Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 8 manuscrit, note 12.
Note [12]

V. note [2], lettre 16, pour Pierre iv Séguier, chancelier de France en charge depuis 1635. Il appartenait à la noblesse de robe, mais le Borboniana prenait un malin plaisir à rappeler sa souche roturière, et voulait détacher sa famille des plus aristocratiques Séguier dont a parlé le Grand Dictionnaire historique de Louis Moréri : {a}

« Noble et ancienne famille originaire du pays de Quercy, < qui > a été divisée en plusieurs branches établies à Cahors, à Toulouse et à Paris. Celle de Cahors a eu des sénéchaux du pays de Quercy et des chanceliers d’Armagnac. Celle de Toulouse a produit des juges-mages de cette ville et des présidents à mortier au parlement de Languedoc. {b}

Celle de Paris a été la plus féconde en grands magistrats et en personnes illustres, et a donné un chancelier à la France, cinq présidents à mortier, onze conseillers et deux avocats généraux au Parlement de Paris, et sept maîtres des requêtes.

  1. Gérard Séguier, fils d’Artaud, seigneur de Saint-Geniez, est le premier qui, sous le règne de Louis xi, vint s’établir à Paris, où il fut conseiller au Parlement en 1469. Il mourut en 1489 et laissa à Marguerite de Vaudetar, son épouse, quatre fils et trois filles.

  2. Louis Séguier l’aîné, avocat du roi en la Chambre des comptes, et puis conseiller au Parlement, mourut vers l’an 1533.

  3. Barthélemy, le troisième, lieutenant général du bailliage de Chartres, a fait la branche des seigneurs de la Verrière.

  4. Le dernier, nommé Jacques, contrôleur général des guerres, etc., mourut en 1535 et a fait la tige des seigneurs de Charmoye et de Gloise de Brie.

  5. Nicolas Séguier, le second des fils de Gérard, continua la postérité des aînés et mourut le 22 septembre 1533, ayant eu de Marie Le Blanc trois fils et deux filles. […]

  6. Nicolas Séguier, second fils de Nicolas, a fait la branche des seigneurs de Saint-Cyr et du Plessis, féconde en doctes magistrats.

  7. L’aîné des trois, Pierre Séguier, premier du nom, fut président à mortier au Parlement de Paris, et l’une des plus brillantes lumières du temple des lois, comme l’appelle Scévole de Sainte-Marthe dans l’éloge qu’il lui a consacré parmi ceux des doctes Français. » {c}


    1. Édition de Paris, 1707, tome iv, pages 587‑588 (v. note [1] du Faux Patiniana II‑7), dont j’ai clarifié la mise en page.

    2. Juge-mage : « titre qu’on donne en plusieurs provinces du royaume, comme à Toulouse, au lieutenant du sénéchal » (Trévoux).

      Voilà pour les « seigneurs de Languedoc et de Guyenne » dont le Borboniana reconnaissait la noblesse.

    3. Popoff (no 150) commence les sept pages de l’article qu’il a consacré au Séguier de Paris avec ce Pierre i : avocat général (1550), puis président au mortier du Parlement de Paris (1554), mort en 1580, âgé de 76 ans. Pour ses modestes ascendances, Popoff les fait remonter à :

      « Étienne Séguier, originaire de Quercy, seigneur de l’Étang-la-Ville près de Saint-Germain-en-Laye, valet de chambre-apothicaire des rois Charles vii et Louis xi, mourut en 1465 et fut enterré dans l’église des Cordeliers de Saint-Pourçain, ville de la généralité de Moulins, élection de Gannat. Il avait épousé Marguerite Guimarde, morte le 5 mars 1483 et enterrée dans le prieuré de ladite ville de Saint-Pourçain. »

      Pour Popoff, Gérard ou Girard Séguier, le premier magistrat parisien de la famille, reçu vers 1469, était fils soit d’Étienne (page 192), soit d’Artaud (page 193, mais introuvable ailleurs).

      Saint-Pourçain-sur-Sioule et Gannat sont deux petites villes du Bourbonnais (actuel département de l’Allier), au sud de Moulins (v. note [20], lettre 223).

      V. note [9], lettre 48, pour Scévole i de Sainte-Marthe et ses Elogia, dont Guillaume Colletet a dédié la traduction française au Chancelier Séguier… L’éloge (Paris, 1644, livre iii, pages 276‑280) de son arrière-grand-père, Pierre i Séguier, n’est qu’une flatteuse expansion de l’original latin (Poitiers, 1606, pages 124‑126), dénuée d’intérêt généalogique.


Il existe une ressemblance frappante entre le présent article du Borboniana et l’historiette de Tallemant des Réaux intitulée Le Chancelier Séguier (tome i, pages 611‑616), dont l’ascendance est ainsi décrite :

« Les Séguier de Paris ne viennent nullement des Séguier de Languedoc : ils viennent d’un procureur qui était grand-père du feu président Séguier. […] Le chancelier fut si étourdi, étant garde des sceaux, que de faire ôter la tombe de ce procureur, qui était à Saint-Séverin ou à Sainte-Opportune, à cause qu’il y avait une inscription. »

Antoine Adam, l’éditeur des Historiettes, convient des incertitudes qui planent sur les premiers Séguier de Paris, mais se hasarde à prénommer Blaise celui qui fut procureur au Châtelet de Paris.

Une note du même A. Adam (page 1218) parle de l’épitaphe du susdit procureur à Saint-Séverin, {a} « que l’on en a fait ôter depuis » :

« Il est très probable que Tallemant […] commet des confusions entre ces divers Séguier ; mais s’il se trompe, c’est avec ses contemporains. Ils ont parlé de cette inscription et de son enlèvement. L’Avertissement à Cohon {b} dit : “ Nous voyons le petit-fils d’un procureur du Châtelet tenir la place d’un chancelier de France. Quoiqu’il ait fait ôter de nos jours l’épitaphe de Pierre Séguier, son grand-père, il n’en est pas plus à estimer. Elle était sous le charnier {c} de Saint-Séverin, à l’entrée de la petite porte, à main gauche. ” On lit aussi dans le Catalogue des partisans, {d} sous le nom de Séguier : “ Son bisaïeul était apothicaire, son aïeul, procureur, a été enterré sous le charnier de Saint-Séverin, où était son épitaphe, qui a été retirée par force. ” »


  1. V. note [11], lettre 96.

  2. Paris, 1649, v. note [10], lettre 165.

  3. « Galerie qui est ordinairement autour des cimetières, au-dessus de laquelle on mettait autrefois les os décharnés des morts […]. Maintenant, les charniers ne servent qu’à donner la communion aux paroissiens aux fêtes de Pâques, et ils sont ordinairement attachés aux églises » (Furetière).

  4. Catalogue des partisans (page 20) :

    « Le chancelier a été partisan des boues, {i} et de tous les partis. Son bisaïeul était apothicaire ; son aïeul, procureur, a été enterré sous les charniers de Saint-Séverin, où était son épitaphe, qui a été tirée par force. » {ii}

    1. Collecteur des taxes imposées aux bourgeois de Paris pour le ramassage des ordures.

    2. Émanant d’une mazarinade publiée en 1649, ces propos ne sont peut-être à tenir pour de pures médisances frondeuses.

Tout cela est assez confus (et sans doute rendu volontairement tel par la volonté qu’avaient les Séguier de ne pas être les descendants d’un vil apothicaire) ; mais la concordance des dates d’activité des uns et des autres m’incite à conclure que le procureur au Châtelet se nommait Blaise Séguier, qu’il n’était pas le frère, mais le fils de l’apothicaire, Étienne ; et ce contrairement à ce qu’écrit Popoff, qui ne dit pas que Blaise était procureur, mais valet de chambre du roi Charles viii, et date sa mort de 1510. Étienne et Blaise auraient alors respectivement devancé le président Pierre i Séguier de quatre et trois générations. Le père de ce dernier, lui aussi prénommé Pierre, aurait de même été reçu président au Parlement en 1554.

Enfin, pour ajouter aux méprises, Moréri et Popoff donnent au père de Pierre i Séguier, le fondateur de la branche des hauts magistrats (après Gérard), le prénom de Nicolas, mais sans le dire frère d’Étienne, l’apothicaire, ni lui attribuer la charge de procureur au Parlement ou au Châtelet de Paris.

On peut tout de même en conclure que les Séguier, qui n’ornèrent jamais leur patronyme d’une particule (de Séguier), appartenaient indubitablement à la haute et ancienne noblesse parisienne, mais celle de robe (les officiers royaux), et non celle d’épée (l’aristocratie proprement dite, dont le devoir était de combattre pour la Couronne de France, si nécessaire jusqu’à y sacrifier leur sang et même leur vie).

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 8 manuscrit, note 12.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8209&cln=12

(Consulté le 20/04/2024)

Licence Creative Commons