Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑1 (1701), note 16.
Note [16]

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 9).

Guy Patin a abordé le sujet « de la laideur du Christ » dans sa lettre du 3 septembre 1649 à Charles Spon (v. ses notes [15], [16] et [17]). Il y signalait la parution récente à Paris du livre De Forma Christi [Sur l’Apparence physique du Christ] du P. François Vavasseur (v. note [17] de ladite lettre). Ce bon père jésuite m’a épargné de fastidieuses recherches en y indiquant fort opportunément (page 60) les trois passages où Tertullien (v. note [9], lettre 119) a abordé ce sujet :

Tertullianus libro de idolatria, vultu, inquit, et aspectu inglorius. lib. adversus Iudæos, ne aspectu quidem honestus. lib. de carne Christi, adeo nec humanæ hosnestatis corpus fuit.

[Tertullien, {a} au livre de Idolatria, dit vultu et aspectu inglorius ; {b} au livre adversus Iudæos, ne aspectu quidem honestus ; {c} au livre de Carne Christi, adeo nec humanæ hosnestatis corpus fuit]. {d}


  1. Dans les trois citations de Tertullien qui suivent, j’ai recouru à la libre traduction française d’Antoine-Eugène Genoude (1852) et j’ai mis en exergue les passages cités par Vavasseur.

  2. Traité « De l’Idolâtrie », chapitre xviii :

    Quid ergo proficies, si suggestu quidem utaris, opera eius vero non administres ? Nemo in inmundis mundus videri potest. Tunicam si induas inquinatam per se, poterit forsitan illa non inquinari per te, sed tu per illam mundus esse non poteris. Iam nunc qui de Ioseph et Daniel argumentaris, scito, non semper comparanda esse vetera et nova, rudia et polita, coepta et explicita, servilia et liberalia. Nam illi etiam condicione serui erant : tu vero nullius servus, in quantum solius Christi, qui te etiam captivitate sæculi liberavit, ex forma dominica agere debebis. Ille dominus in humilitate et ignobilitate incessit domicilio incertus : nam filius, inquit, hominis non habet ubi caput collocet ; vestitu incultus, neque enim dixisset, ecce qui teneris vestiuntur, in domibus regum sunt ; vultu denique et aspectu inglorius, sicut et Esaias pronuntiaverat. Si potestatis ius quoque nullum ne in suos quidem exercuit, quibus sordido ministerio functus est, si regem denique fieri conscius sui regni refugit, plenissime dedit formam suis derigendo omni fastigio et suggestu quam dignitatis quam potestatis. Quis enim magis iis usus fuisset, quam Dei filius ? Quales et quanti eum fasces producerent, qualis purpura de umeris eius floreret, quale aurum de capite radiaret, nisi gloriam sæculi alienam et sibi et suis iudicasset ?

    [Toutefois, à quoi te servira de revêtir les insignes, si tu ne veux pas exercer le pouvoir ? Personne ne peut paraître sans taches sous un habit couvert de taches. Si tu prends une tunique déjà souillée par elle-même, il se peut que tu ne la souilles pas, mais à coup sûr elle te souillera. Toi donc qui allègues l’exemple de Joseph et de Daniel, sache-le bien, il ne faut pas toujours comparer l’ancienneté avec la nouveauté, la grossièreté avec la politesse, l’origine avec le développement, l’esclavage avec la liberté. Ces saints personnages, en effet, étaient esclaves ; toi, au contraire, « qui n’es l’esclave de personne, excepté du Christ », qui même t’a délivré de la captivité du siècle, tu devras te conduire d’après l’exemple du Seigneur. Ton maître a marché dans l’humiliation et l’obscurité, sans demeure certaine : « Le Fils de l’Homme, a-t-il dit, n’a pas où reposer sa tête », n’ayant que des vêtements grossiers ; autrement, il n’aurait pas dit « Voilà que ceux qui sont vêtus délicatement habitent le palais des rois » ; enfin, « sans gloire dans son visage et dans son extérieur », comme Isaïe l’avait encore annoncé d’avance. {i} S’il n’a jamais exercé aucun pouvoir, même sur ses disciples, auxquels il rendit les services les plus humbles ; il y a plus, si, connaissant bien sa royauté, il refusa d’être roi, il montra clairement aux siens comment il fallait en user avec l’élévation et le faste de la dignité, non moins que du pouvoir. À qui, je le demande, eussent-ils mieux convenu qu’au Fils de Dieu ? Que de faisceaux auraient marché devant lui ! Quelle pourpre aurait flotté sur ses épaules ! Quel diadème aurait brillé sur sa tête, s’il n’avait jugé que la gloire du siècle est chose étrangère à lui et à ses disciples].

    1. Isaïe 52:14.

  3. Traité « Contre les juifs », chapitre xiv :

    Duos dicimus Christi habitus a prophetis demonstratos, totidem adventus eius prænotatos : unum in humilitate, utique primum, cum tamquam ovis ad victimam deduci habebat et tamquam agnus ante tondentem sine voce sic non aperiens os, ne aspectu quidem honestus. Adnuntiavimus enim, inquit, de illo : sicut puerulus, sicut radix in terra sitienti, et non erat ei species neque gloria, et vidimus eum et non habebat speciem neque decorem, sed species eius inhonorata, deficiens citra filios hominum, homo in plaga positus et sciens ferre infirmitatem, scilicet ut positus a patre in lapidem offensionis et minoratus ab eo modicum citra angelos,vermem se pronuntians et non hominem, ignominiam hominis et abiectionem populi.

    [Les prophètes ont décrit sous de doubles images le double avènement de Jésus-Christ. Le premier devait se manifester au milieu des abaissements de toute nature. « Il sera conduit à la mort comme une brebis ; il sera muet comme l’agneau sous la main de celui qui le tond. » {i} Son aspect est méprisable. « Il se lèvera en la présence de Dieu comme un arbrisseau, comme un rejeton qui sort d’une terre aride. Il n’a ni éclat ni beauté. Nous l’avons vu ; il était méconnaissable, méprisé, le dernier des hommes, homme de douleurs, familiarisé avec la misère ; son visage était obscurci par les opprobres et les ignominies. » {ii} Son Père l’a établi comme une pierre de chute et de scandale. {iii} Il l’a placé pour un peu de temps au-dessous des anges. Pour moi, dit-il, je suis un ver de terre et non pas un homme. Je suis le rebut des mortels et le jouet de la populace »]. {iv}

    1. Isaïe 53:7.

    2. Isaïe 53:2-3.

    3. Isaïe 28:16.

    4. Psaumes 22 (21):7.

  4. Traité « Sur la Chair du Christ », chapitre ix :

    Denique verbis et factis tantum, doctrina et virtute sola, Christum hominem obstupescebant : notaretur autem etiam carnis in illo novitas miraculo habita. sed carnis terrenæ non mira condicio ipsa erat quæ cetera eius miranda faciebat cum dicerent, Unde huic doctrina et signa ista ? Etiam despicientium formam eius hæc erat vox : adeo nec humanæ honestatis corpus fuit, nedum cælestis claritatis. Tacentibus apud vos quoque prophetis de ignobili aspectu eius, ipsæ passiones ipsæque contumeliæ loquuntur : passiones quidem humanam carnem, contumeliæ vero inhonestam probaverunt. An ausus esset aliqui ungue summo perstringere corpus novum, sputaminibus contaminare faciem nisi merentem ? Quid dicis cælestem carnem quam unde cælestem intellegas non habes, quid terrenam negas quam unde terrenam agnoscas habes ? Esurit sub diabolo, sitit sub Samaritide, lacrimatur super Lazarum, trepidat ad mortem – Caro enim inquit infirma – sanguinem fundit postremo : hæc sunt opinor signa cælestia.

    [Enfin, si on s’étonnait que le Christ fût homme, c’était uniquement à cause de ses paroles, de ses actions, de sa doctrine et de sa puissance. On eût remarqué la chair dans laquelle il paraissait, comme une nouveauté et un prodige. Au contraire, c’étaient les qualités d’une chair terrestre, ordinaires par elles-mêmes, qui rendaient tout le reste si remarquable en lui, lorsqu’on disait : « D’où lui viennent cette doctrine et ces miracles ? » Ainsi parlaient même ceux qui n’avaient que du mépris pour sa personne. Tant s’en faut, en effet, qu’une clarté céleste brillât sur son visage, qu’il n’avait même aucun trait de la beauté humaine. Quand même les prophètes ne nous eussent rien appris « de son extérieur sans gloire », ses souffrances et ses ignominies parlent assez haut : ses souffrances racontent son humanité ; ses ignominies, l’abjection de son extérieur. Quel téméraire eût osé toucher, même du bout de l’ongle, un corps nouveau, ou souiller par des crachats une figure, à moins qu’elle ne parût le mériter ? Que viens-tu nous parler d’une chair céleste, toi qui n’as rien pour établir qu’elle est céleste ? Pourquoi nies-tu qu’elle ait été formée de terre, lorsque tu as de quoi montrer qu’elle était terrestre ? Elle a eu faim lors de la tentation du démon ; elle a eu soif à l’occasion de la Samaritaine ; elle a pleuré sur Lazare ; elle a tremblé aux approches de la mort, « car la chair est faible », est-il dit ; enfin elle a répandu tout son sang. Voilà, j’imagine, des signes d’une nature céleste !]


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑1 (1701), note 16.

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(Consulté le 20/04/2024)

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