À Charles Spon, le 11 juin 1649, note 14.
Note [14]

« Je sais de Galien que les remèdes à donner sont ceux qu’on dit agir par la substance tout entière, ceux que Galien lui-même veut classer en quatre rubriques : les premiers, ou aliments, sont ceux qui nourrissent ; les seconds sont les purgatifs ; les troisièmes sont les médicaments vénéneux, ou malfaisants, [kakourga] ; les quatrièmes sont les alexipharmaques, ou thériaques. Ni les antiépileptiques des chimistes, ni les spécifiques de cette sorte de vauriens n’ont pourtant ici leur place, et ces fictions, pures fables, pures impostures, n’ont donc aucun fondement dans la sagesse antique et dans la médecine des anciens. »

Voici ce qu’en dit exactement Galien dans son Hippocratis Epidem. vi et Galeni in illum Commentarius vi [Livre vi des Épidémies d’Hippocrate, et commentaire vi de Galien à son propos] (Kühn, volume 17b, pages 336‑337, traduit du grec) :

Proprietates namque ex tota substantia progenitæ aut corporibus nostris congruentes aut alienæ, quatuor materiis continentur : aut enim purgatoriæ medicinæ sunt aut alimenta aut ad hæc tertio ea quæ hic Hippocrates malefica nominavit aut quarto ipsorum remedia. Quum vero tertium materiæ genus est in medicamenta deleteria, hoc est mortifera vocata et ferarum venena, distribuatur, duplex et ista curantium materia est. Adpellantur autem Græco vocabulo alexipharmaca, id est medicamentorum auxilia, quæ mortiferis medicamentis adversantur ; tehriaca vero quæ ferarum morsibus medentur. Verum fortasse quis existimavit et purgantium medicamentorum materiam inter mortifera esse censendam, nam et hæc ultra modum assumta nos interficiunt. Id si concesserimus, consequens erit etiam ut alexipharamace et theriaca in mortiferis enumeremus, quandoquidem et hæc nos perdere possint, nisi si quis ex ipsis omnino valde parum assumserit. Verum ea de causa mihi plura medicamenta non vocare mortifera medici videntur, quod ipsorum temporibus quibusdam utilitas necessaria sit ; ea vero appellare deleteria, id est perniciosa, quæ nullo unquam tempore neque ægrotis neque enim aconitum, neque argentum vivum, neque argenti spuma, neque marinus lepus, intra corpus accepta, ullum nobis afferunt emolumentum, quemadmodum et alia pleraque, de quibus et in illis commentariis actum est, ubi de juvantibus atque nocentibus per totius substantiæ proprietatem disputavimus.

[Les propriétés tirent en effet leur origine de toute la substance du corps, qu’elles soient ou non en accord avec lui. Quatre matières les embrassent qui sont < 1 > les remèdes purgatifs, < 2 > les aliments, < 3 > ceux d’entre eux qu’Hippocrate a ici appelés maléfiques, {a} et < 4 > les remèdes qu’on leur oppose. Puisque la troisième sorte de matière associe les médicaments délétères, qu’on appelle mortifères, et les venins des animaux sauvages, il conviendrait de la diviser en deux et c’est contre cette double matière qu’il convient de posséder des remèdes. On les appelle du nom grec d’alexipharmaques, {b} qui veut dire remèdes des médicaments, parce qu’ils s’opposent aux médicaments mortifères ; pour la thériaque, elle soigne les morsures des animaux sauvages. On pourrait estimer que la matière des médicaments purgatifs doive être rangée parmi les mortifères, car on les croit trop souvent capables de nous tuer. Si nous admettions cela, nous devrions en déduire pareillement que les alexipharmaques et la thériaque sont aussi à ranger parmi les mortifères puisqu’ils peuvent nous anéantir, outre qu’ils ne procurent pas toujours une complète guérison. Les médecins, me semble-t-il, n’en tirent pourtant pas raison d’appeler plusieurs médicaments mortifères parce qu’ils se trouvent dans la nécessité d’y recourir parfois. Il faut pourtant appeler délétères, c’est-à-dire pernicieux, ceux qui ne font jamais de bien à l’homme, qu’il soit sain ou malade. Le corps n’accepte ni l’aconit, ni le mercure, ni la litharge, ni le lièvre marin, {c} ils n’apportent aucun soulagement, tout comme plusieurs autres dont nous reparlerons ailleurs dans ce traité, quand nous discuterons des agents qui soignent et qui nuisent par la propriété de leur substance tout entière].


  1. Maleficia en latin, κακουργα (cacourga) en grec.

  2. Le mot αλεξιφαρμακα associe le préfixe alexi, ce qui protège, et pharmakon, toute substance au moyen de laquelle on altère la nature d’un corps, toute drogue, salutaire (médicament) ou malfaisante (poison).

  3. V. notes [1], lettre latine 226, pour l’aconit, [9], lettre 122, pour l’emploi du mercure en médecine, et [14], lettre 995, pour le lièvre marin.

    La litharge (λιθαργυρος, litharguros, argenti spuma en latin) est l’ancien nom du protoxyde de plomb demi-vitreux (Littré DLF) ou du « plomb mêlé avec les vapeurs ou la crasse de l’argent. […] Elle rafraîchit, déterge, remplit les cavités des ulcères et les cicatrise. Matthiole dit, aprés Dioscoride, que la litharge prise par la bouche, en quelque manière que ce soit, est venimeuse et fort dommageable à la personne. Il parle amplement des accidents qu’elle cause et des remèdes que l’on y peut apporter » (Thomas Corneille).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 11 juin 1649, note 14.

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(Consulté le 19/04/2024)

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