Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 19.
Note [19]

Drôle : « bon compagnon, homme de débauche prêt à tout faire, plaisant et gaillard » (Furetière).

Aujourd’hui bien mieux connu et étudié qu’au xviie s. (notamment grâce au précieux article du Wikipedia italien), Cecco d’Ascoli (Ciccus Esculanus ou Æsculanus) est le nom qu’avait adopté Francesco Stabili (Ancarano dans les Abruzzes 1269-Florence 1327). Entré à l’âge de 18 ans chez les moines camaldules d’Ascoli Piceno, dans les Marches, il pratiqua et enseigna plus tard la philosophie, la médecine, l’astronomie et la poésie à Florence et à Bologne. En 1326, comme médecin, Charles d’Anjou, duc de Calabre (1325-1327), le préféra à Dino del Garbo (dit Dino de Florence, 1280-1327). L’accusant d’hérésie pour ses pratiques occultes, l’Inquisition le condamna au bûcher ; avant de périr dans les flammes, il se serait écrié L’ho detto, l’ho insegnato, lo credo ! [je l’ai dit, je l’ai enseigné, je le crois !]. Gabriel Naudé citait les deux ouvrages les plus remarquables d’Ascoli :

  • son commentaire sur le Tractatus de Sphæra mundi [Traité de la Sphère du monde] de Joannes de Sacrobosco (Jean de Holywood, vers 1195-vers 1256), mathématicien et astrologue anglais qui enseigna à Paris ;

  • sa Physique est intitulée Acerba ætas [Âge immature] (imprimé pour la première fois à Venise en 1476 avec de nombreuses rééditions et traductions dans diverses langues) ; c’est un long poème encyclopédique en vers italiens rimés, composé de quatre livres sur la vérité scientifique.

Voici ce que Naudé a écrit d’Ascola (Ciccus), dans le chapitre xii, Des Génies que l’on attribue à Socrate, Aristote, Plotin, Porphyre, Jamblique, Ciccus, Scaliger et Cardan (pages 343‑346) de son Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magie de Gabriel Naudé (Paris, 1625, v. note [5], lettre 608) :

« La même raison qui m’a fait parler de ces anciens philosophes dans ce chapitre m’oblige encore de ne passer sous silence trois auteurs modernes que l’on dit avoir eu pareillement la conversation de leurs génies, {a} savoir Ciccus Esculanus, Scaliger et Cardan ; du premier desquels, si je traite en cet endroit, c’est plutôt pour maintenir la vérité que pour le mérite de sa personne, ou le fruit que l’on peut recevoir de ses livres, car le seul commentaire que nous avons de lui sur la Sphère de Sacrobusto {b} montre assez qu’il n’était pas seulement supestitieux, comme l’appelle Delrio, {c} mais qu’il avait aussi la tête mal timbrée, s’étant étudié d’observer trois choses en icelui {d} qui ne peuvent moins faire que de découvrir sa folie : la première, d’interpréter le livre de Sacrobusto suivant le sens des astrologues, mécromanciens et chiroscopistes ; {e} la seconde, de citer un grand nombre d’auteurs falsifiés, et remplis de vieux contes et badineries […] ; et la troisième, de se servir fort souvent des révélations d’un esprit nommé Floron, qu’il disait être de l’ordre des chérubins, {f} et qu’étant une fois, entre autres, interrogé ce que c’était que les taches de la Lune, il répondit brièvement, ut terra terra est. {g} […] À toutes lesquelles rêveries, quelle meilleure solution pourrait-on donner que de dire avec Lucrèce,

Quis dubitat, quin omne sit hoc rationis egestas ? {h}


  1. Naudé a fourni l’explication de ce mot au tout début de son chapitre xii (pages 303‑304) :

    « C’est une remarque de quelques personnes assez superstitieuses, dans le jésuite Thyræus, {i} que tous les enfants qui naissent aux jours des quatre temps {ii} apportent pour l’ordinaire avec eux leurs coiffes ou membranes, {iii} et peuvent bien plus facilement que les autres venir en la connaissance et familiarité des génies qui sont destinés pour leur conduite ; duquel privilège ceux-là se peuvent aussi vanter, suivant Ptolémée, qui ont la Lune pour dame de leurs actions, conjointe avec le signe du Sagittaire, ou celui des Poissons dans le thème de leur naissance ; ce qui pourrait donner occasion de croire que l’une ou l’autre de ces conditions s’est rencontrée sur la nativité de tous ceux pour lesquels nous dressons ce chapitre, vu que, suivant l’autorité de presque tous les auteurs, chacun d’iceux se peut vanter d’avoir été conduit dans le Temple de la gloire et de l’immortalité par l’assistance extraordinaire de quelque génie ou démon familier, qui leur était, comme parle Apulée, singularis præfectus, domesticus speculator, individuus arbiter, inseparablilis testis, malorum improbator, bonorum probator. » {iv}

    1. Petrus Thyræus, v. note [53], lettre 97.

    2. Premiers jours de chacune des quatre saisons de l’année.

    3. Un enfant naît coiffé quand il est expulsé en même temps que la délivrance, avec l’arrière-faix posé sur la tête (v. note [8] de l’Autobiographie de Charles Patin).

    4. « gouverneur particulier, gardien familier, arbitre personnel, inséparable témoin, réprobateur des mauvaises actions, approbateur des bonnes actions » (Apulée, À propos du dieu de Socrate, chapitre xvi).

  2. Sic pour Sacrobosco.

  3. V. note [54], lettre 97, pour le jésuite Martin Anton Delrio et ses Controverses et recherches magiques… (Paris, 1616).

  4. « s’étant appliqué à observer trois choses dans Sacrobosco ».

  5. Autre nom des chiromanciens, qui devinent à partir des lignes de la main. V. note [19] du Naudæana 3, pour les nécromanciens.

  6. « Esprit céleste [ange] qui, dans la hiérarchie est le premier après les séraphins. On les peint rouges pour signifier qu’ils sont enflammés de l’amour de Dieu » (Furetière). V. note [46] du Patiniana I‑4 pour celui, fort célèbre, qui hantait l’esprit de Socrate.

  7. « comme la terre est la terre. » Comprenne qui pourra…

  8. « Qui doute que tout cela est dénué de raison ? », adaptation très libre du vers 1211, livre v de La Nature des choses de Lucrèce : temptat enim dubiam mentem rationis egestas [car la déraison tâche de rejeter le doute].

V. note [63] du Naudæana 1, pour Cassiano dal Pozzo et sa somptueuse bibliothèque.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 19.

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(Consulté le 18/04/2024)

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