Annexe : Noël Falconet, 60 ans après, note 18.
Note [18]

Ce chapitre De la Peste, occupe les pages 289‑340 du Système des fièvres et des crises ; on y lit page 309‑310 :

« Mons. G. a fait trop d’honneur à l’opinion du P. Kirker sur les vers, {a} qu’il regarde comme la principale cause de la peste, {b} pour que je ne le prie pas de trouver bon que je lui propose mes difficultés, après avoir établi, s’il me semble, assez vraisemblablement, que les parties offensives des végétaux, des minéraux, des eaux et de la transpiration et expiration des corps vivants, sont plus que suffisantes pour causer les maladies contagieuses et la peste. »


  1. Athanasii Kircheri e Soc. Iesu Scrutinium physico-medicum contagiosæ Luis, quæ Pestis dicitur. Quo origo, causæ, signa, prognostica pestis, nec non insolentes malignantis Naturæ effectus, qui statis temporibus, cælestium influxuum virtute et efficacia, tum in elementis, tum in epidemiis hominum animantiumque morbis elucescunt, una cum appropriatis remediorum antidotis nova doctrina in lucem eruuntur.

    [Examen physico-médical d’Athanasius Kircher, de la Compagnie de Jésus, {i} sur la maladie contagieuse qu’on appelle la peste. Où une doctrine nouvelle met en lumière l’origine, les causes, les signes, le pronostic de la peste, ainsi que les effets insolites de la nature maligne, qui se manifestent périodiquement, sous l’influence d’influx célestes, tantôt dans les éléments, tantôt dans les maladies épidémiques des hommes et des animaux, avec les antidotes appropriés des remèdes]. {ii}

    1. V. note [65] des Déboires de Carolus.

    2. Rome, Mascardi, 1658, in‑4o de 252 pages, pour la première de plusieurs éditions.

  2. L’érudit R.P. Kircher, qui n’était pas médecin, a décrit ses fameux vers pages 141‑142 :

    Pestem plerumque animatam esse supra docuimus : æger enim pestifera ferocia infestatus, mox excellentem contrahit putredinem, quam ad vermes generandos omnium aptissimam esse ibidem docuimus : Sunt autem hi vermiculi pestis propagatores tam exigui, tam tenues et subtiles, ut omnem sensus captum eludant, nec non nisi exquisitissimo smicroscopio sub sensum cadant, atomos diceres ; tanta vero identidem repullulant multitudine, ut sub computum non cadant : hi uti ex putredine concepti et generati fuerunt, ita per omnes corporis meatus porosque facile una cum halitibus sudoriferis extruduntur, at cum vel levissima aeris agitatione concitentur, non secus ac atomi intra radiosum solis proiecturam in obscuro loco factam, agitantur ; atque hinc inde diffluunt, ita ut quodcunque obvium incurrerint, illi mox tenacissime adhæreant, intra intimos rerum poros altius insinuati. Rem autem aliter se non habere, ac dixi, me sanguis putridus febribus laborantium sat superque docuit, quem una aut altera hora post emissionem ita plenum vermibus inveni, ut pene me attonitum reddiderit : atque adeo hominem tam vivum quam mortuum innumeris tametsi insensibilibus vermiculis scatere ex tunc mihi persuaserim ; ut et hic valeat illud Iobi : putredini dixi pater meus es : mater mea et soror mea vermibus. Quod et in dissectione Bubonum innumerabili vermium minutissimorum fætura refertorum, dum Nosodochio præficeretur, ad meam instantiam non semel se osservasse testatur eximius et doctissimus Iulius Placentius Medicus Romanus.

    [Nous avons en outre appris que la peste est généralement une maladie vivante : un malade infesté par la violence de ce mal est bien vite atteint d’une remarquable putréfaction, car nous avons pareillement appris que, de toutes les maladies, c’est elle qui est la plus apte à engendrer des vers. Les vermicules qui propagent la peste sont pourtant si minuscules, si ténus et subtils, qu’ils échappent entièrement aux sens, même en s’aidant du miscrosope, et vous diriez qu’il s’agit d’atomes ; leur nombre est si grand qu’on ne peut les compter. {i} Comme ils ont été conçus et engendrés par la putréfaction, ils sortent aisément à travers tous les méats et les pores, en même temps que les exhalaisons sudorales ; et comme ils se dispersent au moindre mouvement de l’air et s’y agitent de la même façon que font les particules dans un rayon de soleil éclairant un lieu obscur, et s’attachent aussitôt très solidement à tous les obstacles qu’ils rencontrent, pour pénétrer très profondément dans les pores intimes des choses. Je dis qu’il n’en va pas autrement : le sang des malades souffrant de fièvres putrides me l’a suffisamment appris car, une ou deux heures après qu’il a été tiré, je l’ai trouvé si plein de vers que j’en ai presque été frappé de stupeur et qu’alors je me suis persuadé que d’imperceptibles vermicules se répandent dans le corps humain, tant mort que vif. Ainsi se vérifie le propos de Job : « J’ai dit à la putréfaction, “ Tu es mon père ” ; et aux vers, “ Vous êtes ma mère et ma sœur. ” » {ii} Dans l’hôpital qu’il dirige, Julius Placentius, éminent et très savant médecin de Rome témoigne qu’il a plus d’une fois constaté la pullulation infinie de minuscules vers qu’on observe à la dissection des bubons]. {iii}

    1. Kircher n’a donc pas vu les vers dont il parle.

    2. La Bible (Job 17:14) alimente les illusions de Kircher.

    3. V. note [6], lettre 5, pour les bubons (adénopathies) de la peste.

      Dans un élan mystico-médical, Kircher a pu subodorer l’origine microbienne de la peste, mais il n’a sûrement pas conçu sa transmission par la puce du rat ni vu le bacille qui en est responsable (découvert par Alexandre Yersin en 1894, v. note [1], lettre 5).

      Un siècle avant Kircher, Fracastor a été le véritable précurseur de l’explication microbienne de la contagion, et l’a conçue dans des termes bien plus convaincants : v. note [6], lettre 6.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe : Noël Falconet, 60 ans après, note 18.

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(Consulté le 19/04/2024)

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