À Charles Spon, le 13 juillet 1649, note 18.
Note [18]

Guy Patin faisait entrer bien tard en scène Jean-François-Paul de Gondi (Montmirail 1613-Paris 1679), futur cardinal de Retz (1652, v. note [24], lettre 286) et archevêque de Paris (en titre seulement, de 1654 à 1662), troisième fils de Philippe-Emmanuel de Gondi et de Françoise-Marguerite de Silly. Il était alors le coadjuteur de l’archevêque de Paris, son oncle Jean-François de Gondi (v. note [11], lettre 19).

V. note [4], lettre 196, pour Claude Catherine de Clermont-Tonnerre, sa grand-mère, et l’origine du nom et duché de Retz. Le père de Jean-François-Paul, jaloux de conserver l’archevêché de Paris dans sa famille, l’avait destiné à la carrière ecclésiastique ; mais le jeune homme, bien qu’il eût eu Vincent de Paul (v. note [27], lettre 402) pour premier précepteur et qu’il fût ensuite élevé chez les jésuites du Collège de Clermont, s’était abandonné à toutes ses passions, et avait cru trouver dans l’éclat de ses galanteries et de ses duels un moyen sûr de rompre, à force de scandale, les projets de sa famille. Au milieu de ses études théologiques, les conjurations et les troubles politiques de l’Antiquité parlaient bien plus haut à son imagination que les maximes de l’Évangile, et ce fut sous cette inspiration qu’il avait écrit à 18 ans la Conjuration du comte de Fiesque, ouvrage qui fit dire à Richelieu : « Voilà un dangereux esprit. »

Néanmoins, après un voyage en Italie, la perspective de l’archevêché de Paris le fixa dans sa profession ; il avait prêché son premier sermon devant la cour, et ce début d’un prédicateur de 22 ans fut couronné d’un éclatant succès. Quoique mêlé secrètement au complot du comte de Soissons contre Richelieu, Gondi ne s’était pas assez avancé pour se compromettre. Louis xiii mourant l’avait désigné comme coadjuteur de l’archevêque de Paris, son oncle, avec le titre d’archevêque de Corinthe in partibus (v. note [1], lettre 473), en 1643. Ses largesses secrètes, son activité, ses liaisons soigneusement entretenues avec les chefs de quartier, ses caresses au clergé de son diocèse lui avaient valu la popularité qu’il convoitait, mais plutôt avec les espérances d’un chef de parti qu’avec le désir d’une influence purement pastorale. Mazarin en avait pris ombrage et avait par ses tracasseries jeté le bouillant coadjuteur dans le parti des mécontents. Toujours tourmenté du désir secret de jouer le rôle d’un chef politique, il avait alors commencé à se mêler activement aux intrigues de la Fronde naissante, devenant l’âme de tous les conciliabules qui avaient semé la révolte dans le Parlement et dans les rues de Paris (G.D.U. xixe s.).

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 727‑728) :

« J’appris hier {a} que l’origine de toute cette belle guerre {b} venait de ce que la reine ayant prétendu faire faire la cérémonie du mariage de la reine de Pologne {c} dans Notre-Dame par l’évêque de Varmie, {d} qui était l’ambassadeur, M. le coadjuteur prétendit que cela lui appartenait. Sur quoi s’étant pris de parole avec M. le cardinal, {e} M. le cardinal lui dit : Vous êtes un joli mignon de prétendre l’empêcher. À quoi le coadjuteur répondit que c’était lui qui était bien joli de lui parler de la sorte et qu’il empêcherait que la cérémonie se fît dans Notre-Dame ; que de ce moment, il résolut de se venger du cardinal, et se joignit avec Mme de Longueville qui était indignée du retour de M. de Longueville {f} et du peu de cas que le cardinal en avait fait ; et tous deux ensemble ont commencé cette belle ligue entre les généraux et se sont servis du mécontentement du Parlement qu’ils ont allumé par leurs intrigues. »


  1. Le lundi 29 mars 1649.

  2. La Fronde de Paris.

  3. La princesse Marie, en novembre 1645, v. note [2], lettre 128.

  4. Principauté épiscopale (Ermland en allemand), alors rattachée à la Pologne, qui couvrait la partie littorale des actuels pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie).

  5. Mazarin.

  6. Son mari rappelé à Paris au début de 1648 tandis qu’il était en ambassade à Münster pour négocier les traités de Westphalie.

Retz a laissé de fort célèbres Mémoires (écrits entre 1675 et 1677, et publiés pour la première fois en 1717). La suite des lettres de Guy Patin a amplement évoqué les épisodes de sa vie aventureuse, en exprimant toujours de l’admiration pour lui et de la compassion pour ses infortunes. V. note [11], lettre 739, pour un curieux billet de Retz à Charles Patin où le cardinal marque de l’amitié pour Guy.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 13 juillet 1649, note 18.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0186&cln=18

(Consulté le 16/04/2024)

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