À Gerardus Leonardus Blasius, le 28 janvier 1661, note 16.
Note [16]

« ces ânes devant une lyre », v. note [5], lettre 439.

Jan Baptist Van Helmont (Helmontii) fermait la liste de noms cités sur le rôle de la rate dans la note [14]. Ennemi résolu du dogme humoriste hérité d’Hippocrate et Galien, ce novateur débridé avait des idées fort originales sur le rôle digestif, mais aussi « spirituel » de la rate, mise au service des archées (v. seconde notule {b} infra). Cela semble aujourd’hui farfelu, mais mérite d’être connu par qui s’intéresse à la médecine du xviie s. et souhaite comprendre les aversions de Guy Patin ; en voici deux illustrations tirées de son Ortus medicinæ [Naissance de la médecine] (Amsterdam, 1652, v. note [4], lettre 340).

  • Pages 183‑184 du chapitre intitulé Pylorus Rector [Le Pylore est le directeur (de la digestion)] :

    Nam eo dato, stomachus non coquet, non appetet, esurietque pro corpore : sed tantum pro se : ergo neque ut penuriam venarum suppleat, sentiet. Sed venæ primario sitient, ac esurient : stomachus tantum per accidens : nec pro se : sed propter venas. Ignorantia enim veri, Scholas ubique præscriptes fecit. Non noverunt inquam, famem a Splene, in stomachum inspirari : Splenem nempe, novisse rerum agendarum scopum, ut viscus regendis decoctionibus princeps : ideoque appetitibus præfectus, effective, cui tamen Pylorus assitit, rector et Exsecutor. Pylorus nempe, adhuc placitum habet, Blas liberum, aperiendi se, vel claudendi. Quod sub sanitate movetur, ob cognitionem sinium, cognitorum stomacho propter quos coctio, et appetitus creantur a Splene, tanquam Pylorus, conscius sit secretorum sinium Splenis. In adversa autem valetudine aperit se Pylorus, clauditque præpostere, atque inverso ordine, tanquam furore percitus symptomatico.

    [Et ainsi, l’estomac ne digérera ni ne recherchera les aliments, et il n’aura pas faim pour le corps entier, mais seulement pour son propre besoin ; il ne visera donc pas à compenser la vacuité des veines. Ce sont pourtant elles qui éprouvent en premier lieu la faim et la soif ; l’estomac ne le fait qu’incidemment, non pas pour lui-même, mais à cause des veines. Partout, Les écoles n’ont pas connu ces principes : elles ont, dis-je, ignoré que la rate induit la faim dans l’estomac car, en qualité de premier viscère qui régit la digestion, elle sait ce qu’il faut faire ; c’est elle qui préside effectivement à l’appétit, avec l’assistance du pylore, qui est son pilote et son exécutant car, en tant que Blas {a} libre, la volonté de s’ouvrir et de se fermer lui appartient. Dans l’état de bonne santé, la rate engendre les appétits ; l’information que ses sinus {b} communiquent à l’estomac enclenche la digestion, comme si le pylore percevait les secrets tapis au sein de la rate ; mais dans l’état de mauvaise santé, le pylore s’ouvre et se ferme à contretemps et dans l’ordre inverse à la normale, comme s’il était agité d’une furie symptomatique]. {c}


    1. Le Blas est la force impulsive dans le vocabulaire de Van Helmont (v. notule {c}, note [14], lettre latine 98).

    2. La rate contient un très riche lacis vasculaire composé de sinus veineux, auxquels Van Helmont conférait la fonction d’informer l’estomac (qui est en rapport anatomique étroit avec la rate) sur les besoins alimentaires du corps.

      V. notule {a}, note [17], lettre latine 87, pour l’attaque de Van Helmont contre la réalité de l’atrabile et l’idée qu’elle serait emmagasinée dans la rate.

    3. Bien que plus libre, la traduction de Jean Le Conte (Œuvres de Jean-Baptiste Van Helmont…, Lyon, 1671, v. notule {d}, note [11], lettre 121, ) n’est guère plus intelligible (page 152).

  • Page 482 (première colonne, repères 1‑2) du chapitre intitulé De Conceptis [Les Conceptions] :

    Quamobrem, in Splene, jam alias demonstravi, Imaginativam primorum conceptuum, eamque inde ad stomachum, duumviratus socium, etiam et hinc facile ac primordialiter (in altero sexu) ad uterum distendi. Splen ergo, tam fons est Idearum conceptarum in Imaginativa hominis, quam ipsius Archei. Archeus suas habet et peculiares Imaginationes, sibi proprias (sive enim veri nominis sint phantasiæ, vel saltem metaphoricæ, mihi perinde hoc loco) quarum ergo antipathias et philautias continuo sentit, atque inde deductos motus suscitat.

    [Comme je l’ai démontré ailleurs, l’imaginative {a} des premières conceptions est établie dans la rate ; de là elle s’étend à l’estomac, qui forme avec elle un duumvirat, puis (dans le sexe féminin) elle se porte aisément et primordialement à l’utérus ; si bien que la rate est la source tant des idées conçues en l’imaginative de l’homme, qu’en celle de l’Archée elle-même. {b} L’Archée a ses imaginations particulières et propres (qui portent en vérité le nom de rêveries, ou plutôt de métaphores, ce qui pour moi est la même chose), dont découlent directement les antipathies et les sympathies, et les mouvements qu’elles engendrent]. {c}


    1. Imaginative : « qualité qu’on attribue à une partie de l’âme, qui lui fait concevoir les choses et s’en former une vraie idée » (Furetière). Van Helmont la considérait comme une force céleste, voire magique.

    2. Principe vital des êtres humains, v. note [14], lettre latine 98.

    3. V. note [4], lettre 188, pour la définition médicale de la sympathie.

      La traduction de Jean Le Conte est à la page 290.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Gerardus Leonardus Blasius, le 28 janvier 1661, note 16.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1187&cln=16

(Consulté le 18/04/2024)

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