À André Falconet, le 16 novembre 1666, note 2.
Note [2]

Isaac de Benserade (Lyons-la-Forêt 1612-1691), né dans une famille protestante, avait été élevé dans la religion catholique. À peine sorti du collège, il avait fait jouer sa première tragédie (Cléopâtre, 1636) et obtenu la protection de Richelieu. La suite de sa carrière avait été celle d’un brillant littérateur de cour, émaillée de querelles, dont la plus fameuse fut celle qu’il eut avec Vincent ii Voiture (v. note [9], lettre 210) sur les sonnets de Job et d’Uranie, dont ils étaient les auteurs respectifs : la ville et la cour furent partagées avec un égal acharnement en jobelins et uranistes. Benserade était le secrétaire assidu de Mlle de La Vallière dans sa correspondance avec Louis xiv, qui ne cessa de le combler de ses bienfaits. Il fut admis à l’Académie française en 1674. Atteint de la pierre, il dut se faire tailler, mais le chirurgien maladroit blessa une artère et s’enfuit en courant, abandonnant, dit-on, le patient à son triste sort : il en mourut au bout d’une heure (G.D.U. xixe s.). Les vers anglophobes dont parlait Guy Patin sont composés de deux pièces.

  • La première est intitulée « Sur l’embrasement de la ville de Londres, sonnet. Par Monsieur de Benserade » :

    « Ainsi brûla jadis cette fameuse Troie,
    Qui n’avait offensé ni ses rois, ni ses dieux.
    Londres d’un bout à l’autre est aux flammes en proie,
    Et souffre un même sort qu’elle mérite mieux.

    L’horreur ne s’en pouvait plus longtemps soutenir,
    Et le Ciel accusé de lenteur à punir,
    Aux yeux de l’Univers enfin se justifie.

    Le crime qu’elle a fait, est un crime odieux,
    À qui jamais d’en haut la grâce ne s’octroie.
    Le Soleil n’a rien vu de si prodigieux :
    Et je ne pense pas que l’avenir le croie.

    On voit le châtiment par degrés arrivés.
    La guerre suit la peste, et le feu purifie
    Ce que toute la Mer n’aurait pas bien lavé. »

  • Afin que l’Europe entière pût s’en délecter, la seconde pièce en est la traduction latine, Incendium Londinense, ad Dominum d’Ormesson, Adv. Reg. [L’Incendie de Londres, à Maître d’Ormesson, avocat du roi] :

    Ardua sic arsit quondam Ilios, Ilios illa !
    Quæ Reges non ausa, suos nec Lædere Divos.
    Quam vastum est Londinum ardet data præda favillis :
    Et probat æquales, meruit quas iustius, iras.

    Admisit quid non audendo ! immania plusquam
    Cœpta, quibus faciles nequeant ignoscere Divi.
    Tale nihil vidit Solis iubar ; ipsaque quondam
    Credere posteritas monstrum aversata negabit.

    Impatiens dudum, et lentæ sibi conscius iræ,
    Culpatus toties pœnasdum tardat Olympus,
    Se mundo absolvit, scelerum iustissimus ultor.

    Sera venit, crescitque suo gravis ordine pœna.
    Sævit primalues : bella insuper : ultima lustrat
    Flamma, quod Oceanus non eluat omnibus undis.

    Santolius de S. Victore. {a}


    1. Pseudonyme sous lequel, selon Guy Patin, se cachait le jésuite François Vavasseur (v. note [17], lettre 195).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 16 novembre 1666, note 2.

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(Consulté le 29/03/2024)

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