À Charles Spon, le 30 janvier 1652, note 15.
Note [15]

De tous les médecins français du xviie s., Jean Pecquet (Dieppe 1622-ibid. 1674) a été le plus digne de mémoire, tant pour son génie inventif que pour sa belle âme.

Il avait d’abord étudié à Dieppe et à Rouen, puis à Paris, de 1641 à 1645. Il s’y était initié à l’anatomie et lié d’amitié avec Pierre de Mersenne (v. note [21], lettre 336) qui l’engagea à voyager en Italie où il put enrichir ses connaissances. En 1648, il s’était installé à Agde sous la protection de l’évêque du lieu, François ii Fouquet (v. sinfra note [52]), frère aîné de Nicolas, le futur surintendant des finances. Le 5 juillet 1651, Pecquet avait pris son inscription en médecine à l’Université de Montpellier, dont il allait devenir docteur le 23 mars 1652, mais il avait déjà établi sa réputation européenne d’anatomiste avec ses fracassantes :

Ioannis Pecqueti Diepæi Experimenta nova anatomica, quibus incognitum hactenus chyli receptaculum, et ab eo per thoracem in ramos usque subclavios vasa lactea deteguntur. Eiusdem Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu. Accedunt clarissimorum virorum perelegantes ad authorem epistolæ.

[Expériences anatomiques nouvelles de Jean Pecquet, natif de Dieppe, où sont découverts le réservoir du chyle, inconnu jusqu’ici, et les vaisseaux lactés qui vont de lui, par ramifications dans le thorax, jusqu’à la veine subclavière. Dissertation anatomique du même auteur sur la circulation du sang et le mouvement du chyle. S’y ajoutent les lettres fort polies écrites à l’auteur par des hommes très éminents]. {a}


  1. Paris, Sébastien Cramoisy, 1651, in‑4o ; 2e édition revue et augmentée en 1654, v. note [4], lettre 360).

Il s’agit incontestablement du plus important ouvrage médical publié par un Français au xviie s. : Pecquet y relatait ses travaux, faits en 1647 (v. note [26], lettre 152) et confirmés par de nombreuses expériences sur les chiens et autres animaux, qui l’avaient mené à la révolutionnaire découverte du canal thoracique et du réservoir du chyle (cisterna chyli, autrement appelée citerne de Pecquet, v. note [23], lettre 152).

La querelle du chyle et de la circulation de la lymphe éclata alors. Elle était intimement mêlée à celle de la circulation du sang. Puisque le chyle était conduit à la veine subclavière où il se mêlait au sang pour se rendre dans le cœur, le foie perdait automatiquement (et à juste titre) sa fonction de sanguification (transformation du chyle en sang, v. note [1], lettre 404). À propos d’un ouvrage attribué à Samuel Sorbière, la lettre de Guy Patin à Charles Spon, datée du 22 mars 1648, a évoqué les prémices de cette vive dispute. Jean ii Riolan, qui se disait le prince des anatomistes, allait prendre résolument la tête des opposants à Pecquet et aux voies du chyle. Patin s’est largement fait l’écho de cette vive dispute dans la suite des lettres, non sans parfois marquer de la bienveillance et même de l’amitié pour la bête noire de son maître Riolan.

Pecquet resta dans le Midi au service de François ii Fouquet et refusa la chaire de chirurgie et de pharmacie que l’Université de Montpellier lui proposa à la mort de Lazare Rivière (1655). En 1656, il revint à Paris pour s’attacher au tout-puissant surintendant des finances, Nicolas Fouquet, qu’il allait entourer de sa fidèle affection après sa disgrâce (1661) et jusqu’à son départ pour Pignerol (1665). Disparu des lettres de Patin en septembre 1661, Pecquet fut admis en 1666 à l’Académie des sciences. Dans la liste alphabétique de ses membres établie par Condorcet, la note qui le concerne salue ses découvertes anatomiques et sa brillante défense de la circulation du sang, et s’achève sur cette remarque sur Pecquet (Œuvres complètes de Condorcet, Brunswick et Paris, 1804, tome premier, pages 156‑157) :

« Il fut aidé dans ses travaux par Gayant et par d’autres anatomistes, et rendit à ses coopérateurs bien au delà de ce qu’il leur devait. Cette générosité est bien remarquable dans une occasion où la simple justice est si rare. […] Un usage excessif de l’eau-de-vie avança ses jours. Il la regardait comme une espèce de remède universel, et ce remède, comme bien d’autres poisons lents, était devenu par l’habitude une boisson nécessaire à son bien-être. »

Le traité de Riolan contre les vaisseaux lactés est dans la troisième série des Opuscula anatomica (v. note [16], lettre 308).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 30 janvier 1652, note 15.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0280&cln=15

(Consulté le 19/04/2024)

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