À Hugues II de Salins, le 27 mars 1655, note 18.
Note [18]

« Dans le livre des Questions épistolaires » :

Iusti Lipsii Epistolicarum Quæstionum Libri v. In qui<bu>s ad varios scriptores, pleræque ad T. Livium, notæ.

[Cinq livres de Questions épistolaires de Juste Lipse. {a} S’y trouvent des notes sur divers écrivains, la plupart sur Tite-Live]. {b}


  1. V. note [8], lettre 36.

  2. Anvers, Christophe Plantin, 1577, in‑8o de 229 pages

J’y ai vainement cherché un jugement sur le style familier des lettres de Cicéron. Lipse l’a encensé ailleurs : dans son Epistolica Institutio [Institution épistolaire], publiée en 1609, {a} où il s’est beaucoup étendu sur l’art de rédiger des lettres. {b} Le chapitre ix (page 1068), intitulé De Simplicitate duplici, et ad hanc monita [De la double Simplicité, et des conseils pour y parvenir], est spécialement éloquent à cet égard :

Tertiam virtutem posui simplicitatem : intellectu duplici, quia in stilo eam exigo, et in Mente. De stilo certum, et veterum exemplo testatum est, simplicem eum esse debere, sine cura, sine cultu, simillimum cottidiano sermoni. Itaque Demetrius, ut Dialogum, Epistolam scribi vult : et ipse Cicero, [texti eam quotidianis verbis.] Seneca apposite : [Qualis sermo meus esset, si una sederemus aut ambularemus, illaboratus et facilis : tales volo esse epistolas meas.] Quod feminas ornare dicitur, non ornari : hoc epistolam. quam sequi decor debet, non ab ea aut in ea affectari. At de Mente ; ita iltellego, ut simplex quiddam et ingenuum in tota scriptione eluceat, et aperiat candorem quemdam liberæ mentis. Nulla enim ex re magis natura cuiusque et certa indoles elucet (Demetrio vere scriptum) quam ex epistola. Itaque optima ea tibi repræsentenda, et inprimis illi ad quem scribis amica. ut inquam lenium affectuum et benevolentiæ illud, ut sic dicam, saccharum, inspergatur, fiatque delectabilis, et ad legentis gustum. Quo in genere Cicero unicus, et unice imitandus. Præceptis enim aliis res non continetur.

[J’établis la simplicité comme troisième vertu, dans le double sens du mot, car je l’exige dans le style comme dans l’esprit. Quant au style, il est certain, et attesté par l’exemple des Anciens, qu’il doit être simple : sans apprêt ni affectation, tout à fait semblable à la conversation de tous les jours. C’est pourquoi Démétrios {c} veut qu’une lettre soit écrite comme un dialogue ; Cicéron dit de « la construire avec les mots de tous les jours » ; {d} à quoi Sénèque ajoute « Quand nous sommes assis ou nous promenons ensemble, mes propos sont simples et spontanés, et je veux que telles soient mes lettres ». {e} Ce qui embellit les femmes, dit-on, n’est pas qu’elles s’embellissent : cela vaut pour une lettre, dont le charme doit aller de soi, sans besoin de le rechercher par sa forme ou son contenu. Quant à l’esprit, j’entends que tout ce qui l’illumine soit en tout point simple et sincère, et révèle la candeur d’un cœur libre : rien ne montre mieux qu’une lettre la nature d’une personne et la solidité de son talent (c’est Démétrios qui l’écrit avec justesse). Tu dois donc t’y présenter sous ton meilleur angle, et surtout y montrer ton amitié pour celui à qui tu écris ; de sorte, dirais-je, que ce que ta lettre contient de doux sentiments et de bienveillance soit, pour ainsi dire, saupoudré d’un sucre, qui la rende délectable pour celui qui la lit et à son goût ; en quoi Cicéron est un modèle unique, et le seul à imiter. C’est en cela que réside toute l’affaire, et en rien d’autre]. {f}


  1. Ouvrage publié avec son Epistolarum selectarum Chilias [Millier de Lettres choisies] : v. notule {b}, note [12], lettre 271.

  2. Dans le chapitre vii (page 1066), Lipse a énuméré les cinq qualités d’une bonne écriture épistolaire : Brevitatem, Perspicuitatem, Simplicitatm, Venustatem, Decentiam [Brièveté, Clarté, Simplicité, Agrément, Bienséance].

  3. Démétrios de Phalère, v. note [14] du Faux Patiniana II‑7.

  4. Cicéron, Lettres à des familiers, livre ix, xxi : epistulas vero quotidianis verbis texere solemus.

  5. Sénèque le Jeune, Lettres à Lucilius, lxxv.

  6. J’ai trouvé grand intérêt à transcrire et traduire ces préceptes lipsiens, car ils ont guidé la plume de Guy Patin dans l’immense majorité de ses lettres, tant françaises que latines.

    Cet extrait permet en outre de goûter au style latin, souvent décrié, de Lipse.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 27 mars 1655, note 18.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0396&cln=18

(Consulté le 20/04/2024)

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