l’esprit. Le roi, la reine et toute la cour restèrent auprès d’elle jusqu’à une heure avant sa mort. […] S’étant trouvée un peu soulagée de ses grandes douleurs que les médecins nomment colique bilieuse, elle me fit appeler pour m’ordonner de dire de sa part les choses du monde les plus tendres au roi et au duc d’York, ses frères. J’arrivai à Saint-Cloud une heure après qu’elle s’y fut trouvée mal et je restai jusqu’à sa mort auprès d’elle. Jamais personne n’a marqué plus de piété et de résolution que cette princesse, qui a conservé son bon sens jusqu’au dernier moment. Je me flatte que la douleur où je suis vous fera excuser les imperfections que vous trouverez dans cette relation. »


  1. V. note [8], lettre 635.

  2. Ambassadeur de Grande-Bretagne à Paris, v. note [48], lettre 958.

  3. Imprimée à la fin de l’Histoire de Madame, Henriette d’Angleterre, par Mme de La Fayette (édition de Jean-Joseph-François Poujoulat, Paris, 1837, page 208).

  4. Élisabeth-Angélique de Montmorency, ci-devant duchesse de Châtillon (v. note [74], lettre 166).

Étant donné la participation fort active de Madame aux tractations secrètes pour la conversion de Charles ii et pour son alliance offensive avec la France contre les Provinces-Unies, un tenace soupçon d’empoisonnement naquit aussitôt, mais le fait n’en fut jamais établi.

Mlle de Montpensier (Mémoires, seconde partie, chapitre xii, page 150) :

« Monsieur, qui sut les sots bruits que l’on faisait courir, et l’ambassadeur d’Angleterre, qui y était présent, opinèrent que l’on l’ouvrît avant les vingt-quatre heures, de peur que la malignité de l’humeur qui l’avait tuée n’eût gâté quelques parties qui autoriseraient la médisance cruelle que l’on voulait faire courir sur sa mort. Jugez la douleur qu’un tel bruit pouvait causer à Monsieur., {a} On < l’ouvrit > donc douze ou quatorze heures après, < devant > les médecins et chirurgiens du roi, de la reine, de Monsieur, d’elle, {b} l’ambassadeur d’Angleterre et, je crois, un médecin ou un chirurgien de sa part. On trouva qu’elle avait toutes les parties nobles les plus belles du monde, les poumons fort sains ; ce que l’on n’avait jamais cru, l’ayant toujours vue avec d’horribles rhumes. On ne trouva point de cause de sa mort qu’une bile échauffée qui lui avait causé ce mal dont elle était morte, qui s’était corrompue. Les médecins appellent cela un choléra morbus. {c} Voilà ce que les médecins de la cour rapportèrent ; on les questionna fort sur son corps qu’ils dirent être effroyable ; que rien au monde n’était si contrefait et si vilain. J’avoue que ce sujet me déplut et qu’il me sembla que l’on ne devait point dire comme les gens étaient faits. On savait qu’elle était bossue, c’était assez. »


  1. « Ce sont surtout les Mémoires de Saint-Simon qui ont accrédité ces bruits d’empoisonnement auprès de la postérité » (Chéruel).

  2. De la défunte Madame.

  3. V. note [24], lettre 222.

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome ii, page 594) :

« L’on parla aussitôt de poison par toutes les circonstances de la maladie, et par le mauvais ménage qui était entre Monsieur et Madame ; dont Monsieur était fort offensé, et avait raison. Le soir, le corps fut ouvert en présence de l’ambassadeur d’Angleterre et de plusieurs médecins qu’il avait choisis, quelques-uns anglais, avec les médecins du roi. Le rapport fut que la formation du corps de Madame était très mauvaise ; l’un de ses poumons attaché aux côtes est gâté et le foie tout desséché, sans sang, une quantité extraordinaire de bile répandue dans tout le corps, et l’estomac entier, d’où l’on conclut que ce n’était pas poison car l’estomac aurait été percé et gâté. »

Tout cela peut évoquer une péritonite aiguë par perforation d’un viscère creux : vésicule biliaire ou appendice, par exemple.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 12 juillet 1670, note 12.

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(Consulté le 25/04/2024)

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