À Claude II Belin, le 16 septembre 1637, note 13.
Note [13]

René Chartier (Montoire-sur-le-Loir dans le Vendômois 1572-Paris 29 octobre 1654) avait enseigné les belles-lettres à Angers, puis la rhétorique à Bordeaux et Bayonne, avant de venir étudier la médecine à Paris, où il avait été reçu docteur régent en novembre 1608. En janvier de la même année il avait épousé Françoise Boursier, fille de Martin Boursier, chirurgien barbier, et de Louise Bourgeois, sage-femme de Marie de Médicis. La dot avait été de 6 000 livres, avec engagement d’obtenir pour le gendre une charge de médecin ordinaire du roi. Cette avantageuse introduction de Chartier à la cour lui avait valu d’être nommé en 1612 médecin des dames de France. Il avait successivement accompagné les trois filles de Henri iv pour leurs mariages : en Espagne (Élisabeth en 1615 avec Philippe iv), en Savoie (Christine en 1619 avec Victor-Amédée ier) et en Angleterre (Henriette-Marie en 1625 avec Charles ier, v. note [12], lettre 39). Conseiller médecin ordinaire du roi en 1613, Chartier avait été nommé professeur royal de médecine en 1617, mais avait cessé lui-même ses leçons au bout de six ou sept ans parce que d’autres occupations le surchargeaient. Par lettres expédiées le 29 novembre 1623, Chartier avait cédé en survivance sa charge du Collège de France à Jacques ii Cousinot (v. note [26], lettre 7). Veuf en 1631, Chartier s’était remarié en 1634 avec Marie Le Noir.

La gloire médicale de Chartier est d’avoir réalisé la première édition grecque et latine complète des œuvres d’Hippocrate et de Galien ; elle lui coûta 150 000 livres et il ne put en achever la publication de son vivant parce qu’elle l’avait ruiné : Magni Hippocratis Coi et Claudii Galeni Pergameni universa quæ extant Opera. Renatus Charterius Vindocinensis, Doctor Medicus Paris., Regis Christianissimi Cons. Medicus ac Professor Ord., plurima interpretatus, universa emendavit, instauravit, notavit, auxit, secundum distinctas medicinæ partes in tredecim tomos digessit, et cuniunctum græce et latine primus edidit ; astruxit et medicam synopsin, rerum his in operibus contentarum indicem [Toutes les œuvres qui existent du grand Hippocrate de Cos et de Claude Galien de Pergame. René Chartier natif du Vendômois, docteur en médecine de Paris, conseiller médecin et professeur ordinaire du roi très-chrétien, les a pour la plupart traduites, et toutes augmentées, annotées, reprises, amendées, séparées en 13 tomes suivant les différentes parties de la médecine, et les a le premier produites à la fois en grec et en latin ; il a ajouté un index des choses contenues dans ces œuvres, et un synopsis médical] (Medica).

Comme Chartier avait son ouvrage entièrement prêt, il n’a pas gardé l’ordre des tomes en les faisant imprimer ; les textes y sont groupés par matière en mêlant les traités d’Hippocrate et de Galien :

  • tome i (Textes biographiques), tome ii (Textes introductifs), tome iii (Physiologie élémentaire), tome  iv (Anatomie), tome v (Psychologie physiologique), tome vi (Conservation de la santé), tome viii (Diagnostic et pronostic) et tome xiii (Pharmacie), Paris, sans nom, 1638-1639, in‑fo ;

  • tome vii (Pathologie) et tome xi (Diététique), ibid., 1649 ;

  • les trois derniers parurent en 1679 [tome x (Thérapeutique) et tome xii (Chirurgie)] et 1689 [tome ix (Œuvres mêlées)] à Paris, chez André Pralard, in‑fo, publiés par les soins de MM. François Blondel et Antoine Le Moine, docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris, aux frais de Charles du Gard, avocat de Paris et procureur général du Grand Conseil, gendre de Chartier (v. note [11], lettre 1011).

Au début du tome i, l’Ad amplissimum et consultissimum medicorum Parisensium Ordinem Oratio [Discours à la très grande et très avisée Compagnie des médecins de Paris] annonce un tome xiv, contenant universæ librorum aut operum tredecim tomis superioribus inclusorum materiæ locupletissimum indicem [un très riche index de toute la matière des livres ou œuvres contenus dans les 13 tomes précédents], qui n’a jamais paru.

Cette Oratio non datée est suivie du In editionis Charterianæ operum Hippocratis et Galeni approbationem et amplissimum gratiarum actionem saluberrimæ Facultatis Medicinæ Parisiensis Decretum [Décret de la très salubre Faculté de médecine de Paris approuvant l’édition des œuvres d’Hippocrate et Galien par Chartier et lui en rendant très ample action de grâce] daté du 8 août 1637 : la Faculté approuve et soutient l’ouvrage, et remercie Chartier d’avoir consacré ses talents, son temps et son agent à un projet louable qu’elle avait encouragé et déjà approuvé dans son assemblée du 4 juillet 1633. Ce décret est suivi du tableau complet des 111 docteurs régents du consultissimus sapientissimorum saluberrimæ Facultatis Medicinæ Parisiensis Doctorum hodiernam vitam degentium Ordo [Tableau de la très avisée Compagnie des très sages docteurs de la très salubre Faculté de médecine de Paris vivant à ce jour]. Guy Patin y occupe le 68e rang d’ancienneté et René Chartier, Consiliarius, Medicus, ac Professor Regius, nec non Serenissimæ Reginæ Magnæ Britanniæ Archiatros [conseiller, médecin et professeur du roi, ainsi que premier médecin de la sérénissime reine de Grande-Bretagne], le 11e.

Cette édition d’Hippocrate et de Galien l’emportait sur toutes celles, partielles, qui l’avaient précédée, Chartier ayant conféré le texte grec, non seulement sur celles-ci, mais encore sur les manuscrits (en particulier celui de la Bibliothèque Vaticane), et restitué une foule de passages mutilés ou corrompus (O. in Panckoucke & Lehoux). Aujourd’hui l’Hippocrate de Chartier a été surpassé par celui d’Émile Littré (1839-1861) ; mais son Galien, repris presque textuellement par Karl Gottlob Kühn (1821-1833), demeure, par cet intermédiaire, une référence extrêmement précieuse, tout particulièrement par son très volumineux index (latin) qui occupe tout le volume 20 (695 pages).

De son premier mariage, René Chartier avait eu quatre fils. L’aîné, prénommé Jean (v. note [13], lettre 271), a beaucoup fait parler de lui dans les lettres de Patin comme médecin antimonial. Son demi-frère Philippe (v. note [8], lettre 964), né du second lit et, comme Jean, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, y figure aussi.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 16 septembre 1637, note 13.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0035&cln=13

(Consulté le 29/03/2024)

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