À André Falconet, le 11 octobre 1660, note 15.
Note [15]

« J’ai entrepris de couper un nez puant, que le scrofuleux se tienne donc sur ses gardes ! »

Dans son plaidoyer contre Théophraste Renaudot en 1642 (v. note [3], lettre 90), Guy Patin avait déjà utilisé cet argument de saint Jérôme (Épître xl, Ad Marcellam, de Onaso [À Marcella, au sujet d’Onasus], écrite de Rome en 584) :

Unde non mirum est, si et nosipi vitiis detrahentes, offendimus plurimos. Dispoui nasum secare fœtentem, timeat qui strumosus est. Volo corniculæ detrahere garrienti, rancidulam se intelligat cornix. Nunquid unus in urbe Romana est, qui abeat truncas inhonesto vulnere nares ? Nunquid solus Onasus Segestanus cava verba, et in modum vessicarum tumentia, buccis trutinatur inflatis ?

Dico quosdam scelere, perjurio, falsitate ad dignitatem nescio quam pervenisse. Quid ad te, qui te intelligis innocentem ? Rideo advocatum qui patrono egeat : quadrante dignam eloquentiam nare subsanno : quid ad te, qui disertus es ? Volo in nummarios invehi Sacerdotes : tu qui dives es, quid irasceris ?

[Il n’y a alors pas à s’étonner si mon zèle déclaré contre le vice en a offensé plus d’un. J’ai entrepris de couper un nez puant, que le scrofuleux se tienne donc sur ses gardes ! Je veux rabaisser le caquet de la corneille, pour lui faire comprendre qu’elle n’est qu’une babillarde. Mais y a-t-il une seule personne qui soit revenue de Rome truncas inhonesto vulnere nares ? {a} Pourquoi seul Onasus Segestanus, {b} les joues bouffies, pèse-t-il avec soin des mots creux, qu’il gonfle comme des vessies ?

Je dis que certaines gens ont eu recours au mensonge, au parjure, au crime, pour s’élever à je ne sais quelles dignités. Que t’importe, puisque je te sais honnête ? Je me ris d’un avocat qui manque de causes, je me moque de sa ridicule éloquence. Pourquoi le trouves-tu mauvais, toi dont le discours est élégant ? Je veux m’insurger contre la cupidité des prêtres vénaux].


  1. « le nez tranché et le visage défiguré » (Virgile, Énéide, chant vi, vers 497).

  2. Sobriquet dont usait ici Jérôme pour brocarder le prêtre romain qui l’avait attaqué. On trouve un Onasus Segestanus, homo nobilis [homme honorable] de Ségeste, dans Cicéron (Verrines, action ii, livre v, xlv), mais le rapport est obscur.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 11 octobre 1660, note 15.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0642&cln=15

(Consulté le 28/03/2024)

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