Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-1, note 15.
Note [15]

V. notes :

  • [1], lettre 473, pour in partibus (infidelium), formule ecclésiastique ici appliquée à l’état laïque, pour dire « sans fonction autre qu’honorifique » ;

  • [8], lettre 679, pour l’organisation de l’Université de Paris, sous la direction de son recteur, issu de la Faculté des arts ;

  • [2], lettre 55, pour le couvent parisien des Mathurins, où l’Université tenait ses grandes assemblées ;

  • [8], lettre 333, pour le prévôt de Paris.

De sinistre mémoire, le gibet de Monfaucon s’élevait sur la colline homonyme, au nord-est de Paris, hors les murs, près de l’actuelle place du Colonel-Fabien (à la limite des actuels xe et xixe arrondissements). Y étaient édifiées à demeure les monumentales « fourches de la grande justice » de la ville.

L’affaire dont parlait ici L’Esprit de Guy Patin fit grand bruit et a laissé d’abondantes traces dans les chroniques. Le Tableau historique et pittoresque de Paris, depuis les Gaulois jusqu’à nos jours {a} en a donné un bon résumé en commentant la description d’une sépulture qui était dans l’église des Mathurins (tome troisième, deuxième partie, pages 639‑641) :

« Sur la droite du cloître de cette maison, à côté d’une petite statue de la Vierge, on trouvait une tombe plate sur laquelle étaient représentés deux hommes enveloppés dans des suaires. Autour de la tombe était gravée l’épitaphe suivante :

Hic subtus Jacent Leodegarus du Moussel de Normania, et Olivarius Bourgeois de Britannia oriundi, clerici scholares, quondam ducti ad justitiam sæcularem, ubi obierunt, restituti honorifice, et hic sepulti. Anno Domini 1408. die 16. mensis Maii. » {b}

Saint-Victor y a ajouté cette note :

« Sur une table de bronze encastrée dans la muraille, une inscription française, gravée en relief, offrait ce qui suit :

“ Ci-dessous gisent Léger du Moussel et Olivier Bourgeois, jadis clercs-écoliers, étudiants en l’Université de Paris, exécutés à la justice du roi Notre Sire, {c} par le prévôt de Paris, l’an 1407, le vingt-sixième jour d’octobre, pour certains cas {d} à eux imposés ; lesquels, à la poursuite de l’Université, furent restitués et amenés au parvis Notre-Dame, et rendus à l’évêque de Paris, comme clercs, et au recteur {e} et député de l’Université, comme suppôts d’icelle, à très grande solennité, et de là, en ce lieu furent amenés pour être mis en sépulture, l’an 1408, le seizième jour de mai ; et furent lesdits prévôt et son lieutenant démis de leurs offices, à ladite poursuite, comme plus à plein appert par lettres patentes et instruments sur ce cas. {f} Priez Dieu qu’il leur pardonne leurs péchés. Amen. ”

Ces deux écoliers étaient coupables de meurtres et de vols sur le grand chemin. Le prévôt de Paris, Guillaume de Tignonville, {g} les fit arrêter. L’Université les réclama, prétendant que cette affaire devait être portée devant la justice ecclésiastique. Le prévôt, sans s’embarrasser de ces oppositions, fit pendre les deux criminels. L’Université cessa aussitôt tous ses exercices, et pendant plus de quatre mois il n’y eut dans Paris ni leçons ni sermons, pas même le jour de Pâques. Comme le Conseil du roi ne se laissait point ébranler, elle protesta qu’elle abandonnerait le royaume et irait s’établir dans les pays étrangers, où l’on respecterait ses privilèges : cette menace fit impression. Le prévôt fut condamné à détacher du gibet les deux écoliers. Après les avoir baisés sur la bouche, il les fit mettre sur un chariot couvert de drap noir et marcha à la suite, accompagné de ses sergents et archers, des curés de Paris et des religieux. Ils furent ainsi conduits comme le dit l’inscription : d’abord au parvis Notre-Dame, où le recteur les reçut de ses mains et les fit inhumer honorablement. {h} Le prévôt de Paris fut destitué de sa charge ; mais ayant été nommé par le roi premier président de la Chambre des comptes, moyennant le pardon qu’il vint demander à l’Université, il obtint qu’elle ne s’opposerait point à son installation. »


  1. Par Jacques-Maximilien Benjamin Bins de Saint-Victor (1772-1858), Paris, Librairie classique-élémentaire, 1824, 8 volumes in‑8o.

  2. « Sous cette dalle gisent Léger du Moussel, natif de Normandie, et Olivier Bourgeois, natif de Bretagne, clercs-écoliers, jadis traduits devant la justice séculière, qui les a exécutés, puis honorablement réhabilités et ici inhumés. Le 16 mai 1408. »

  3. Charles vi.

  4. Délits.

  5. V. note [3], lettre 595.

  6. Autrement dit : « comme en témoignent plus amplement les lettres patentes et actes authentiques sur cette affaire. »

  7. Guillaume de Tignonville, mort en 1414, a été prévôt de Paris de 1401 à 1408, puis président de la Chambre des comptes. Il s’est aussi illustré en littérature au travers de quelques ouvrages poétiques et philosophiques ({BnF Data).

  8. L’attachement de l’Université à ses droits et prérogatives, qui en faisait une institution ecclésiastique, allait, uniquement pour la forme, jusqu’à « faire grève » et à rendre les honneurs à deux de ses écoliers criminels que la justice séculière (c’est-à-dire royale) avait condamnés et pendus, en humiliant sévèrement le magistrat qui avait prononcé la sentence.

La teneur de cet article s’accorde bien avec les ergots sur lesquels Guy Patin se dressait chaque fois que l’honneur et les prérogatives intouchables de l’Université parisienne étaient mis en question.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-1, note 15.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8214&cln=15

(Consulté le 29/03/2024)

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