Annexe : L’ultime procès de Théophraste Renaudot contre la Faculté de médecine de Paris, perdu le 1er mars 1644, note 17.
Note [17]

« ici et partout sur terre » : cette formule rituelle, prononcée à Montpellier et en d’autres universités, ne faisait pas partie des exhortations faites aux docteurs en médecine de Paris quand ils recevaient le bonnet : v. notes [13], lettre de Charles Spon, datée du 28 décembre 1657, [22], lettre 22, et [53] infra (pour un commentaire de Jean ii Riolan sur ce sujet).

René Moreau en a aussi parlé dans sa Défense de la Faculté de médecine de Paris contre son calomniateur… (Paris, 1641, v. note [8], lettre 57), pages 27‑29 :

« Il ne faut point, au reste, qu’il {a} se fasse fort des termes desquels les universités se servent en conférant le doctorat, qui sont do tibi licentiam legendi, etc. practicandi, cæterosque omnes actus Magistrales exercendis hic et ubique terrarum. {b} Car cette licence est apostolique et différente des privilèges que les rois donnent de faire la médecine. Comme le vicaire de Jésus-Christ {c} a sa puissance spirituelle étendue par tout le monde, donnant la permission et la bénédiction de faire la médecine, il la donne par tout le monde, hic et ubique terrarum. Les rois, au contraire, ayant une puissance temporelle bornée et circonscrite, ne donnent des permissions et des privilèges que sur leurs royaumes, terres et seigneuries. Nous avons deux preuves de cela irréprochables. L’une est la lettre d’Édouard ii, roi d’Angleterre, écrite au pape Jean xxii pour lui demander la même faveur, pour les universités d’Angleterre, que Boniface viii avait donnée à celles de France. {d} Elle est tirée du troisième livre de l’Apologie de Brianus Thwinus, Anglais : Sanctissimo in Christo Patri Ioanni diuina prouidentia sacrosanctæ Romanæ ac universalis Ecclesiæ Pontifici Eduardus eadem gratia Rex Angliæ, [Dominus Hyberniæ et dux Aquitaniæ devota pedum oscula beatorum,] sane intelleximus hanc dudum a felicis memoriæ Domino Bonifacio Papa viii. prædecessore vestro Universitatibus regni Franciæ gratiam fuisse concessam, ut omnes qui gradum magistralis honoris in quacunque facultate assecuti fuerint, possint ubique terrarum lectiones resumere, etc. Verum quia constat talem Apostolicæ dispensationis gratiam in Anglicani studij redundare dispendium si Universitas nostra Oxon. cum prædictis universitatibus regni Franciæ in libertatibus et Scholasticis actibus non concurrat, etc. {e} Par cette lettre, nous voyons que cette permission est apostolique et non point royale : autrement, le roi Édouard ne l’eût pas demandée au pape, mais l’eût donnée de sa pleine autorité. L’autre preuve est la formule de donner la licence qui est telle : Et ego, dit le chancelier, auctoritate apostolica do licentiam et facultatem legendi, interpretandi, etc. et faciendi Medicinam hic et ubique terrarum, in nomine Patris, et Filii, et Spiritus sancti, {f} qui sont des termes dont les rois ne se servent point. Il faut donc mettre différence entre la permission que l’Église donne aux docteurs de faire la médecine et celle que le roi donne à chaque université. Comme il y a des villes qui ont du roi le privilège de battre monnaie, aussi il y en a qui ont le privilège d’Université. »

Dans sa Réponse (Paris, 1641, v. la même note [8] que ci-dessus), Théophraste Renaudot a répliqué à Moreau sur ce point précis (pages 53‑55) :

« Tous ses docteurs {g} ont droit d’y pratiquer, et partout ailleurs, en vertu du pouvoir contenu en ces mots : hic et ubique terrarum, qu’il {h} soutient aussi mal à propos ne leur conférer pas ce droit-là d’exercer partout la médecine pource que cette licence, dit-il, de faire la médecine partout est apostolique. Il est si malheureux à raisonner qu’il s’ensuit toujours le contraire de ce qu’il veut inférer : à savoir que cette licence s’étend partout pource qu’elle est apostolique, car < il > n’y a point de roi dont la puissance s’étende par tout le monde, il n’y en a point aussi qui puisse donner pouvoir d’exercer la médecine partout ; il n’y a que le pape qui ait cette puissance. De sorte que cette licence s’étend par tout le monde pource que les termes exprès emportent ce pouvoir, et ils l’emportent pource que cette licence est apostolique. Il allègue à cette même fin une lettre d’Édouard second roi d’Angleterre […]. Pièce de laquelle ce personnage peu judicieux n’a pas bien prévu la conséquence, qui prouve encore diamétralement le contraire de ce qu’il veut en induire : car quel dommage eût apporté aux Anglais la faveur que les papes avaient faite aux universités de France de pratiquer la médecine par toute la terre, si elle eût été inutile à leurs docteurs et qu’ils n’eussent pas eu le pouvoir de faire la médecine hors du lieu où ils eussent reçu leurs degrés ? En ce cas, c’eût été une plainte bien mal fondée que celle du roi d’Angleterre au pape Jean, qui lui eût pu répondre que les docteurs des facultés de France n’ayant point pouvoir de pratiquer dans les autres universités, celle d’Oxford n’en pouvait recevoir le dommage. Mais le fondement de sa plainte était que tous les Anglais qui voulaient être docteurs en médecine venaient prendre le bonnet en France, et principalement à Montpellier, comme j’y ai encore vu quelques Anglais et Écossais, lesquels, transportant pour ce sujet d’Angleterre en France l’argent qu’il leur fallait pour l’obtention de leurs degrés, et les frais de leur voyage et séjour, en épuisaient d’autant l’Angleterre avant qu’elle eût pouvoir de faire des docteurs pour en peupler ses provinces ; ce qu’ils n’ont pas fait depuis si fréquemment. Je prie le défenseur de l’École de Paris d’instruire ici mon ignorance et m’apprendre comment il se peut faire que les Anglais vinssent prendre leurs degrés en quelques universités de France en si grand nombre que l’Angleterre en ressentît le dommage et que roi d’Angleterre s’en plaignît au pape, si cette Université-là ne leur pouvait pas donner le droit de pratiquer la médecine en Angleterre et si, étant capable de donner ce pouvoir aux pays étrangers, elle ne le pût communiquer dans les lieux de l’obéissance du roi et dans son royaume. […] De sorte que les deux conditions qui se trouvent à faire une université en France, à savoir l’autorité qui donne la puissance d’exercer la médecine par tout l’univers (privilège qui semble lui avoir donné le nom d’université) et les immunités des droits du roi attribués à cette université, se trouvant en celle de Montpellier, comme j’ai fait voir en mon factum, il s’ensuit bien que ses docteurs ont le pouvoir de faire la médecine partout, et conséquemment à Paris. »


  1. Théophraste Renaudot.

  2. « je te donne la licence de faire des cours, etc., de pratiquer, et d’exercer tous les autres actes magistraux, ici et partout sur terre »

  3. Le pape, qui donne toujours sa bénédiction urbi et orbi [à Rome et au monde entier].

  4. Édouard ii a été roi d’Angleterre de 1307 à 1327, et les papes Boniface viii (v. note [40] du Grotiana 2) et Jean xxii ont respectivement régné de 1294 à 1303 et de 1316 à 1334.

  5. Cette citation de leçons théologiques données vers 1430 par le moine bénédictin John Lawerne est tirée de l’Antiquitatis Academiæ Oxoniensis Apologia. In tres libros divisa. Authore Briano Twyno in facultate Artium Magistro, et Collegij Corporis Christi in eadem Academia Socio [Apologie de l’ancienne Université d’Oxford, divisée en trois tomes. Par Brianus Twynus, {i} maître en la Faculté des arts et membre du Collège Corpus Christi en ladite Université], {ii} livre 3, § 345, pages 377‑378, qui date la requête d’Édouard ii de la onzième ou douzième année de son règne (1318-1319) : {iii}

    « Nous Édouard, roi d’Angleterre, [souverain d’Irlande et duc d’Aquitaine,] avons conçu du très saint père le pape Jean, que la divine providence a fait pontife de la sacro-sainte et universelle Église romaine, [en lui baisant dévotement les pieds,] la même faveur que celle que son prédécesseur, le pape Boniface viii, d’heureuse mémoire, a accordée aux universités du royaume de France : à savoir que quiconque a obtenu un grade de maîtrise en une quelconque faculté puisse enseigner partout sur terre, etc. Mais puisqu’il apparaît qu’une telle faveur de dispensation apostolique tourne au dommage des études anglaises si notre Université d’Oxford n’égale pas en privilèges et en degrés académiques lesdites universités du royaume de France, etc. »

    Jean xxii accorda à Édouard ii la grâce demandée (ibid. § 347, page 378, citant la même source) :

    Eo emim tempore regem Angliæ quosdam ex optimatibus cum multis donis, iocalibus, et vasis aureis ad papam misisse scribit, quibus (inquit) papa fecit multas gratias et Magistris Regentibus in Universitate Oxon. hinc jura hinc antiqua Parisiensis et Oxoninensis Academiæ fædera atque commercia.

    [À même époque, il écrit que le roi d’Angleterre envoya au pape certains de ses grands seigneurs chargés de nombreux cadeaux, bijoux et vases d’or, dont le pape (dit-il) lui fit maints remerciements, ainsi qu’aux maîtres régents d’Oxford ; de là vinrent les droits, et les anciens traités et échanges entre les universités de Paris et d’Oxford].

    1. Bryan Twyne (1581-1644), historien et archiviste de l’Université d’Oxford.

    2. Oxford, Iosephus Barnesisus, 1608, in‑4o de 384 pages.

    3. Les crochets traduisent les passages que Moreau a omis dans sa transcription.
  6. « Et moi, dit le chancelier [de l’Université de Montpellier], par autorité apostolique, je donne la licence et la faculté d’enseigner, d’interpréter, etc., et d’exercer la médecine ici et partout sur terre, au nom du Père, et du fils et du Saint-Esprit ».

  7. Ceux de l’Université de Montpellier.

  8. Moreau.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe : L’ultime procès de Théophraste Renaudot contre la Faculté de médecine de Paris, perdu le 1er mars 1644, note 17.

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(Consulté le 28/03/2024)

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