À Claude II Belin, le 28 octobre 1631, note 13.
Note [13]

« jamais un pourceau n’en remontrera à Minerve » : un élève ne peut pas donner de leçons à son maître.

Claude ii Belin avait employé ce proverbe latin, sus Minervam pour morfondre Guy Patin en l’accusant d’impertinence à son égard (et à celui de Fernel) sur le sujet des qualités occultes. {a} Érasme l’a commenté (Adages, no 40) : {b}

Tristissimum apud Latinos auctores adagium, υς την αθηναν, i. Sus Minervam, subaudiendum, docet aut monet, dici solitum, quoties indoctus quispiam, atque insulsus eum docere conatur, a quo sit ipse magis docendus ; aut, ut Festi Pompeii verbis utamur, cum quis id docet alterum, cuius ipse est inscius.

[Un pourceau, sous-entendu, donne la leçon ou en remontre à Minerve. C’est le plus amer adage qu’on trouve chez les auteurs latins. On a l’habitude de le dire chaque fois que quelque insipide ignare entreprend d’instruire celui qui pourrait lui en apprendre infiniment plus ; ou, pour employer les mots de Festus Pompeius, quand quelqu’un enseigne à un autre ce dont lui-même est ignorant]. {c}


  1. V. note [7], lettre 3.

  2. Patin, ses correspondants et maints auteurs qu’ils ont cités ont puisé dans les Adages d’Érasme, recueil de locutions et de proverbes antiques, grecs et latins, que le plus brillant humaniste de la Renaissance (v. note [3], lettre 44) a publié pour la première fois à Paris en 1500, et n’a pas cessé d’enrichir jusqu’à sa mort (1536), en leur donnant le sous-titre de Chiliades [Milliers] : l’édition de Bâle, 1523, en comptait 4 582. Celle-ci est la première de mes 171 notes qui font référence à ce monument inégalé de la littérature érudite, dont la lecture est une inépuisable source de distrayant savoir et d’émerveillement. Les Adages sont rédigés en latin, mais une très bonne traduction française en a été publiée par les Belles Lettres (Paris, 2011, 5 440 pages), sous la direction de Jean-Christophe Saladin.

  3. V. note [4], lettre de Charles Spon, datée du 13 août 1657, pour un autre équivalent grec.

Cicéron a prisé l’expression :

  • « Qu’est-ce qui me fait agir de la sorte, demanda-t-il, et suis-je tout à fait dans mon bon sens à vouloir vous régenter ? Bien que, comme on dit, un élève puisse en remontrer à son maître [sus Minervam ut aiunt], chacun sait qu’il est extravagant de le faire » (Academica, livre i, 5) ;

  • « Venez donc, si vous avez du cœur, venez recevoir les leçons que vous me demandez ; seulement, gare pour moi le proverbe du pourceau qui en remontre à Minerve ! [etsi sus Minervam] » (Lettres familières, livre ix, lettre 18).

Minerve (Pallas ou Athéna des Grecs) est la « déesse de la sagesse et des arts, la seule des enfants de Jupiter, qui ait mérité de participer aux prérogatives attachées au rang suprême de la divinité. […] En effet, quand les mythologistes nous disent qu’elle était née de Jupiter sans le secours d’une mère, cela signifie que Minerve n’était autre chose que la vertu, la sagesse, le conseil du souverain maître des dieux » (L’Encyclopédie).

On dit « parler latin devant les cordeliers, pour dire vouloir faire parade de sa science devant ceux qui en savent davantage, ce qui répond au proverbe latin, Sus docet Minervam » (Furetière).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 28 octobre 1631, note 13.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0006&cln=13

(Consulté le 29/03/2024)

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