Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre III, note 13.
Note [13]

Proverbes (20:1) :

« Le vin est moqueur, la boisson forte est tumultueuse, et quiconque s’y égare n’est pas sage. »

Guy Patin a développé ce passage sur les méfaits du vin dans une édition ultérieure de son Traité (Paris, 1644, pages 382‑383) :

« D’autres l’ont voulu encore charger de divers autres crimes pour le rendre suspect et odieux, l’ont voulu taxer comme cause de plusieurs malheurs et de toute intempérance : ils l’appellent par mépris la ciguë de l’homme, le sang de la terre, le fiel des démons, l’urine des diables. Il a été défendu aux Turcs par leur faux prophète Mahomet, qui leur a fait accroire que le vin était une liqueur démoniaque. Quelques-uns, voulant procéder par voie de fait, l’ont traité avec rigueur et contumélie : {a} un Espagnol fouetta le poinçon qui avait fait mourir son père ; {b} un Anglais cassa la bouteille qui l’avait enivré. Mais ces vengeances sont bien étranges et hors de raison : tous ces maux qui se font par l’excès du vin doivent être rapportés à celui qui en boit outre mesure, sans en blâmer cette liqueur innocente. Je sais bien qu’il s’en ensuit une infinité d’abus, pour lesquels empêcher, il serait besoin et nécessaire de renouveler en notre France l’ancienne loi des Locriens {c} (qui condamnaient à mort tous ceux qui en buvaient) contre ceux qui en usent aujourd’hui démesurément ; ou bien être de même opinion que Lycurgue qui estimait qu’on pouvait couper et arracher les vignes avec meilleure raison qu’on ne les avait auparavant plantées. {d} Le patriarche Noé, qui planta la vigne, y fut le premier attrapé, et le vin qu’il but en trop grande quantité, et faute de connaître sa vertu, fut cause de la malédiction d’un de ses trois enfants, laquelle redonda sur toute la postérité de Chanaan ; si bien que ce n’est pas d’aujourd’hui que le vin cause tant de grands malheurs, et qui n’a pas même épargné son premier auteur et l’a exposé à la dérision de son propre fils. » {e}


  1. Injure.

  2. Poinçon : « mesure des choses liquides. Un poinçon de vin, d’huile, etc. Le poinçon est la moitié d’un tonneau d’Orléans, ou d’Anjou. C’est un nom qu’on donne en Blaisois et en Touraine au muid de vin. À Rouen le poinçon contient treize boisseaux. C’est à Paris la même chose qu’une demi-queue » (Furetière). Je n’ai pas trouvé la source de cette histoire.

  3. Ancien peuple de Grèce dont Ajax commandait l’armée au siège de Troie ; Élien (v. note [2], lettre 618), Histoires diverses, livre ii, chapitre 38 :

    « Loi qui ne permettait le vin ni à tout le monde ni à tout âge. Les Marseillais avaient une loi qui défendait aux femmes l’usage du vin et ne leur permettait, à quelque âge qu’elles fussent, d’autre boisson que l’eau. Cette loi, suivant Théophraste, était en vigueur chez les Milésiens [habitants de Milet en Ionie (Asie Mineure)] : leurs femmes, quoique Ioniennes, y étaient soumises. Pourquoi ne parlerais-je pas aussi des Romains ; n’aurait-on pas sujet de trouver déraisonnable que, retraçant le souvenir de ce qui se passe chez les Locriens, les Marseillais, les Milésiens, je gardasse un injuste silence sur ce qui concerne ma patrie ? Je dirai donc que la même loi s’observait très rigoureusement à Rome ; qu’aucune femme, soit libre, soit esclave, n’y buvait jamais de vin ; et que même les hommes, d’une naissance au-dessus du commun, s’en abstenaient depuis la puberté jusqu’à ce qu’ils eussent atteint leur trente-cinquième année. »

  4. Lycurgue, roi mythique de Thrace (v. note [23], lettre 197, pour cette antique contrée) à qui Bacchus « inspira une telle fureur que, croyant couper les vignes, il coupa les jambes à son fils Dryas et se mutila lui-même » (Fr. Noël).

  5. Ivresse de Noé (Genèse, 9:20) :

    « Noé, qui était cultivateur, commença à planter de la vigne. Ayant bu du vin, il s’enivra et il se découvrit au milieu de sa tente. Cham, {i} père de Chanaan, vit la nudité de son père, et il alla le rapporter dehors à ses deux frères. Alors Sem, avec Japheth, prit le manteau de Noé et, l’ayant mis sur leurs épaules, ils marchèrent à reculons et couvrirent la nudité de leur père. Comme leur visage était tourné en arrière, ils ne virent pas la nudité de leur père. Lorsque Noé se réveilla de son ivresse, il apprit ce que lui avait fait son plus jeune fils et il dit : “ Maudit soit Chanaan ! Il sera pour ses frères le serviteur des serviteurs ! ” »

    1. V. notule {c}, note [34], sur la triade 63 du Borboniana manuscrit.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre III, note 13.

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(Consulté le 20/04/2024)

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