Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑1 (1701), note 12.
Note [12]

Iac. Augusti Thuani Historiarum sui temporis partis tertiæ, tomus secundus [Troisième partie, tome deuxième des Histoires de son temps, de Jacques-Auguste i de Thou] (Paris, H. Drouart, 1609-1614, 4 parties en 11 volumes in‑12), livre xxxix, règne de Charles ix (année 1566, pages 294‑295) :

Initio statim Pontificatus magna severitatis exempla edidit, præcipue in caussa relligionis, conquisitis passim per Italiam criminis huius suspectis et Romam attractis. […] Postea et Aonius Paleatius, cuius eruditionem singularem scripta ipsius testantur, eadem pœna affectus est Romæ, cum convictus esset, dixisse, Inquisitionem esse sicam distractam in litteratos.

[Pie v donna dès le début de son pontificat {a} de grands exemples de sévérité, principalement en ce qui concernait la religion, faisant chercher dans toute l’Italie, avec beaucoup de soin, et amener à Rome tous ceux qui étaient soupçonnés du crime d’hérésie. […] Aonius Palearius, dont les écrits font voir la grande érudition, eut le même sort, pour avoir dit que l’Inquisition était un poignard levé sur tous les gens de lettres]. {b}


  1. Pie v avait été élu le 7 janvier 1566 (v. note [3], lettre 61).

  2. Traduit dans Thou fr (volume 5, pages 131‑132) ; j’ai mis en exergue la citation empruntée par le Patiniana.

Aonius Palearius est le nom latin d’Antonio della Pagliara, ou Della Paglia, né à Veroli, dans le Latium en 1503, et mort à Rome, en 1570 pour les biographes modernes, mais en 1566 pour de Thou, le Patiniana et Bayle. Philosophe, théologien et littérateur humaniste italien, il a professé les belles-lettres à Sienne, puis à Lucques, et a connu un mémorable destin : à l’occasion de diverses disputes, il adopta progressivement et défendit courageusement certaines idées luthériennes : contre la munificence du pape et des cardinaux, contre l’Inquisition, et pour le libre accès du peuple aux Saintes Écritures. Outre ses recueils de lettres et de discours, Il a dû son renom à deux ouvrages.

  • Aonii Palearii Verulani De Animorum immotalitate, libri iii.

    [Trois livres d’Aonius Palearius, natif de Veroli, sur l’Immortalité des âmes]. {a}

    C’est un long poème latin, théologico-philosophique, inspiré de Lucrèce, mais sans déclaration fracassante contre les dogmes chrétiens. Il se conclut sur cette profession :

    Quod bonum faustum felix
    fortunatumque sit
    quod sanctiss. viri christiani
    firmum esse duxerint
    id in nostris libellis
    firmum sanctumque
    esto
    quæ a patrib. scripta
    divinitus
    sacra solemnia perpetua
    manento
    .

    [Ce qui est bon, favorable, heureux et opulent, ce que les plus saints chrétiens ont ordonné comme étant solide, que cela soit solide et saint dans nos petits livres, que ce qu’ont divinement écrit les Pères demeure sacré, solennel, perpétuel].

  • Curieusement, le Patiniana n’a pas cité le livre posthume contenant les arguments qui ont entraîné la sentence capitale de l’Inquisition romaine contre leur auteur :

    Aonii Palearii Verulani, Iesu Christi martyris, Actio in Pontifices Romanos et eorum asseclas, ad Imp. Rom. Reges et Principes Christianæ Reipub. summos œcumenici concilii præsides conscripta, cum de Conc. Tridenti habendo deliberaretur. Nunc primum in lucem edita. In qua singulari methodo præcipuæ corruptelæ a Pontific. Romanis in Doctrinam Apostolicam invectæ, S.S. Scripturæ testimoniis sanctorumque Patrum autoritate dilucide deteguntur et solidissime refelluntur.

    [Plaidoyer d’Aonius Palearius, natif de Veroli, martyr de Jésus-Christ, contre les pontifes romains et leurs acolytes, écrit à l’intention de l’empereur romain germanique, des rois et des princes de la république et des éminents chefs du concile œcuménique, tandis qu’on décide de réunir le concile de Trente. Publié pour la première fois. Où à l’aide d’une méthode particulière, les témoignages de la Sainte Écriture, et l’autorité des saints et des Pères mettent clairement à nu et réfutent très fermement les principales offenses que les pontifes romains ont commises contre la doctrine apostolique]. {b}

    La préface anonyme De Argumento Operis huius, et aliis quæ ad hanc editionem spectant. Ad lectorem [Au lecteur, sur l’Argument de cet ouvrage et d’autres choses qui concernent cette édition] commence par expliquer l’origine et le dessein de l’ouvrage :

    Liber hic […] inventus est anno Domini m d xcvi, propria autoris manu eleganter scriptus ab eo compositus ante annos plus minus quinquaginta, quando de Concilio Tridentini habendo agebatur. Scripserat enim librum hunc bonus Palearius, vir immortali laude dignus, eum in finem, ut sedentibus in Synodo sive Concilio Generali et libero (quale nunquam futurum multis est persuasissimum) offerretur per Legatos Caroli Quinti Imperatoris et Principum Germaniæ ; deposito eo et amicis fidissimis commendato, ut suo postea tempore ad synodum mitteretur, si quid forte interea (quod præsagiebat et futurum prævidebat, ut ex scriptis in capite ultimo huius Actionis colligi potest) sibi accidisset ob liberam Evangelicæ veritatis confessionem apud eos, quos tantæ impietatis tanti sceleris tanti sacrilegij arguebat et damnabat.

    [Ce livre (…) a été trouvé en l’an 1596, élégamment écrit de la propre main de son auteur, qui l’avait rédigé environ cinquante ans plus tôt, quand il était question de réunir le concile de Trente : {c} Palearius, qui était homme honnête et digne d’immortelle gloire, l’avait composé afin que les légats de l’empereur Charles Quint {d} et des princes d’Allemagne le présentassent aux participants du synode ou concile général et libre (qualificatif dont la pertinence aura depuis entièrement échappé à bien des gens). L’ayant achevé, il l’avait confié à ses amis les plus sûrs afin qu’après sa mort ils l’envoyassent au synode, dans le cas où, entre-temps, quelque funeste destin eût pu lui advenir (comme il l’avait présagé et pressenti, ainsi qu’on le peut lire dans le dernier chapitre de son Plaidoyer) {e} en lien avec sa libre profession de la vérité évangélique à la face de ceux qu’il accusait et condamnait pour avoir commis tant d’impiétés, tant de crimes et tant de sacrilèges].


    1. Lyon, Seb. Gryphius, 1536, in‑8o de 87 pages.

    2. Sans lieu, Editione Voegeliniana, sans date, in‑8o de 272 pages.

    3. Concile réuni de 1545 à 1563 (v. note [4], lettre 430) pour contrer la réforme de Martin Luther (1517, v. note [15], lettre 97).

    4. Principal instigateur politique du concile de Trente, Charles Quint (mort en 1558) était le plus puissant souverain d’Europe au xvie s. (v. note [32], lettre 345).

    5. Fin du dernier chapitre (xx, page 271) :

      Hanc ob rem, si quid gravius in me acciderit, qui pro gloria Christi pro salute fratrum, periculoso consilio, at perquam pia mente, suscepi communem causam ; nunquam profecto pigebit, si defenso Evangelio filij Dei id sequi necesse est ; Accede lictor, Colliga manus, Caput obnubito : Ipsum me cruciatibus et Pontificum iræ offero ; Percute securi. Quæ est ista tanta crudelitas et sævitia, quam mors ipsa non exsatiet ? Saturari Pontifices nequeunt, nisi viscera nostra lanianda et in ignem coniicienda præbuerimus. Accede lictor. Id etiam feremus. Liceat mihi, antequam de misero supplicia sumantur, abiici ad pedes, provolvi ad genua Magnorum et Sanctissimorum Principum.

      [Voilà pourquoi, quand quelque chose de très grave m’arriverait, moi qui, dangereusement, mais toujours pieusement, ai soutenu la cause commune, pour la gloire du Christ et pour le salut de mes frères, cette conséquence nécessaire ne me contrariera jamais vraiment si j’ai défendu la Parole du fils de Dieu. Approche-toi donc, licteur, attache-moi les mains, couvre-moi la tête ! {i} Je me sacrifie sciemment aux supplices et à la colère des pontifes. Abats sur moi ta hache ! À quoi bon tant de cruauté et de fureur, que la mort même ne rassasiera pas ? Les papes ne savent se dire repus tant que nous ne leur avons pas présentés nos viscères à dilacérer et à jeter dans le feu. Approche-toi donc, licteur ! Nous endurerons aussi cela. Qu’il me soit permis, avant que les tortures ne viennent à bout de mon malheur, de me jeter aux pieds des grands et des plus saints princes, et de prosterner à leurs genoux]. {ii}

      1. Licteur : « ministre des magistrats romains, qui marchait devant eux, portant des haches enveloppées dans des faisceaux de verges. […] Ils étaient prêts à délier leurs faisceaux, soit pour fouetter, soit pour trancher la tête aux condamnés. […] Ils sont ainsi appelés a ligando, parce qu’ils liaient les pieds et les mains des condamnés avant l’exécution » (Furetière).

      2. À Sienne, en 1542, un premier procès ecclésiastique avait absous Palearius de l’accusation d’hérésie que ses thèses avaient suscitée ; Bayle sur Palearius (visiblement inspiré par de Thou) :

        « Par malheur pour lui, un cardinal, qui avait été dominicain et inquisiteur sévère, devint pape [Pie v] après la mort de Pie iv [v. note [5], lettre 965]. Il voulut signaler par le supplice de quelques fameux hérétiques les commencements de son règne ; pour cet effet, il ordonna que la cause de Palearius fût revue. Cet habile homme fut pris à Milan et mené à Rome, où il fut facilement convaincu d’avoir parlé en faveur des luthériens, et contre l’Inquisition. Il fut condamné au feu, et la sentence fut exécutée sans aucune miséricorde [le 4 juillet de] l’an 1566. »

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 7).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑1 (1701), note 12.

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(Consulté le 25/04/2024)

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