À André Falconet, les 21, 23 et 25 décembre 1664, note 2.
Note [2]

Le compte de Guy Patin était juste, et la sentence qu’il rapportait, exacte (prononcée le 22 décembre).

Voici ce qu’en a dit Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome ii, pages 283‑284 et 288‑289, samedi 20 décembre 1664), sans cacher ni sa joie, ni sa fierté d’avoir évité la sentence de mort, en dépit de Colbert et Berryer :

« La lecture des avis ayant été faite trois fois et personne n’ayant parlé, M. le Chancelier se leva. L’on dressa en même temps le dispositif de l’arrêt, {a} et il fut porté à M. le Chancelier dans une chambre où il s’était retiré ; et, M. de Sainte-Hélène et moi, nous le signâmes en sa présence, et après il le signa sans dire autre chose, sinon qu’il y avait six mois que les parents de M. Fouquet avaient demandé au roi, pour grâce, la même chose qui était ordonnée par cet arrêt. Après quoi je me retirai.

Tout Paris attendait cette nouvelle avec impatience ; elle fut répandue en même temps partout et reçue avec une joie extrême, même par les plus petites gens des boutiques, chacun donnant mille bénédictions à mon nom, sans me connaître. Ainsi M. Fouquet, qui avait été en horreur lors de sa prison et que tout Paris eût vu exécuté avec joie incontinent après son procès commencé, est devenu le sujet de la douleur et de la commisération publiques par la haine que tout le monde a dans le cœur contre le gouvernement présent, et c’est la véritable cause de l’applaudissement général pour mon avis, et que j’aie eu assez de fermeté pour maintenir la justice contre la faveur présente, et que mon avis ait été si juridique qu’il ait été suivi d’un grand nombre et des plus honnêtes gens de la Chambre de justice.

Quelques-uns de mes meilleurs amis me vinrent voir à l’heure même ; mais je fis fermer ma porte aux autres, afin d’éviter les compliments sur cela. […]

Ainsi, voilà ce grand procès fini, qui a été l’entretien de toute la France du jour qu’il a commencé jusqu’au jour qu’il a été terminé. Il a été grand, bien moins par la qualité de l’accusé et l’importance de l’affaire que par l’intérêt des subalternes, et principalement de Berryer, qui y a fait entrer mille choses inutiles et tous les procès-verbaux de l’Épargne pour se rendre nécessaire, le maître de toute cette intrigue, et avoir le temps d’établir sa fortune ; et comme par cette conduite il agissait contre les intérêts de M. Colbert, qui ne demandait que la fin et la conclusion, et qu’il trompait dans le détail de tout ce qui se faisait, il ne manquait pas de rejeter les fautes sur quelqu’un de la Chambre. D’abord ce fut sur les plus honnêtes gens de la Chambre, qu’il rendit tous suspects, et il les fit maltraiter par des reproches publics du roi. Ensuite, il attaqua M. le premier président et le fit retirer de la Chambre et mettre en sa place M. le Chancelier. Après, il fit imputer toute la mauvaise conduite de cette affaire à M. Talon, qu’on ôta de la charge de procureur général avec injure. Et enfin, la mauvaise conduite augmentant, les longueurs affectées par lui continuant, il en rejeta tout le mal sur moi : il me fit ôter l’intendance de Soissons ; il obligea M. Colbert à venir faire à mon père des plaintes de ma conduite. Et enfin, l’expérience ayant fait connaître qu’il était la véritable cause de toutes les fautes, et les récusations ayant fait voir ses faussetés, les procureurs généraux Hotman et Chamillart lui firent ôter insensiblement tout le soin de cette affaire, et dans les derniers six mois, il ne s’en mêlait plus ; et pour conclusion, il est devenu fou. »


  1. Note de Chéruel :

    « Voy. cet arrêt dans le Journal de Foucault, t. x, fo ,76 vo. Après les considérants, il se termine ainsi : “ La Chambre a déclaré et déclare ledit Fouquet dûment atteint et convaincu d’abus et malversations par lui commises au fait des finances, et en la fonction de la commission de surintendant ; pour réparation de quoi, ensemble pour les autres cas résultant du procès, l’a banni à perpétuité hors du royaume, enjoint à lui de garder son ban à peine de vie ; a déclaré et déclare tous et chacun de ses biens acquis et confisqués au roi, sur iceux préalablement prise la somme de 100 000 livres, applicable moitié au roi, et l’autre moitié aux œuvres pies. ” »


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, les 21, 23 et 25 décembre 1664, note 2.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0804&cln=2

(Consulté le 23/04/2024)

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